Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

E-RISER

Cinématique électronique

Benjamin Sire – aka E-Riser – est un personnage à part dans le paysage musical français. Derrière ses multiples facettes – journaliste, musicien, compositeur de musiques de films, homme de théâtre, producteur, militant – se dessine, pour ceux qui prennent le temps de le connaître, une personnalité attachante, hors normes et c’est bien là le meilleur compliment que l’on puisse certainement lui faire. Car Benjamin est curieux de tout, sans cesse à l’écoute d’un monde dont il observe les pulsations avec ce que l’on pourrait presque prendre pour un regard d’enfant, préférant rester optimiste et presque candide – mais lucide -, et cela même quand s’agit de commenter une actualité plutôt sombre, comme il l’a fait pour radios et télés pendant la crise sanitaire. Alors qu’un album, Electronica Cinematic, est annoncé pour la fin de l’année, l’artiste talentueux qui se cache derrière les pseudos de Jiben, Sire ou plus récemment E-Riser a accepté de lever le voile sur ses projets à l’occasion de la sortie du clip du titre single “Fa-tality”.

Benjamin, pourquoi avoir choisi ce pseudo de E-Riser ?

« À la base, c’est une anagramme de Sire, qui donnait Rise, parce que j’aimais bien le sens. Mais outre qu’il y a 10 000 artistes qui s’appellent comme ça, je voulais ajouter la dimension numérique qui est le fil rouge de tous mes parcours professionnels et personnels. J’ai voulu changer en parfait accord avec l’équipe de Chancy Publishing, qui était… “sur la même longueur d’ondes” que moi, parce que cet album est non seulement très différent de ce que j’ai fait avant, mais dessine aussi ce que je ferai par la suite. C’est une sorte de nouveau départ. Hormis le classique que je me réserve pour ma voiture, je n’écoute réellement quasiment plus que de l’electro depuis longtemps. Je me suis rendu compte que c’était vraiment la musique idéale pour moi, d’autant que c’est celle que je pratiquais à mes débuts. La chanson, la pop, tout ça, sont des genres beaucoup trop formatés dans lesquels je ne prends plus beaucoup de plaisir. J’ai tendance à penser que le rap d’aujourd’hui est le rock d’hier et l’electro le classique d’aujourd’hui. Et je me sens maintenant encore davantage producteur artistique que purement compositeur. Et de ce point de vue, l’électro c’est le graal, en plus d’être parfaitement cinématique, l’image ayant un grand rôle dans mon travail de compositeur. »

Parle-nous du titre. Quelle est la signification de ce tiret qui coupe le mot “Fatality” ?

« Le titre “Fa-Tality”, premier single de l’abum Electronica Cinematic, fait la jonction entre mon travail de journaliste et mon activité de musicien. Il dénonce la frénésie de l’information, l’absence totale de hiérarchisation de celle-ci, mais aussi le bavardage en réseau symbolisé par les voix samplées qui blablatent sans rationalité. Le riff de guitare en boucle symbolise la tentative de libération de cette folie, qui correspond dans le clip à la fuite du personnage en voiture, qui arrive à faire baisser les voix d’un ton à la fin… Mais le happy end du clip est moins réel dans le morceau, puisque, même faibles, les voix survivent au riff de guitare. La partie centrale, un peu dub, représente le moment où le journaliste prend conscience de ce qu’il vit. Ce titre, comme tous les autres de l’album, qui sortira en octobre, après la diffusion d’un second clip, justifie le titre de l’ensemble, Electronica Cinematic. Il se fonde sur une sorte de scénario de film dont il déroule la dramaturgie. Quant au titre qui découpe le mot Fatality en Fa-tality, c’est un jeu de mots assez vaseux, je l’admets. Le titre est en Fa mineur et je crains que l’engrenage dans lequel cette frénésie médiatique où plus personne ne se retrouve, soit réellement une fatalité à laquelle nous ne pouvons échapper. J’aimerais avoir tort. »

Photo Yann Saint-Pé

Tu as mis beaucoup de soin à la réalisation du clip. Tu peux nous en parler ?

« Le clip est l’œuvre de Géraldine Jay Sroussi et son équipe, à partir du sens que j’ai donné au titre. Ce n’est pas un secret de dire que Jay est ma compagne, depuis 18 ans. Elle a été ma parolière, la maître d’œuvre de mes clips précédents, et je compose la musique de tous ses travaux et en travaille parfois l’écriture avec elle. Tu as déjà chroniqué pour Longueur d’Ondes Cinematic A, le titre “Origins” est le parfait exemple de notre collaboration. Elle a écrit les paroles en imaginant un film. J’ai composé le morceau qui l’a touchée profondément. Jay, je ne l’admire pas parce qu’elle est ma femme. Elle est ma femme parce que je l’admire. »

Est-ce que tu peux nous parler du clip et de son tournage ?

