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CADILLAC

Cadillac

En fait des caisses ?

Quand l’un des forcenés de l’asile Stupeflip échappe à la surveillance de ses geôliers, on est en droit de s’interroger : est-ce dangereux pour sa santé, doit-on craindre une contagion ? On lui a posé la question.

 

Barbe de cent jours, sandales aux pieds, yeux exorbités et dentition en éventail… Mais plus de bicorne. Raccroché. Mis au placard. Ou plutôt au portemanteau, comme l’illustre la pochette de cette échappée en solo. Non, ce n’est pas de Napoléon dont il est question, mais bien d’un autre dictateur (des mots) ayant échappé à son créateur : Cadillac.
Personnage stupéfiant à la voix de damné, le lieutenant du gang foutraque de hip-hop le jure : « Le projet principal, Stupeflip, était au point mort ; ce n’est pas une sédition ». Et cette éternelle gueulante pratiquée en hors-pistes au sein du CROU n’était pas plus « une posture », mais un « geste romantique »… Car chez Cadillac, les références sont toujours restées sous-terriennes. À l’absurde britannique qui paraissait pourtant évident, l’artiste préfère le surréalisme du cinéma de Luis Buñuel. Mais il ne faut pas trop en dire, de peur que les références n’exposent le personnage au réel.
Le doute, c’est justement ce qu’ont semé régulièrement Cadillac et sa meute : « Stupeflip a toujours été drôle et inquiétant. J’aime ce jeu entre attirance et répulsion que je souhaite poursuivre dans un univers – non pas parallèle – mais voisin… Cet album solo, c’est évidemment un spin-off, une série dérivée qui a sa propre trajectoire. C’est aussi pousser le concept du crew hip-hop jusqu’à sa périphérie banlieusarde. »

 

Cadillac

 

Or, si l’on sait King Ju, le taulier de la maison-mère, grand obsessionnel des consonances et des beats, on découvre aussi chez Cadillac un esprit laborieux : « Pour les paroles, j’avance phrase par phrase, avec la volonté d’être le plus étrange et original possible, d’être dans un rêve éveillé… Ce n’est pas de l’écriture automatique ! Je pense souvent au théoricien Antonin Artaud, au performeur Jean-Louis Costes ou au parolier de Bashung, Jean Fauque, pour sa technique marabout-bout-de-ficelle. Les jeux de mots, sans tomber dans l’automatisme de l’almanach Vermot, ça ne reste d’ailleurs que de la poésie. C’est du 1+1 = 3. »
Pour autant, les textes restent étonnamment accessoires dans la démarche de l’artiste, qui n’y consent que parce qu’il pense, à l’instar de l’écrivain Mirabeau, que « l’homme est comme un lapin : il s’attrape par les oreilles ». Personnage ou non, le discours du marionnettiste dissimule mal le milieu artistique d’où il vient… (Les dessins du livret sont d’ailleurs son œuvre.) Car tout ça n’est pas nouveau : « La musique du single “Débile” a, par exemple, 20 ans… Ce n’est donc pas une lubie : au début de Stupeflip, je savais que cet album arriverait. C’est d’ailleurs via la musique que j’ai rencontré King Ju. » On comprend mieux les similitudes.

Résultat : l’ensemble des sons a été composé par Cadillac, himself. Pas de Carpenter ou de Sexy Sushi en influences, mais l’album de reprises d’Ennio Morricone The Big Gundown par John Zorn. Et une passion pour The Cure, adolescent. L’image, le trouble, le travestissement… Le cheminement est cohérent. Comme cette phrase de la chanson “1993“ du dernier Stupeflip, prononcée par King Ju à l’attention de Cadillac — de celle qui agit depuis comme un mantra et conclut l’entretien — : « Et si un jour, tu t’retrouves dans Casimir. C’est pas la règle : faut en sortir… » Stupeflipant.

 

À quoi doit-on s’attendre en live ?
« Pour l’instant, il est encore à un stade évolutif, mais jouer avec les codes, c’est forcément absurde… Nous sommes en tout cas 4 sur scène, dont moi à la guitare, avec le costume de Cadillac qui toise à mes côtés. C’est un qui-m’aime-me-suive, avec pas forcément l’envie de séduire à tout prix, d’aller chercher le public. Mais mêler l’expérimental et le populaire est un grand rêve. Et rassurez-vous, il y a un petit pot-pourri de Stupeflip, même si jouer sans le roi – je dois l’avouer –, me rend nostalgique… »

 

 

Stupeflip

 

SAMUEL DEGASNE
CHRISTOPHE CRENEL

>> Site de l’artiste

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