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FIERVILLA

Le rock made in Normandie

Photo Gabriel Renault

Biberonné à Evreux, dans l’Eure, le groupe Fiervilla vient de sortir un deuxième album addictif à base de guitares et de mélodies sixties. Rencontre entre deux trains, assis sur l’herbe d’un immeuble, en face lycée Aristide Briand, à côté de la gare.

Les musiciens de Fiervilla se connaissent depuis longtemps et ont déjà, plusieurs groupes à leur actif. OXP par exemple ou encore, plus récemment Slaughter House Brother,  un groupe formé avec Vadim Nemmar, le fils de Philippe Nemmar, le guitariste de Black Maria. À chaque fois, le succès d’estime a été au rendez-vous, surtout en Normandie, la région d’origine de ce groupe ébroïcien désormais installé à Caen.

Le groupe tient justement son nom de Fierville-les-Mine, un village du Cotentin situé près de Cherbourg, le village d’origine de la grand-mère de Lancelot, le chanteur. « Ce village s’appelait comme cela durant l’occupation romaine Fiervilla. C’est son nom celte. » Lancelot est la pierre angulaire de la formation. Il écrit et compose, mais le groupe c’est un quatuor simple et efficace : guitares, basse, batterie, pour un rock’n’roll puissant et inspiré. « Nous faisons du rock qui ratisse large, indique sans faux semblants Lancelot. Sixties dans l’esprit avec des teintes pop très présentes. On ne fait pas non plus du rock ou du métal mais la cohérence vient des quatre mecs qui jouent. Ce n’est pas vraiment niché non plus. Il s’agit plutôt de chansons acoustiques à la base. On prend les instruments et on cherche ensemble un son un peu californien, Beach Boys, voire du sud des Etats Unis. Cela sonne quand même assez années 60, 70. »

Le groupe est en fait né des cendres de Slaughter House Brothers. Pour Fiervilla, le bassiste seulement a changé. Lancelot, qui multiplie les groupes à Caen, a rencontré ses comparses à Evreux, lors de ses années collèges et lycées. Avec ses faux airs de Jimmy Hendrix, il est devenu, au fil des ans, un guitariste hors pair. « Cela fait longtemps que je joue. Mais ce qui est important, c’est notre bonne entente avec Vincent, l’ancien guitariste du groupe Escapade. Le couple est cool, là je me plais à faire la rythmique, Vincent fait souvent la lead. » Faut dire, que Lancelot à beaucoup à faire, vu qu’il est aussi chanteur. Le résultat est forcément métissé, avec un côté musique back affirmé, et toujours chanté en anglais même si depuis quelques années, Lancelot s’intéresse de plus en plus au français grâce à des chanteurs comme Ferré ou Brel mais aussi Téléphone. Aujourd’hui, la formation lorgne vers l’indé. « On se plait dans cette veine. » Le groupe n’a effectivement rien à voir avec la french touch, ce qui ne l’empêche pas  d’avoir déjà tourné en Angleterre, au Pays de Galle ou en Allemagne. « C’était dans des petits lieux, se souvient Nicolas, batteur. C’est super ce genre d’aventure pour nous, car cela ressemble à des vacances. » Les nouvelles conditions, liées autant à la crise sanitaire, vont sans doute compliquer les choses : « On pouvait partir avec notre matériel sans que cela ne pose de problèmes. L’été dernier, nous n’avons même pas pu rentrer à Andorre avec notre matos. Cela devient vraiment dur de s’exporter. »

