Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

PIERRE LAPOINTE

pierre-lapointe-itw

« Une guimauve un peu calcinée »

 

Le prolifique Québécois revient avec un album de pseudos-chants-de-Noël, mais il y a beaucoup plus de poil à gratter que de douceurs dans sa hotte. Il fallait s’y attendre de la part de ce pince-sans-rire qui reste l’un des plus grands noms de la chanson au Québec…

« Fiez-vous pas à la musique, vous êtes tous assis sur des chaises électriques ! » hurlait Diane Dufresne dans son “Opéra-cirque” qui a fait un flop à l’époque, mais qui a poussé Berger à contacter Plamondon pour créer Starmania… C’est totalement l’impression que l’on a en écoutant ton album : c’est fun niveau musique mais plombant niveau paroles (un peu ta marque de fabrique il est vrai), quand tu crées, est-ce une recherche volontaire pour que l’un compense l’autre ? As-tu voulu faire un album “anti-chants-de-Noël” ?

J’ai un lien amour-haine avec Noël. Autant je trouve ce moment de l’année important et beau, autant je trouve qu’il est angoissant. De raconter une histoire sans lui mettre un peu “d’aigre-doux”, ça m’ennuie. Je tente toujours de créer un équilibre en décrivant plusieurs émotions différentes autour d’une même histoire.
La vie n’est pas que noire, pas que rose…. J’aime la guimauve pop… mais avec moi, on se retrouve toujours avec une guimauve un peu calcinée.
Ça ajoute du relief, et ça met de l’avant mon regard tendre et acide sur la vie.

 

PIerreLapointe_ChansonsHivernales-01

 

“Jules”, à qui tu t’adresses pour son premier Noël, n’a heureusement que quelques mois, il comprendra les paroles plus tard… Tu lui dis entre autres :
« Je tiens à ce que tu saches
Que l’amour est sans issue
Qu’on doit aimer sans retenue »
C’est un peu antinomique non ?

L’amour est la plus belle chose sur la terre, mais aimer fait souvent mal. On ne s’en sort pas. Raison de plus pour se lancer tête première dans l’amour à mon avis. J’aime l’idée d’apprendre malgré la douleur, malgré la futilité. Je crois qu’un humain qui s’abandonne dans une relation amoureuse malgré la possibilité d’avoir mal est plus vulnérable, mais aussi plus fort que les autres. Il sait jouer avec sa peur. Il sait jouer à l’amour.

 

« Esmeralda est trop habile
A enduit de merde l’espérance
L’amour n’est pas assez docile
Difficile de garder confiance »  
C’est extrait d’un de tes titres sur une peine d’amour… mais il me semble que l’on pourrait appliquer cette phrase à la situation mondiale actuelle… Quelle est ta vision de l’avenir à l’aube de 2021 ?

C’est compliqué, une grande incertitude chez moi, comme chez tout le monde.
Je ne souhaite qu’une seule chose: que les salles ouvrent leurs portes dès que les mesures sanitaires le permettront.
La scène me manque, mais au delà de mon manque à moi, il y a toute une industrie qui se meurt, toute une expertise qui risque de disparaître. Je trouve ça très inquiétant. Mon métier de chanteur dépend de plusieurs talents. J’ai entendu tellement d’amis parler de leur reconversion en raison de la pandémie. Musiciens, concepteurs de talent, je comprends leur démarche, mais j’ai le cœur brisé à l’idée de les voir changer de métier.

 

PierreLapointe

 

La chanson “Maman, papa” prend le prétexte de Noël pour parler d’orientation de l’amour et surtout de la fermeture de la famille suite à une annonce “coming out”. En France il y a des associations pour aider les jeunes à qui ce genre de drame arrive, qu’en est-il au Québec ? Vu de loin, les gens semblent plus ouverts et tolérants chez vous, mais est-ce le cas ?

Je crois en effet que c’est plus facile globalement au Québec de vivre son amour avec quelqu’un du même sexe. Mais la différence fait peur partout. Il reste encore plusieurs histoires horribles. J’en ai entendu tellement depuis 20 ans. J’ai parfois eu envie de prendre mon téléphone et d’appeler les parents de certains amis pour leur dire qu’ils étaient en train de passer à côté d’une des plus belles et des plus vraies rencontres de leur vie en rejetant ainsi leur enfant. Mais j’ai préféré écrire une chanson. Une chanson toute douce, une chanson qui se veut un geste de réconciliation.

 

 

Inévitablement, nous sommes curieux que tu nous racontes tes rencontres avec trois des collaborateurs à cet album : Mika, Mélissa Laveaux et Pierre et Gilles.

Mika : Je ne le connais pas bien, mais une fois la chanson terminée ça me semblait évident que c’était le parfait chanteur pour interpréter en duo avec moi cette chanson de rupture. On lui a écrit mon manager et moi, il a accepté tout de suite. C’était important pour moi de chanter avec quelqu’un qui habite en Europe pour ne pas tuer la crédibilité du texte.

Melissa Laveaux : Je lui ai écrit sur Instagram. Lui ai proposé de co-écrire une chanson. Elle a répondu tout de suite. On s’est entendu à merveille hyper rapidement !

Pierre et Gilles : Je leur ai écrit, pour les inviter à mon concert de La science du cœur à Pleyel, ils ne me connaissaient pas, ils sont venus. Tout de suite après le concert ils m’ont proposé de faire mon portrait. Pas besoin de préciser que j’étais fou de joie. Je suis allé visiter leur atelier, ils m’ont dit qu’ils voulaient m’immortaliser dans un décor hivernal, mais ne savaient pas comment me vêtir.
C’est alors que je leur ai proposé d’être un coureur des bois en hommage à mes origines canadiennes… Ils ont trouvé l’idée drôle et durant un de mes passages à Montréal, j’ai fait de la recherche et créé ce costume…

 

Après ce Noël pas très gai, prépares-tu un album Halloween funky ?

À date aucun plan d’album en vue. 4 Albums en 4 ans, ça me semble déjà beaucoup… Je vais arrêter quelques années.

 

SERGE BEYER
Photos : KELLY JACOB
Chansons hivernales – Audiogram / Columbia / Sony Music

ARTICLES SIMILAIRES