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JEAN DU VOYAGE

Jean du Voyage

Introspection et réflexion

LES CONFINÉS DE LA MUSIQUE. ÉPISODE 19

Pendant cette période pour le moins troublée et troublante, Longueur d’Ondes fait le tour des artistes et professionnels des musiques amplifiées de l’espace francophone (cœur du magazine) afin de parler de la situation et de ses conséquences… Aujourd’hui : Jean du Voyage, beatmaker français à l’âme vagabonde.

Il y a maintenant quasiment un an, Jean du Voyage sortait Namaskar chez Banzaï Lab. Dans cet EP à la fois puissant et simple, il présentait son amour pour la musique indienne avec V. Soundara Rajan, un maître de la la Saraswathi Veena (un instrument proche du sitar). Il avait déjà démontré au long de plusieurs disques son plaisir à sampler des sonorités provenant du monde entier. À la sortie de son disque, il avait déjà en tête d’autres projets alors qu’il travaillait notamment à la B.O. d’un documentaire et à la mise en musique de spectacles. Cet éternel curieux qui devait reprendre la route pour quelques dates se retrouve coincé à la maison avec ces projets en pause. Mais pas question de broyer du noir, il en profite notamment pour satisfaire son appétit musical et sa soif de découverte.

Tu es où là ? Tout seul ?

Je suis à La Rochelle avec mon amoureuse et notre fille.

Pendant cette période, tu as continué à jouer et à composer, est-ce que ta musique a été changée/influencée par ce qui se passe dehors ?

Je n’ai pas réussi à composer depuis le début du confinement, je n’ai pas la tête à ça pour l’instant. Je suis plutôt préoccupé par ce qu’il se passe dehors. Les premiers jours j’ai fait quelques mixs en live sur Facebook pour partager mes coups de cœur musicaux mais la plateforme coupe le son des morceaux pour atteinte aux droits d’auteur et stoppe de force la diffusion en plein live, parfois au bout de 20 minutes, c’est assez frustrant comme expérience, j’ai donc arrêté. J’ai fait des playlists sur Spotify et YouTube.

 

 

Comment tu t’occupes pendant ce confinement ?

Je passe du temps avec ma famille et prends des nouvelles de mes proches. J’écoute et dépoussière de vieux vinyles, ça me rappelle plein de bons souvenirs un peu comme un retour aux sources. J’écoute pas mal de musique et essaie de nourrir mon inspiration.

Tu as pu prendre des nouvelles des musiciens que tu as côtoyé, notamment de V. Soundara Rajan qui joue sur ton dernier EP ?

J’ai tout de suite pris de ses nouvelles et de sa famille, ils vont bien mais sont très tristes de ce qui arrive en ce moment. Ils vivent au Kerala, en Inde du Sud, qui était déjà touché par des catastrophes climatiques qui ont fait pas mal de morts en septembre 2019, l’épidémie fait beaucoup de dégâts là-bas aussi, j’espère que la situation va s’améliorer.

Est-ce que tes concerts ont été annulé ? Comment envisages-tu tes prochains concerts ?

Toutes mes dates ont été annulées, certaines reportées, c’est un coup dur pour la profession et il est difficile de savoir comme va se passer la suite, ça me préoccupe même si je suis conscient qu’il y a d’autres priorités pour le moment. Je me concentre sur le moment présent et j’ai du mal à imaginer l’avenir. Je ne sais pas quand je pourrai refaire des concerts et si je vais continuer à vivre de ce métier. On verra comment évolue la situation et si des mesures sont prises pour les intermittents du spectacle et les différents acteurs de la profession. J’ai hâte de refaire des concerts dès que les conditions le permettront. Pour l’instant tout est en mis en pause, j’attends d’en savoir plus pour envisager et préparer la suite. Je m’autorise à ne pas être productif et à écouter mes envies au jour le jour.

Ça te fait réfléchir différemment cette crise et cette pause ?

J’essaie de relativiser car la situation n’est quand même pas la même pour tous le monde en ce moment. Je pense qu’il y a beaucoup à apprendre, ça peut nous permettre de reconsidérer pas mal de choses et de revoir nos paradigmes. C’est l’occasion de me connaître davantage, cette période est propice à l’introspection et à la réflexion.

 

 

T’as pas eu envie de tout lâcher ?

J’ai mis tellement d’années pour vivre de ma passion qu’il me serait difficile de tout abandonner du jour au lendemain. J’ai la chance d’avoir pas mal de personnes qui me soutiennent et la paternité m’a également donné encore plus de force et de motivation à continuer dans cette voie. C’est important pour moi de transmettre à notre fille qu’il est possible de faire ce que l’on aime, de s’en donner les moyens et de persévérer malgré les obstacles pour atteindre son objectif.

Tu crois que cette pandémie aura un impact durable par la suite sur la façon dont on gère les crises ?

D’un coté je suis un peu pessimiste car l’histoire a montré que l’humain peut être amnésique, mais l’avenir nous dira si on sait tirer les enseignements de ces événements… je l’espère.

L’industrie de la musique est paralysée, quels qu’en soit ses composants et quelle que soit la taille des acteurs qui la composent. Tu penses que tout va repartir comme avant, petit à petit, ou au contraire il va falloir repenser certaines choses ?

Aujourd’hui il est difficile de savoir ce qui va se passer pour un bon nombre d’acteurs de la culture en France et à l’étranger, au vu des dernières annonces du Ministre de la Culture, on est dans le flou le plus total. Il est probable que tout le monde n’arrivera pas à s’en remettre, d’où l’inquiétude grandissante des professionnels, peu importe la taille de leur structure. Je souhaite de tout cœur qu’on arrive a en préserver un maximum.

Si tu pouvais faire un vœu pour demain ?

Préserver notre planète et ses occupants.

Ta playlist confinement :

Ballake Sissoko & Vincent Segal – “Chamber Music”

Mayra Andrade – “Les mots d’amour”

Dirg Gerner – “Vicious Cycle”

Bill Withers – “Grandma’s Hands”

Cymande – “Dove”

 

 

Propos recueillis par Yann Le Ny

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