Vous venez de sortir un nouvel album, Trans-reality , sur lequel nous reviendrons, mais qu’avez-vous fait depuis Mirage Post-Horizon ? Presque 8 ans ont passé…
Alexis : « Un enfant déjà et j’ai composé pour divers artistes et des musiques pour la publicité, applications smartphone et Jeux ; j’ai aussi enregistré , mixé et produit des groupes et bien évidement composé pour le nouvel album de Love in Cage. »
Isthmaël :« Pour ma part, j’ai enregistré deux albums avec Spleen XXX (dont le second sortira en 2024 sur Meidosem Records), j’ai également sorti deux albums de Morphoex l’un sur un label anglais et l’autre sur un label américain…j’ai réalisé deux courts-métrages , plusieurs clips pour la scène underground française (Opera Multi Steel «l’Annonce», Black Egg (projet de Usher de Norma Loy «Under your will » , Jeff’s Clark «From earth on mars»…), j’ai également exposé quelques photographies et vidéos dans des galeries…Et réalisé quelques clips pour Love in cage….Mais huit ans cela passe vite… »
Venons-en justement à parler de Trans-reality . D’abord pourquoi ce titre ?
Isthmaël : « Trans-reality symbolise une réalité transitionnelle alternative, il n’ y a pas une réalité mais plusieurs… Je pense que nous vivons, nous cohabitons dans plusieurs et différentes réalités… Nous n’avons pas tous la même perception de la même réalité… A l’heure de la désinformation et des fake news la réalité est devenue douteuse…. »
Comment est né le projet et est-ce que vous aviez une ligne directrice dès le départ ?
Isthmaël : « Avec Alexis on a essayé de créer deux atmosphères distinctes sur ce disque, retranscrire une réalité complexe et trafiquée et poursuivre vers une réalité lucide et existentielle…. Il y a sur ce disque une face A synthétique et froide et une face B plus post-punk et rock…»
Alexis : « De nouvelles inspirations, une nouvelle guitare qui m’a beaucoup inspiré aussi ( la meme jaguar blanche que Rowland S Howard ) Notre époque un peu trouble me laisse parfois perplexe n’en reste pas moins inspirante quelque part ( mais pas trop pour faire du funk ou du ska festif lol ) »
Avec qui as-tu travaillé pour le disque ?
Alexis : « En dehors de nous deux , notre ami Benjamin a posé de la batterie sur un titre (blue planet) et Arnaud Menard s’est occupé du mastering »
Isthmaël : « Pour le graphisme de la pochette on a choisi une photographie de ma composition et le Graphiste Valentin Pinel a inséré celle-ci dans la pochette…»
Vous faites partie d’une scène cold, synth-wave peu importe le nom, assez underground mais avec un fidèle public. Comment expliquez-vous que l’engouement pour les musiques froides ne faiblisse pas ?
Isthmaël : « La nostalgie et le spleen sont toujours contemporains… Hier comme demain il y aura toujours des personnes pour s’élever contre la musique mainstream, hier comme demain il y aura des personnes qui joueront dans des caves, des squats…Dictature ou pas….Les gens différents ont besoin de musiques différentes…»
Alexis : « Disons que l’époque et les rapports humain actuels n’inspirent pas vraiment a un vision du futur enthousiasmante, les humains aiment que la musique ne soit pas hors sol. »
Vous ne m’en voudrez pas j’espère si je te dis que votre univers me renvoie à celui des Sisters of Mercy (surtout sur la face B), ne serait-ce que par la voix gutturale et la ressemblance physique d’Isthmael avec Eldritch (je trouve). Vous acceptez la filiation ?
Isthmaël : « Dans un magazine récent, un chroniqueur a trouvé que ma voix ressemblait à celle de Steve Kilbey (The Church) et à Daniel Darc (Taxi Girl)….Nous n’entendons pas tous la même chose selon notre background culturel… J’aime beaucoup la discographie des Sisters of Mercy jusqu’au départ de Gary Marx fin 1984 début 1985 jusqu’à l’album First and last and always , après cela me touche moins… »
Alexis : « Musicalement sur cet album je ne pense pas , s’ il devait y avoir éventuellement une influence c’est celle de Rowland S. Howard et seulement sur un titre (“California desert”) mais je pense que tu t’adresses surtout à Isthmael… »
À qui d’autre aimeriez-vous que l’on associe Love in Cage, quels sont les groupes que vous écoutez ou qui vous influencent ?
