VERTS DE RAGE
Le groupe du Sud-Ouest revient avec un album, Verdure, on ne peut plus d’actualité avec les bouleversements climatiques que l’on connaît depuis maintenant trop longtemps. Un disque qui résonne comme une sonnette d’alarme.
Quinze ans après avoir démarré une aventure presque par hasard en composant à la demande d’Albert Dupontel la bande originale de son excellent film Enfermés dehors, alors même que le groupe n’avait encore rien composé, les Hyènes sont toujours là et bien là. Le projet s’est construit au fil des années par une suite de rencontres avec, avant toute chose, l’esprit du plaisir partagé et de l’amitié. Des proches de la bande comme Cali, Olivia Ruiz ou les Têtes Raides ont participé à la fête en les rejoignant régulièrement sur scène.
Le chantier du nouvel album débute dès 2013, mais le groupe est alors pleinement occupé par les nombreux concerts d’Au vent mauvais, illustration sonore de la bande-dessinée de Thierry Murat et Rascal. Les projets parallèles et notamment celui de Very Small Orchestra retardent encore l’enregistrement d’un disque qui se fait attendre. Mais toutes ces aventures auront nourri le groupe pour ce nouvel opus qui sort enfin aujourd’hui, huit ans après Peace and loud. Un disque qui marque l’arrivée de Luc Robène, une figure du rock bordelais dans le combo : « Luc connaît énormément de choses en musique. Il a été dans la toute première mouture de Noir Désir de 1982 à 1985. Il nous a donné un nouvel élan, apportant de la fraicheur au groupe. Il a remplacé Jean-Paul qui nous a dit qu’il ne se sentait pas de repartir sur la route. Il s’en est allé vers d’autres projets musicaux, ce qui est tout à fait respectable. »
Avec cet album, le troisième de leur carrière, The Hyènes pointe du doigt le désastre écologique actuel : « On devrait parler partout bien davantage de l’état de la planète. À travers cet album, nous dressons un constat. Si tu te promènes dans notre Sud-Ouest, tu vois tous les jours les déchets déversés par la mer sur les plages, toutes ces bouteilles en plastique et autres immondices. La pochette a un côté second degré. Cela permet d’accrocher les gens d’une façon plus efficace que si nous étions trop directs. Par le second degré, tu amènes les gens à la réflexion sans pour autant devenir donneur de leçons. Les textes de l’album sont assez sombres mais nous ne sommes pas pour autant sinistres dans la vie. Tu peux aimer t’amuser tout en émettant des signaux d’alerte. Nous voulons engager un dialogue avec les auditeurs. Aujourd’hui, les musiciens et les citoyens font un travail politique plus important que ne le font les hommes politiques… ce qui est vraiment triste. »
Travail politique que le groupe n’a cessé de faire au cours des années ne rechignant pas à donner des concerts de soutien à nombre d’associations. Ce n’est donc évidemment pas un hasard de voir Philippe Poutou, ancien candidat à la présidentielle du NPA invité de leur tout dernier clip “Bègles”. Une amitié née après un concert de soutien aux travailleurs de l’usine Ford donné par le groupe : « Nous avons joué pour les ouvriers de Ford. Cela leur a donné du bonheur mais l’usine a quand même fermé. Jouer là-bas, c’était une manière pour nous de leur dire nous sommes là, votre histoire nous importe. Nous sommes engagés comme peut l’être un citoyen mais ne sommes pas pour autant un groupe politique. Et puis malheureusement ces soutiens même s’ils apportent du bien-être aux gens en leur montrant que nous sommes à leurs côtés n’empêchent pas les fermetures d’usine. »
Avec cet album, The Hyènes trouve un point d’équilibre parfait entre rock engagé et chanson (l’ombre de Bashung plane en effet sur certains titres) : « On a tous été nourris par le rock français. Pour certains d’entre nous, on a même fait partie de cette histoire avec un grand H. Nous sommes la somme de tout cela, du rock français mais aussi de l’anglo-saxon. La somme des AC/DC, Mötorhead, Gun Club : de tout ce que nous avons écouté, en fait. »
PIERRE-ARNAUD JONARD
Photos : MÉLANIE THOROK
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