Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

SEB MARTEL

Saturn 63

Théorie des cordes

Seb Martel

Véritable voyage dans le temps et l’espace que ce disque expulsé des entrailles d’une collection de guitares historiques mise à disposition de Seb Martel par la Philharmonie de Paris. Une oeuvre intimiste à laquelle se sont joins de nombreux invités, de -M- à Mathieu Boogaerts en passant par Vincent Ségal. En résulte une ambiance sonore univoque, ou l’expérimentation se dispute à la mélodie dans un objectif avoué, repenser les codes de la composition musicale à guitare et aller dans un ailleurs musical encore insondé…
Le musicien nous a ouvert les portes de son cosmos et nous en dit un peu plus sur l’esprit qui habite cette oeuvre musicale sans pareil.

Grossomodo, peux-tu nous renseigner sur ta manière de faire pour confectionner ce disque ?

« Il y a eu au préalable un travail très objectif sur la sonorité des guitares qui m’ont été proposées, de nombreux fichiers audios en ont découlé. Quand tu expérimentes, il y a des matières sonores qui se font sur le moment et qui sont ensuite impossible à reproduire. J’aurai davantage pu triturer mon son mais j’ai senti qu’il fallait conserver la dimension brute des enregistrements. Au-delà, c’est tout de même avec une appréhension subjective qui a conduit mon processus créatif. »

 Seb Martel dans le studio d'enregistrement

Comme ce coup de coeur que tu as eu pour la guitare Saturne 63 qui donne aussi son nom à ton disque ?

« Après trois jours d’écoute, j’avais la tête bien farcie par toutes ces sonorités mais j’étais sûr d’une chose : baser mon disque sur ces guitares électriques mis à ma disposition par le musée de la musique de la Philharmonie. C’est alors qu’on me propose d’en voir une dernière. Je commence par hésiter puis on insiste et Alexandre Girard-Muscagorry, le conservateur de ce musée, me dévoile cette fameuse Saturn 63, une guitare de l’Allemagne de l’ouest. Son aspect esthétique m’a tout de suite saisi, j’ai eu un véritable coup de foudre. Elle a une caisse volumineuse, bombée, et possède une résonance vraiment particulière. Elle a tout un type de réglages assez impressionnants pour développer une palette de sons vraiment très ample. »

C’est aussi cette guitare qui figure sur la pochette du disque et avec laquelle tu sembles faire corps dans une image à l’érotisme certain. Que se dégage-t-il au-delà de cette représentation, quant à ta relation avec cet instrument ?

Seb Martel photo de la pochette du disque

« La relation d’un instrument au corps est prépondérante. Durant la session d’enregistrement, Mathieu Boogaert avait flashé sur une guitare mais une fois les mais posées dessus, il s’est trouvé incapable d’en jouer. Pour ma part, regarde, j’ai des mains immenses, donc tout passe par cette relation physique avec la guitare. Si tu ne te sens pas bien dans l’espace avec ton instrument, tu ne peux faire corps avec celui-ci. Avec la Saturn 63 cette relation a été d’une fluidité totale. De manière générale, le rapport à la guitare comme avec d’autres instruments est charnel, la position du violon collé au coup, le violoncelle calé entre les jambes, le doigté sur un piano, etc. »

Saturn 63 est aussi une création musicale aux sons plutôt introspectifs comme si tu donnais à voir l’esprit qui t’habitait durant son élaboration, non ?

« C’est assez vrai, cela vient aussi de la manière dont s’est déroulé l’enregistrement. On était en plein confinement et je me retrouve dans une salle confinée avec toutes ces guitares. La pochette du disque peut exprimer aussi ce sentiment. Le lieu était en sous-sol, je me sentais vraiment enfermé. Le premier travail fut de faire le tour des instruments proposés. Il y avait alors d’énormes étagères qui s’ouvrent tel un coffre-fort, un peu aussi à la manière de tiroirs dans une chambre mortuaire, puis toutes ces guitares posées sous plastique, étiquetées. J’avais d’ailleurs l’impression par moment de bosser pour la police scientifique… »

Seb Martel et ses guitares

Une humeur vraiment particulière donc, te sens-tu changé après cette expérience ?

« Cela m’a permis de rassembler des processus d’ouverture que j’avais pu vivre ces dernières années surtout dans le milieu du théâtre et de la danse contemporaine, deux univers où j’ai évolué ces derniers temps, plus que la chanson. J’ai pu travailler avec des artistes et des metteurs en scène plutôt radicaux dans leur perspective artistiques. Ces expériences se retrouvent dans mon disque. »
(Il gratte alors avec ses ongles une corde de guitare, puis la pince, tape sur la caisse).
« Tu vois, c’est ce genre de procédé, aller chercher des sonorités particulières en découvrant, en inspectant sous toutes les coutures l’instrument en présence. »
(Il frappe de nouveau sur la caisse d’une des guitares)
« Tu entends, là il y a une fréquence particulière, c’est de ces explorations qu’ont découlé les sons enregistrés et qui ont fait le disque. »

Texte : JULIEN NAÏT-BOUDA

>> Ecouter Saturn 63

>> Clip My Best Friend

>> En concert gratuit le vendredi 9 décembre pour les Transmusicales, à L’Étage

ARTICLES SIMILAIRES