Alexis : « J’écoute vraiment des musiques variés, en ce moment j’écoute beaucoup de hard bop de années 50 et 60 du label blue note ou les chansons de Patrick Cowley j’aime aussi l’album de Mareux ou des rennais de Gwendoline j’écoute aussi beaucoup de funk japonais des années 80, Jennifer touch ou Patriarchy. »
Isthmaël : « En ce moment, j’écoute beaucoup les compilations du label Crammed les fameuses Made to measure des années 80, je redécouvre la discographie du label de Sheffield de musique instrumentale électronique Warp : Autechre, Boards of Canada…J ’écoute également les premières cassettes d’In Aeternam Vale, les Legendary Pink Dots, Opera Multi Steel… Et surtout Coil, mon groupe culte avec The Cure… »
Votre univers musical, sans se risquer à le nommer, est souvent associé à des sentiments de nostalgie mais aussi d’esthétique. Vous vous reconnaissez la-dedans ?
Isthmaël : « Nous essayons toujours de soigner nos pochettes de disques car nous aimons les disques vinyles pour le son et leurs pochettes cartonnées… Adolescent, j’ai beaucoup été marqué par les pochettes des disques des labels de chez Korova (Echo and the bunnymen, The Sound) , du label Factory et surtout du label 4AD (Dead Can Dance, Cocteau Twins, Modern English…) qui ont marqué ma vie à jamais… C’est à cette époque que ce sont affirmés mes goûts musicaux, esthétiques et vestimentaires… Lorsqu’on s’intéresse au groupe Bauhaus , on tend à s’intéresser à l’histoire de l’école du Bauhaus, au cinéma expressionniste allemand et puis au cinéma hongrois de Bela Tarr , peut-être à la littérature de Mary Shelley et Bram Stoker. On passe à la littérature hongroise telles que László Krasznahorkai , Ferenc Karinthy ou bien à la science-fiction de Philipp K.Dick . La curiosité n’a pas de frontières ni de limites, mais il y a toujours un continuum…. Une structure vertébrale culturelle s’est inscrite au fil du temps. Mais une idée motrice guide ses agissements peut-être le spleen ? »
Alexis : « Oui je pense qu’il y a une certaine nostalgie dans nos compositions. Ceci dit, dans les sonorités, je recherche aussi des sons contemporains et neufs. »
Isthmaël, tu es également photographe et vidéaste. Considères-tu la musique comme un art à part entière ou comme quelque chose faisant partie d’une démarche plus globale, par laquelle la combinaison des disciplines concourt à atteindre le réel objectif artistique attendu ?
Isthmaël : « La musique découle de toute ce que j’ai fait… Lorsque j’ai commencé la batterie à 14 ans – avant de chanter -, je commençais à m’intéresser à la musique. Sans la musique je n’aurais jamais rien fait. Je sais qu’en France, on a tendance à tout mettre dans des cases, à catégoriser, à compartimenter les arts…. Si tu es musicien tu ne peux pas être peintre… Je trouve cela has been et absurde. Je n’ai jamais été d’accord avec cette pensée. J’ai toujours défendu une transdisciplinarité. Je vois l’expression artistique comme un tout. Lorsque je suis dans Love in Cage, j’écris des textes, je chante et je réalise les clips. J’essaie de servir la musique avec l’image. Lorsque je réalise un court-métrage, c’est une autre forme d’expérimentation : je filme, je monte, j’écris les textes pour les comédiens, j’enregistre les prises de sons, je compose la musique. C’est une autre démarche. L’exercice artistique est différent, le but n’est plus le même. Mais il y a toujours des passerelles entre les diverses disciplines. Les frontières sont une pure invention de l’homme. »
Entretien : Xavier-Antoine MARTIN // Photos : Sev DENIS
Lien d’écoute de Trans-Reality (Meidosem Records)