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Festival Montréal en lumière

Entretien avec Jacques Primeau, son directeur

Du 16 février au 6 mars 2023, MONTRÉAL EN LUMIÈRE allie gastronomie, patin et musique au cœur de la ville canadienne. Le festival permet de se retrouver malgré l’hiver particulièrement rude, de partager, de s’amuser et de d’échange autour de thématiques actuelles.

 

Cette année la gastronomie scandinave est à l’honneur et le festival profitait également des 25 ans de la Nuit Blanche le 25 février pour magnifier ses festivités. À cette occasion nous avons rencontré Jacques Primeau nommé à la tête de trois festivals en 2020 : le Festival International de Jazz de Montréal, les Francos de Montréal et MONTRÉAL EN LUMIÈRE. Entrevue.

Vous avez été nommé à la tête de trois festivals : le Festival International de Jazz de Montréal, les Francos de Montréal et MONTRÉAL EN LUMIÈRE en 2020, juste avant la pandémie. Comment avez-vous vécu cette prise de fonction et surtout de la découvrir pleinement quand les spectacles ont pu reprendre normalement ?

Jacques Primeau : J’ai été nommé en février 2020, soit un mois avant qu’on soit confiné chacun de notre côté. J’ai vécu une période de bouleversements organisationnels, mais je suis très fier d’avoir participé avec les équipes à la réalisation de festivals numériques : le Festival International de Jazz de Montréal, les Francos de Montréal et MONTRÉAL EN LUMIÈRE. Une version sur le web où une belle sélection de musiciens montréalais sont venus offrir un exemple de cette belle créativité et diversité musicale aux amateurs de musique. Les versions numériques étaient beaucoup plus qu’un succédané de festival, mais il est vrai que ce n’est rien comparativement à l’expérience « live ». À partir du mois de février 2022, c’était la première édition, voire le premier festival, à recevoir du public ‘’postpandémique’’. C’était une grande joie d’accueillir des gens sur le terrain, c’est pourquoi on fait ces événements, pour le public. Depuis ce temps, je me consacre exclusivement à cela.

La gratuité est l’un des piliers des festivals sur lesquels vous travaillez, pourquoi est-ce si important et quelles sont vos actions pour financer ces évènements ?

C’est le Festival International de Jazz de Montréal, il y a plus de 40 ans, qui a initié cette formule sur ce territoire, qui est aujourd’hui le Quartier des spectacles. On y trouve un mélange de spectacles gratuits et de spectacles payants en salles. C’est justement ce qui fait la beauté du Quartier des spectacles ; on y trouve une trentaine de lieux culturels, dont plus d’une vingtaine de salles de spectacles de différents formats. Ces salles sont toutes regroupées autour des places publiques, qui ont été aménagées en 2009. C’est ça le secret des festivals.

Le financement est à la fois composé de revenus de commandites privées et de partenariats publics avec les différents paliers gouvernementaux, soit le gouvernement du Canada, le gouvernement du Québec et la Ville de Montréal. Nous avons aussi du soutien de la part d’autres organismes, tels que Tourisme Montréal, qui chapeaute les activités touristiques sur le territoire montréalais. Il s’agit d’un financement de revenus autonomes, et d’autres provenant de commandites et de contributions d’organismes publics.

La 24ème  édition de MONTRÉAL EN LUMIÈRE arrive à grands pas, à quoi peut-on s’attendre cette année ?