« Le tournage du clip a été sport, surtout les scènes de route. J’avais une caméra Black magic ventousée sur mon capot et montée sur un Ronin, télécommandée, pilotée par le chef opérateur, planqué sous le siège arrière. C’est top, si ce n’est qu’avec la caméra pleine face, je ne voyais pas la route… Sans compter les moments où je conduis sans lunettes, alors que j’ai une vision de 1 de près et d’à peine 3 de loin ! Le truc fun dans le clip est que j’ai tenu à faire apparaître des gens qui me sont chers au milieu des images d’infos, comme mes très très proches amis Raphaël Enthoven et Laurent Bouvet, auxquels je dois beaucoup et que j’aime profondément. »

Clip “Fa-tality” :

Parmi tes projets, il y a évidemment Electronica Cinematic ton prochain album qui sortira plus tard cette année. Peux-tu nous en dire quelques mots ?

« J’ai conçu Electronica Cinematic, comme un album hybride, au croisement de la musique de film et du dance floor. Comme un album qui se vibre, mais s’écoute aussi dans la solitude ou avec des images dans la tête. C’est une démarche qui s’appuie sur mon expérience de compositeur à destination de l’audiovisuel, et considère chacun des titres de l’EP comme un potentiel scénario dont il imagine l’évolution dramaturgique. Depuis une petite quinzaine d’années je prends un tel plaisir à composer pour l’image, que désormais, même lorsque je ne travaille pas pour une production audiovisuelle, je fais comme si c’était pourtant le cas. Mais désormais en considérant la musique électronique comme le préalable de toute création, même si j’utilise encore beaucoup le piano et les cordes qui étaient très présents sur mes travaux précédents, comme sur les morceaux “Der Steppenwolf”, “Thomas”, “Somewhere on earth” (en hommage à mon ami le chanteur et transformiste Thomas Polly, qui s’est suicidé juste avant le premier confinement et pour lequel j’étais en train de composer) ou “The rising of the strings” qui figurent sur Electronica Cinematic.
Même si mon approche se fonde toujours sur l’utilisation d’instruments virtuels pour pallier mes difficultés physiques, l’album fait une place centrale à l’usage du Moog, en plus de logiciels de synthèse additive. En termes de textures, bien qu’ayant les miennes propres par la création quasi intégrale de mes sons, je me réfère aussi à l’electro berlinoise et à la nouvelle scène française, allant de Rone, N’To, Petit Biscuit, Joachim Pastor et compagnie. »

En parallèle, as-tu le temps pour d’autres projets ?

« Je continue évidemment à composer toutes les musiques des films, publicités télé et ciné et bandes annonces réalisées par Olam Productions, particulièrement pour les plus grands musées français, comme Le Louvre, le Musée d’Orsay, le Grand Palais etc. Sur les derniers mois, cela a donné la musique de la très grosse expo Picasso/Rodin, au musée Picasso, celle de l’exposition Botticelli, la musique du beau film consacré à la tour aux Figures de Dubuffet, pour lequel j’ai fait une longue pièce intimiste au carrefour des musiques électroniques et orchestrales, ainsi qu’un gros travail intégré à l’exposition Apocalypse, au musée de l’Homme, où j’ai recréé le sound design et les musiques des grands classiques du film catastrophe hollywoodien, projetés selon un montage créatif dans un couloir d’écrans de 10 mètres. Et plein d’autres choses, comme l’écriture du film consacré à Le Corbusier et la Villa Savoye. Je suis par ailleurs en discussion pour la musique d’un gros documentaire sur un sujet cinématographique pour Arte, auquel je tiens beaucoup. Il y a aussi le long métrage que Géraldine Jay écrit et sur lequel je collabore, qui raconte un épisode particulièrement extraordinaire et rock n’roll de notre vie de dingues, qui pourrait donner lieu à un autre album électro lui servant de B.O, puisque cette musique est au cœur de l’histoire. Mais au stade d’écriture, cela reste un projet très aléatoire. Enfin, après avoir écrit de très nombreuses tribunes dans la presse, j’ai entamé une collaboration régulière avec le magazine l’Express, pour lequel je suis chroniqueur sur des sujets de sociétés. »

Texte : Xavier-Antoine Martin
Photos d’ouverture Gaspard Cresp
Dans l’article : Yann Saint-Pé

>>Site web Benjamin Sire

ARTICLES SIMILAIRES