Bandeau Longueur d'Ondes n° 101

SARAKINIKO

Retour vers l’enfance

 

Après un premier LP, Red Forest en 2022, Yann Canevet, l’homme derrière le projet Sarakiniko, récidive avec Dehors, rythmé par une musique que le Breton définit comme de la mud pop. Un superbe album tout en contrastes dans lequel la fragilité des êtres s’entrechoque avec la rugosité d’un monde que l’on découvre à travers le prisme d’un retour vers une enfance qui va peu à peu perdre sa naïveté et sans doute une partie de ses illusions.

 

 

Parle-moi de Sarakiniko, comment le projet est né ?

Les débuts de Sarakiniko c’était en avril 2022 avec la sortie du premier album. C’est donc un projet assez jeune, dans lequel je fais tout de la composition au jeu des différents instruments. Par contre en live je suis accompagné de deux musiciens. Ce sont des fidèles, je suis avec eux depuis une quinzaine d’années au travers d’autres groupes comme Marble Arch et Maria Falls. D’autre part, j’ai ou ai eu d’autres groupes comme Venera4 et FTR, ce dernier étant basé sur Paris et qui a sorti un album en septembre 2022.

J’ai quitté Paris en 2019 pour revenir dans les Côtes d’Armor dont je suis originaire, Sarakiniko est né à cette occasion, de l’idée de faire toutes les parties et de mettre une boite à rythmes, c’est comme cela que j’ai composé le premier album.

 

Tu parlais de FTR qui évolue dans une atmosphère de cold un peu noire, alors qu’avec Sarakiniko tu es plus dans un registre psyché entre autres. Comment tu définirais le style de Sarakiniko ?

Moi j’appelle ça de la mud pop, donc un peu de la pop boueuse. Le fait d’avoir des chansons assez pop finalement, assez lumineuses, qui peuvent être recouvertes par des bribes de matière un peu plus grasse – dans le sens figuré – de saturations, d’effets de guitare. Maintenant, c’est assez différent sur les deux albums, mais toujours assez rock et assez pop avec des textures qui viennent s’ajouter à ça. On peut reprendre le fait que ce soit sali, mais non en fait, la terre c’est propre, on peut mettre les mains dedans…

 

Ça reste quand même assez ouaté malgré tout…

Oui, c’est assez doux finalement, il n’y a rien de dur. Ça correspond à ce que j’aime faire en chant et en guitare, et comme je suis tout seul, je fais ce que j’ai envie de faire !

 

Parfois, en parlant de ta musique, on fait référence à Jesus and the Mary Chain. Personnellement, je trouve des affinités avec les sons des Limiñanas, tu te retrouves là-dedans ?

Pour Jesus and the Mary Chain, c’est exact. Concernant les Limiñanas, j’ai eu l’honneur d’avoir une chronique par Marion Guilbaut la semaine dernière sur France Inter, et ils étaient invités avec Vox Low. Je ne pense pas qu’il y ait de hasard dans la programmation… J’ai découvert Vox Low il n’y a pas si longtemps, je trouve que c’est un super groupe. Les Limiñanas, je les ai découverts aussi il y a quelques temps, même si je ne les connais pas personnellement. Mais c’est un des groupes que je suis en France et qui à mon avis est assez innovant, avec quelque chose d’à la fois fragile et entêtant. Ça va vite, ça bouge. J’aime leur forme de liberté, ils peuvent passer de l’électro à un truc complètement psyché comme ça. Ça me rappelle un peu cette liberté qu’avait Primal Scream aussi. J’adore ces groupes qui peuvent se réinventer à chaque album, tout en restant dans leur ADN.

 

Comme tu l’as dit, tu as fait ton album, Dehors, tout seul. Comment tu t’organises ?

Trouver des gens pour m’aider, ça a été assez simple et assez rapide. J’avais sorti un single en 2021 que j’avais mixé moi-même, et accompagné d’un clip que ma femme avait réalisé. C’est elle qui fait tous les clips et les pochettes de Sarakiniko. Le titre avait été diffusé via New Noise, et un jour un gars me contacte en me disant : « Il est bien ton titre, mais moi je peux mieux faire. » Ok, pas de problème, j’avais déjà les pistes que je lui ai donc envoyées, pour voir. C’était un Anglais, du nom de James Aparicio, que je ne connaissais pas du tout, mais j’ai vu qu’il avait bossé pour These New Puritans, Spiritualized, qui sont des groupes que j’aime beaucoup, surtout These New Puritans. Et en fait, ça a tout de suite marché, il m’a renvoyé quelque chose très vite et je me suis dit que c’était avec lui que je voulais bosser. Maintenant on travaille pas mal ensemble, notamment sur la partie mixage et mastering. L’enregistrement, je le fais moi-même. Toute la partie artwork, c’est donc ma femme. C’est elle qui a dessiné la pochette de Dehors, qui me représente quand j’avais 4 ans… Sinon, j’autofinance tout, pas de label, pas de tourneur. J’ai juste Catherine [Rué] qui m’aide pour la promotion, et ce depuis le premier album.

 

 

On parle de Dehors, il y a un thème récurrent dans l’album…

Oui effectivement, c’est l’enfance et le retour à la précocité, à des souvenirs. Le fait d’avoir appelé l’album « dehors », c’est assez important pour moi, par rapport à ma fille qui me ressemble beaucoup, aussi cela aurait pu être elle au même age sur la pochette. Dehors, ça signifie aussi le fait qu’en tant qu’êtres humains on a été habitués à être dehors, et que l’on puisse laisser nos enfants découvrir le monde de dehors, le monde dans lequel on évolue. J’écris beaucoup par rapport à ce que je vois, je vis près de la forêt, près de la nature, et c’est quelque chose que je voulais faire transparaitre en musique. C’est cela qui donne le fil rouge de l’album. « Dehors » peut aussi être une naissance, qui commence par “Golden glows” et qui finit par “Coal”, plus noir. Au milieu de l’album, il y a une découverte avec “Are we dead”, peut-être une découverte de la maturité par un enfant qui regarde avec ses yeux d’adolescent ou de jeune adulte et qui dit : « Mais qu’est-ce que vous êtes en train de faire ? ». Je pourrais aussi citer “L’avenir la fin”…

 

Pour la première fois, tu as écrit certains titres en français sur cet album, pourquoi ?

La motivation première, c’est que j’ai des enfants en bas âge et qu’ils veulent comprendre ce que je dis. Ils voulaient que je fasse une chanson en français. J’ai commencé à le faire et j’ai cherché à comment le faire en français parce que ce n’est pas évident de passer de l’anglais au français, tout en gardant une cohérence. Il faut trouver les mots justes pour que ce soit facile à comprendre, même si tu peux avoir plusieurs lectures. Je voulais aussi quelque chose de plus frontal, mais comme ça mes enfants arrivent à comprendre et à chanter, donc c’est réussi pour moi.

 

Quels sont tes projets pour l’album ?

On a commencé les concerts, notamment à Rennes pour la sortie de l’album. On va aller jouer à Dinan et à Nantes. En 2024, après une pause hivernale, ça va être d’autres destinations un peu plus lointaines : New-York en mars, Londres et Paris pour commencer. Après j’aimerais faire des festivals, mais je ne sais pas si l’occasion va se présenter, on va voir…

 

Entretien : Xavier-Antoine MARTIN

Photos : Morgane CAUX

 

 

Lien d’écoute de Dehors

 

 

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