MONTRÉAL EN LUMIÈRE est un festival qui célèbre la gastronomie, le spectacle (majoritairement musical) et un volet extérieur gratuit, qui met à l’honneur le patin. Deux patinoires sont aménagées sur le territoire. L’une d’entre elles, située sur l’esplanade tranquille est permanente tandis que la seconde, soit le Sentier de patin, est une création spécialement conçue pour MONTRÉAL EN LUMIÈRE. Ce sentier unique propose un espace non seulement lumineux, mais animé par des DJs. Des soirées musicales thématiques sont également associées à ces activités de patin. Au-delà de ça, on dispose aussi de différentes installations lumineuses qu’on retrouve un peu partout sur le site. Pour le volet gastronomique, plus de 40 tables proposent des événements dans différents restaurants de Montréal avec plus d’une vingtaine de chefs internationaux qui sont accueillis par des chefs locaux. Un volet gratuit est également proposé avec le Quartier gourmand, où on parle d’expérience gastronomique et de produits locaux. On peut également s’attendre à un volet spectacle très diversifié dès le départ, en commençant avec le grandiose Riopelle Symphonique, interprétée par l’Orchestre symphonique de Montréal, qui amorçait une première série de spectacles en ouverture du festival, des projets spéciaux comme le ciné-concert Les Triplettes de Belleville pour le 20e anniversaire du film et 1969 Live, des artistes internationaux comme Bon Entendeur ou encore The Kingdom Choir, et des artistes locaux comme Jacques Kuba Séguin et Caroline Savoie qui profitent de l’occasion  pour lancer un nouvel album.

Programme gastronomique, programme musical, les deux s’y mêlent. Vitalic, le musicien, me confiait en interview que faire de la musique c’est un peu comme réaliser une recette (les rythmiques sont les épices, la mélodie les ingrédients …). Êtes-vous d’accord avec ça ?

Oui, en effet. Il y a plusieurs similitudes à trouver entre la création musicale et gastronomique. En partant du principe que le partage d’un repas est un vecteur de créativité, certains artistes comme Olafur Eliasson, ont développé des repas où certains ingrédients représentent des notes de musique, alliant la célébration des humains, des aliments et du soleil. Dans un cas comme dans l’autre, ce sont des éléments extérieurs et/ou environnants qui sont propices à la création. Chez nous, il y a l’exemple  deFrançois Chartier, un sommelier ayant réalisé un grand travail  derecherche sonore pour accompagner les saveurs et les odeurs. On ne saurait trop insister sur la grande créativité de l’expérience gastronomique qui est une forme d’art au même titre que la musique.

La programmation musicale cette année est très variée, comment est-elle sélectionnée ?

La sélection de la programmation musicale est sous la responsabilité de Maurin Auxéméry, directeur de la programmation et des événements culturels des festivals de L’Équipe Spectra. Il chapeaute Les Francos de Montréal, le Festival International de Jazz de Montréal, et MONTRÉAL EN LUMIÈRE. Maurin, avec l’équipe de la programmation, a le mandat de proposer une diversité musicale rejoignant différents publics, d’initier certains projets et saisir au vol des occasions d’artistes en tournée pour bâtir la programmation. Il faut dire que c’est le retour des spectacles en salle pour le festival, et ce après plusieurs années d’absence. Nous sommes très fiers de ces retrouvailles avec le public pour MONTRÉAL EN LUMIÈRE. Je vous invite à découvrir la diversité de notre programmation sur le site Web de montréalenlumière.com.

La Scandinavie sera à l’honneur côté gastronomie, comment a-t-elle été choisie ?

Étant un festival qui a lieu en hiver, on avait envie de donner une touche de nordicité à l’événement. La gastronomie québécoise et la culture culinaire québécoise partagent plusieurs similitudes avec la gastronomie des pays scandinaves étant donné leurs producteurs locaux et ingrédients qui évoluent dans le même climat. On peut penser à la cueillette de champignons, le fromage, les fruits de mer du fleuve Saint-Laurent, mais aussi aux techniques de conservation comme la salaison, la fumaison, la fermentation, la congélation et la conservation des légumes racines en caveau. Les chefs et les producteurs québécois doivent user de ces techniques pour s’assurer de manger local même l’hiver. Il était intéressant que les chefs québécois et scandinaves se réunissent pour partager ces similitudes, mais aussi que les Québécois fassent rayonner leur version de la nordicité peu connue auprès des chefs scandinaves, et à travers le monde.

MONTRÉAL EN LUMIÈRE a pour mission de promouvoir la culture culinaire québécoise et la nordicité est un élément phare de son identité culinaire. Il faut faire rayonner cette caractéristique nordique, que les chefs montréalais savent mettre de l’avant dans leur cuisine, pour s’éloigner du folklore (bagel, smoked meat et poutine) qui prévaut souvent quand on parle de l’identité culinaire montréalaise. On retrouve d’autres thématiques fortes la cuisine autochtone, la pisciculture urbaine…

Pouvez-vous nous en parler ?

