Pop à beauté ténébreuse
Si on ne s’arrêtait qu’au visuel de leur premier EP, sans en écouter la musique, sûr que l’on penserait que le Groupe Obscur œuvre dans le black-metal. Habits noirs gothiques, maquillage autour des yeux, utilisation du noir et blanc et squelette, toute l’imagerie du metal le plus sombre est là, accentuée par certains titres de leur galette comme ce “Planète Ténèbres”. Il y a d’ailleurs, comme dans le black-metal, une forme de célébration lors de leurs prestations live, où, outre les costumes noirs portés qui donnent une ambiance proche de celle d’une messe noire, les guirlandes scintillent au-dessus des amplis.
Pourtant, musicalement, les Rennais sont très loin du metal avec un son qui rappelle les grandes heures du label anglais 4AD et plus précisément celui de Dead Can Dance ou des Cocteau Twins. On retrouve dans la voix de la chanteuse, ce timbre de voix cristallin que possédait Elizabeth Fraser, une tessiture vocale de soprano : « Nous sommes tous dans le groupe de grands fans de 4AD. Nous aimons vraiment beaucoup la dream pop, Dead Can Dance. Pour nous, ce label reste le pilier de la musique. Nous aimons les atmosphères que tu trouves dans les albums des groupes qui étaient dans cette maison de disque. »
Ce côté étrange et mystérieux est encore décuplé par le langage qu’ont inventé les Bretons. Dans l’histoire du rock français, on ne connaissait jusqu’à présent que le fameux kobaïen cher à Magma. Le Groupe Obscur a trouvé quant à lui l’obscurien, un méta-langage connu d’eux seuls : « Il y a une grammaire obscurienne qu’il est nécessaire de respecter. Les gens entendent ce qu’ils veulent et ce qu’ils peuvent dans cette langue. Cela permet une sorte de compréhension abstraite. Il y a toujours une traduction française de nos textes écrits en obscurien. Mais tous nos morceaux ne sont pas dans cette langue inventée, nous en écrivons certains en français. »
Avec toute cette imagerie, et tous ces rituels, il n’est dès lors pas étonnant de voir le groupe développer un univers visuel extrêmement intéressant. On y retrouve la figure de Méliès et l’influence du dadaïsme : « Les vidéos sont narratives tout en étant imagées. Elles fonctionnent par tableau. Nous aimons chacun dans le groupe le symbolisme. Il y a une lecture assez simple dans tous ces symboles et qui n’intellectualisent pas le propos. »
C’est après leur passage aux Transmusicales de 2017 que le groupe explose et signe un contrat avec Midnight Special Records, label notamment de Cléa Vincent. Si Rennes a été la grande ville rock française au début des années 80 avec Marquis de Sade, Daho ou les Nus, elle revient aujourd’hui sur le devant de la scène avec ce groupe, mais aussi d’autres combos comme Culture Emotion ou La Terre Tremble. Des groupes qui ont en commun l’utilisation de l’écho et qui privilégient l’harmonie. Une scène dont on n’a pas fini de parler.
PIERRE-ARNAUD JONARD
Photos LISE DUA
