Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

STRUCTURES

Structures

Cultiver son jardin

LES CONFINÉS DE LA MUSIQUE. ÉPISODE 18

Pendant cette période pour le moins troublée et troublante, Longueur d’Ondes a fait le tour des artistes et professionnels des musiques amplifiées de l’espace francophone (cœur du magazine) afin de parler de la situation et de ses conséquences… Aujourd’hui : Pierre Seguin du groupe Structures.

Lorsqu’on avait demandé à Pierre Seguin, chanteur et guitariste du groupe Structures, de parler de la cold-wave dans le cadre de notre dossier spécial, il avait eu ces mots : « C’est une archéologie du souvenir, il s’agit de se replonger dans des états d’âme, positifs pour la création ». Ni plus ni moins que ce que les moments présents offrent, en somme.

Généralement catégorisés comme groupe post-punk, les Amiénois préfèrent se définir comme les porte-drapeaux d’un mouvement dont l’origine leur est propre, et qu’ils ont baptisé rough wave, ou vague brute. Un moyen d’affirmer leur singularité et originalité dans les compositions, sans pour autant renier leurs influences musicales et artistiques, bien présentes lorsqu’il s’agit d’aborder les thèmes et de véhiculer les émotions propres à l’époque des Joy Division, The Cure, Wire et autres chantres des musiques froides. Par contre, ceux qui les ont vus en live pourront en témoigner, c’est plutôt de chaleur dont il est question lorsque le quatuor monte sur scène et qu’il s’agit de défendre leur excellent premier opus, Long Life, sorti fin 2018. Le groupe s’attelle à finalisation d’un prochain LP, tout en regardant devant en pensant avec impatience à la tournée programmée au deuxième semestre de cette année, si tout va bien…

Comment vis-tu cette période ?

Je ne sais pas vraiment comment répondre à cette question, je n’ai pas vraiment non plus l’impression de « vivre » quelque chose, dans le sens où je ne me sens plus vraiment acteur mais plutôt spectateur de ma vie actuelle. Ou plus exactement, c’est comme si j’étais dans un mode d’hibernation mais éveillé, ou bien comme un lion dans une cage qui tourne toute la journée, la semaine, le mois et qui erre sans but précis. En définitive, c’est assez dur, on revient à des choses de la vie plus simples. Je fais beaucoup de jardinage car j’ai la chance d’avoir un jardin, mais je bois beaucoup aussi. C’est dur de rester actif finalement, musicalement parlant, même au niveau créatif sous tous aspects possibles. Je fais un peu de son mais c’est dur.

Tu es où là ? Tout seul ?

Je suis chez moi, avec ma petite amie et son fils de bientôt 2 ans. C’est également quelque chose qui rythme nos journées et qui parfois nous donne l’impression que les jours sont tous les mêmes.

 

 

Ce qu’on vit là, ce virus qui se propage à la vitesse de la lumière et qui met le monde KO, c’était quelque chose de prévisible pour toi ?

Je ne dirais pas que c’était quelque chose de prévisible mais presque. À ma grande surprise ça ne m’a pas étonné plus que ça, j’y étais un peu préparé dans le fond je pense. C’est mon coté fataliste.
Pendant cette période, tu as continué à jouer et à composer, est-ce que ta musique a été changée/influencée par ce qui se passe dehors ?
Je tente de maintenir une pratique, une forme de création musicale ou artistique autre mais je suis dans une situation où il m’est difficile d’avoir beaucoup de temps pour m’y consacrer. Je m’imprègne, je prends le temps de réfléchir, de laisser mon esprit vagabonder tout en abandonnant mon corps à des actions mécaniques, type jardinage (rires). En revanche je note beaucoup de choses dans mes carnets, des mots, des phrases brèves, et puis j’attends. J’observe donc.

Est-ce que vous répétez à distance ?

Non c’est assez compliqué, Adrien a une très mauvaise connexion Internet, paumé qu’il est au fin fond de la campagne dans le sud. On tente quand même de s’échanger quelques idées musicales pour la suite et on travaille surtout sur l’album à venir. On prend régulièrement de nos nouvelles mais pas de manière excessive non plus. Oscar vit vraiment pas très loin de chez moi, on se voyait souvent avant. Là c’est un peu dur de pas faire la fête ensemble.

 

 

Tu angoisses de ne plus faire de live ?

Oui, énormément, mais pas autant que d’autres artistes qui pouvaient être en plein milieu d’une tournée de promotion ou autre. On a quand même la chance de ne pas être dans ce cas. Pour nous la grosse actualité live sera à l’automne prochain après la sortie de l’album, si tout se passe bien.
Ça te fait réfléchir différemment ? Est-ce que tu vois les choses sous un autre angle désormais ?
Pas encore, pour l’instant j’absorbe, je réfléchis, mais c’est encore trop tôt pour en tirer de réelles conclusions.

T’as pas eu envie de tout lâcher ?

Si, ça arrive souvent, ce sont des vagues d’une marée très lente, il y a des jours “avec” et des jours “sans”, mais il y a davantage de jours “avec” heureusement.

Tu crois que tout cela aura un impact durable par la suite, est-ce que la prise de conscience sera suivie d’actes ?

Bien sûr, je l’espère en tout cas. Mais ce n’est pas la première grosse crise que l’humanité subit et on a quand même beaucoup tendance à repartir du bon pied, même si on vrille aussi à un moment. J’ai de l’espoir mais je reste sur mes gardes. Je pense que ça va être dur pour tout le monde, l’économie de l’art en général va prendre un coup de massue immense avec tout ça. J’ai réellement peur de ne plus retrouver beaucoup de lieux, organismes… et ça me rend triste. J’espère me tromper, mais j’ai peur. Je ne pense pas qu’il faille repenser les choses à ce niveau, mais se remettre d’aplomb va prendre beaucoup de temps et sans doute plus que prévu.

Ta playlist confinement : 5 titres.

C’est très dur de choisir, j’écoute énormément de choses complètement différentes en ce moment, et souvent des trucs qui donnent un peu la pêche ou de bonnes vibes. Du coup, je vais juste mettre les 5 derniers que j’ai écoutés, beaucoup de classiques finalement.

The Smiths – “This charming man”

These New Puritans – “Fragment two”

Balavoine – “Tous les cris les SOS”

The Who – “We won’t get fooled again”

Joy Division – “Atmosphere”

 

 

Propos recueillis par Xavier-Antoine Martin

ARTICLES SIMILAIRES