L’album a été écrit avant et pendant les confinements. Quatre séances de studio ont été enregistrées sur bande en analogique avec Nicolas Brusq, un ingénieur du son à Caen. Tout s’est créé en studio. « Le but était d’arriver sans que les mecs ne connaissent les chansons, assure Lancelot. Cela fait des années que nous jouons ensemble. Nous avons fait quatre séances comme ça où tout partait de la guitare-voix. C’est tout simple. » L’album Fiervilla 2 est en fait une compilation de nombreux  titres piochés dans un ensemble de 40 chansons encore inédites. « Avec le confinement, on s’est dit que nous allions sortir des trucs que nous ne voulions pas sortir. Cette période, c’était la mort de l’art. Du jour au lendemain, c’était fini. Notre dernier concert remonte à septembre 2020, entre les deux premiers confinements. Il y a des frustrations. Allez voir des concerts me manquent encore plus que de jouer. Nous sommes d’ailleurs accompagnés par le Cargo mais, il y a aussi beaucoup de lieux indépendants. Là, nous aurions bien aimé jouer à Rock in Chair car même si les gens seront allongés, il y aura une communication possible avec eux. Même c’est si un pis allé, il faut prendre. Au début, le confinement ne devait durer qu’un mois et demi. »

À l’heure de sortir ce nouvel album  le quatuor jette un regard lucide sur la scène actuelle en Normandie. « C’est difficile ; oui il y a des SMAC à Rouen, le Havre ou Evreux mais tout le monde se tire dans les pattes. Si tu es un groupe d’Evreux tu vas avoir plus de mal à jouer à Rouen que de jouer à la SMAC de Metz ou ailleurs car entre eux, il y a une espèce de conflit qui perdure depuis longtemps. Mais il faut le dire, à Caen, pour l’accompagnement des jeunes groupes, ils donnent le maximum. »

Le groupe se revendique indé à mort mais à bénéficié de quelques subventions (pas suffisantes pour sortir un album), mais aujourd’hui l’album est disponible sur toutes les plates-formes : « La dématérialisation, je trouve pourtant cela triste, poursuit Lancelot. Si on avait des sous, on sortirait un beau vinyle, un CD et même une cassette. De toute façon, mais dans les voitures, il n’y a plus que des lecteur USB. » L’objet, ou plutôt le disque dématérialisé, débute avec entrain par “Rochambelle”. « C’était l’armée de réserve française, des femmes qui, pendant la seconde guerre mondiale, était engagée dans l’armée. Cela pouvait être des infirmières mais aussi des combattantes, des opératrices. Elles avaient quitté la France et vivaient à l’étranger. Tout un groupe de femmes sont ainsi allé voir un général français et lui ont demandé si elle pouvait faire le débarquement avec eux. » « Cette épisode de la guerre est très connu à Caen, confirme Nicolas. Cela a marqué le D-Day. On rend souvent hommage aux Américains mais on ne parle pas souvent des femmes. Cela me faisait marrer de faire une chanson là-dessus. »

Autre titre fort, “Is it”, une histoire d’amour : « Je raconte des histoires, poursuit le chanteur. Ce n’est pas seulement des mots, c’est quand même engagé même si c’est un peu nébuleux, dans le brouillard. Je raconte des histoires de gens. “Is it” c’est l’histoire d’un homme qui ne s’entend pas très bien avec sa copine, il souhaite prendre le contrôle de la situation mais pas de façon violente. »

Africain d’origine, comme Micko Black, Lancelot est né en France. Il est très exactement originaire du Cameroun, la patrie de Manu Dibango,  décédé en mars 2020 : « Il m’a surtout influencé par son jeu de saxophone et ses textes plus que par sa musique. Moi, mes influences sont plus américaines et anglo-saxonne. »

À l’heure du déconfinement, le groupe souhaite surtout voir les dance-floor rouvrir. « Que la vie reprenne son cours et de la musique pour tout le monde. Du live que l’on puisse tourner et boire des bières, allez voir des groupes. La musique vivante comme le rock, c’est encore mieux dans un club que dans une salle. Il faut les gens à la même hauteur que soi. Il faut des gens agglutiné, une heure pour commander une bière. C’est la vraie ambiance de pub. On a grandi dans cette ambiance à Evreux, au Râtelier, à la Biche, le Green. Il y avait aussi le Mata Hari, la marche au-dessus. La jeunesse d’Evreux aujourd’hui ne connait rien de tout cela. Il reste chez Chez Chriss.»

>>site de FIERVILLA  

Texte : Patrick Auffret

Photos : Patrick Auffret et Gabriel Renault

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