La cuisine autochtone a influencé et influence encore l’identité culinaire québécoise. Il faut favoriser ce rapprochement entre chefs allochtones et chefs autochtones et la cuisine est une occasion parfaite pour ce rapprochement et un partage. Autour d’une table, les frontières tombent.
Montréal en est un acteur important de l’agriculture urbaine grâce à Opercule, La Centrale agricole, Les fermes Lufa et les champignonnières urbaines. Ces initiatives favorisent le circuit court.

MONTRÉAL EN LUMIÈRE se déroule en plein hiver, particulièrement rude à Montréal, comment s’organise cet évènement avec ces conditions  particulières ?

C’est justement la beauté et le défi de ce festival, qui se déroule dans le Quartier des spectacles. C’est un lieu propice aux activités extérieures, mettant à l’honneur le patin, mais il offre aussi la capacité d’alterner avec des espaces à l’abri du froid, tels qu’un chalet où enfiler ses patins et une terrasse couverte et chauffée au Bistro SAQ où on peut se détendre après quelques tours de piste, en plus de la multitude de lieux culturels et de salles de spectacles, tout autour du site sur lequel a lieu le festival.

C’est la même chose pour les restaurants et les hôtels, très présents autour du site, en plein centre-ville de Montréal. Rappelons qu’initialement, MONTRÉAL EN LUMIÈRE a été fondé pour amener plus de vitalité dans le centre-ville pendant la période hivernale. De plus en plus, le centre-ville propose un ensemble d’activités, culturelles ou non, qui sont complémentaire à une visite au festival. Ces activités peuvent être à la fois familiales ou plus festives, mais aussi s’adresser à un public plus niché au niveau culturel.

La Nuit blanche, qui est le moment fort de MONTRÉAL EN LUMIÈRE, a lieu le deuxième samedi du festival. Plus de 100 organismes culturels offrent différentes activités en théâtre, danse, musique et en arts visuels, le tout agrémenté d’un côté festif pour célébrer toute la nuit et se jouer de l’hiver.

Vous avez aussi organisé le festival Transe Atlantique à Saintes, pourquoi le choix de cette ville ? Quelles sont les spécificités de cet évènement ?

D’abord, je tiens à préciser que je ne l’ai pas organisé, j’ai donné un coup de main à un festival initié par Raphaëlle Chovin, qui est l’âme et la directrice de ce festival. Comme c’est un festival qui accueille des musiciens québécois et des musiciens français, j’ai trouvé que c’était une superbe ville, remplie d’histoire, qui est propice à un festival à dimension humaine, dans un endroit magique. Encourager les échanges France Québec est un leitmotiv pour moi. Ma carrière de ‘’manager’’ avait débuté en France avec Rock et Belles Oreilles et depuis ce temps, je multiplie les raisons d’aller en France, que j’affectionne particulièrement.

Comment la musique et la culture aident-elles selon vous à entretenir les liens entre le Canada et la France ?

Bien que nous parlions différemment, nous parlons la même langue. La culture sous toutes ses formes, que ce soit dans le domaine de la musique, la littérature, du cinéma, ou de la télévision, contribue à créer des ponts entre nos deux mondes et à nous rassembler autour d’un point commun. Au-delà de la langue, des affinités précises nous rassemblent, comme l’amour de la bonne bouffe, de la discussion, etc. Ce qui nous différencie avec le reste de l’Amérique du Nord c’est la culture française dans laquelle on a baigné toute notre vie. La culture est le point entre nos deux sociétés pour communiquer nos sentiments, nos valeurs, nos projets et notre façon de vivre. Pour la France, nous sommes un peu comme une porte d’entrée pour une Amérique différente.

Pour nous, cet accès à la France et à l’Europe est l’avantage qui nous pousse à multiplier les projets qui nous font découvrir chacune de nos deux sociétés.

 

Interview : Julia Escudero
Lien site web : https://www.montrealenlumiere.com/

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