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YANN LANDRY

Yann LandryMutualiser pour être plus forts !

LES CONFINÉS DE LA MUSIQUE, ÉPISODE 10

Pendant cette période pour le moins troublée et troublante, Longueur d’Ondes fait le tour des artistes mais aussi professionnels des musiques amplifiées de l’espace francophone (cœur du magazine) afin de parler de la situation et de ses conséquences… Aujourd’hui : Yann Landry, attaché de presse et rédacteur en chef d’un site web.

Je suis rédacteur en chef du webzine rock de La Grosse Radio depuis 5 ans, et avec La Tête de l’Artiste, je suis attaché de presse depuis 3 ans. Pendant ce temps, j’étais aussi manager du groupe Fabulous Sheep, bien connu de Longueur d’Ondes. Je m’occupe essentiellement des relations presse de groupes rock indépendants. J’aime participer à leur développement en les faisant diffuser le plus largement possible, ce qui est loin d’être aisé.

Comment travailles-tu dans cette période ?

J’essaie de garder le cap surtout. Nous vivons une situation sans précédent pour notre génération habituée au confort moderne. Cela permet de réfléchir et de relativiser. Je ne suis pas de ceux qui arrivent à poursuivre une activité pour combler le manque, mais grand bien leur fasse ! Voyez tous ces festivals de sessions en lives stream qui ont lieu ! Si ça permet de garder le lien entre groupes et public, tant mieux mais de mon côté, ça me fout un sacré cafard. Je suis habitué à me déplacer souvent, à rencontrer mes confrères et consœurs ainsi que les autres acteurs et actrices du milieu. Je vois plus de 100 groupes en concert par an, je suis un boulimique de découvertes. Cela passe par une relation physique, les yeux dans les yeux. Donc là, à la maison, avec la perspective d’un été sans concerts, ni festivals, je suis profondément triste et dépité. C’est une période très stressante et effrayante pour tout le monde, et pour paraphraser Kemar, « si la peur fait bouger, elle fait rarement avancer » (“La Peur”, Gazoline, No One Is Innocent, 2007). Donc voilà, en ce moment, j’ai peur, pour ma famille et mes proches, d’abord au niveau sanitaire et ensuite financièrement, car nous allons vivre une crise dévastatrice…
Concernant le travail, je prends soin de rester en contact avec mes confrères, tous, également, dans l’expectative, et aussi avec les journalistes, rédacteurs, photographes pour prendre des nouvelles. La presse est déjà touchée par la crise, les annonceurs prennent moins de pub, les kiosques sont fermés, et j’en passe… Parler de travail dans ce contexte est compliqué ! Je fais le mien, autant que mes interlocuteurs en sont capables…

As-tu des sorties reportées ?

Oui, toutes ! Mes sorties du printemps ont été décalées au mois de juin (et on devra encore très probablement en décaler d’autres…). Certaines sorties prévues pour la rentrée de septembre sont décalées au premier trimestre 2021 puisque les productions en cours sont interrompues… C’est un sacré bazar ! En plus de cela, il va y avoir un embouteillage monstre à la reprise !

Tes contacts avec les groupes, comment ça se passe ?

On se fait depuis 3 semaines beaucoup de réunions par téléphone et par Skype, justement pour parler de stratégie liée à tous ces reports. Mais avec un confinement prolongé de 15 jours tous les 15 jours, difficile de se projeter… En tout cas, on cogite beaucoup !

Ça te fait réfléchir différemment ? Est-ce que tu vois les choses sous un autre angle désormais ?

J’ai toujours essayé de voir les choses sous un autre angle. Quand on est indé, que l’on bosse avec des indés, on y est obligé pour se frayer un chemin et pouvoir montrer le bout de son nez dans ce milieu ultra-concurrentiel. Maintenant, j’envisage d’être encore plus dans l’accompagnement de mes groupes, de proposer d’autres choses, de mutualiser…

T’as pas eu envie de tout lâcher ?

J’ai toujours su rebondir dans ma vie. Affronter l’échec ne m’effraie pas, au contraire, c’est une force pour aller de l’avant. Surtout, il faut savoir se réinventer, trouver des solutions. Je suis actuellement en train de mettre en place un nouveau projet collectif pour la rentrée prochaine, pour mutualiser comme je le disais précédemment en se servant de mon expérience en management. À plusieurs, nous serons plus forts !

Tu crois que tout cela aura un impact durable par la suite, est-ce que la prise de conscience sera suivie d’actes pour minimiser les risques futurs voire les anticiper, ou on reviendra dans le monde que l’on connait parce que l’argent est plus fort que tout ?

Je serais tenté de dire qu’on va en chier sévèrement et pour longtemps ! Les gouvernements ultra-libéraux et/ou autoritaires en Europe ne me semblent pas être les plus favorables à une grande nouvelle donne. On voit déjà comme ils sont petits bras sur la question majeure de l’écologie, car les profits à court terme ont plus de sens à leurs yeux que les grandes avancées sociétales. Je crois en revanche aux réunions de forces à l’échelle locale, associatives, à mon opinion les seules capables de garder une vie collective et un tissu démocratique fort.

L’industrie de la musique est paralysée, quels qu’en soit ses composants et quel que soit la taille des acteurs qui la composent. Que va-t-il se passer au niveau des scènes locales et indés ?

Je suis d’un naturel pessimiste, donc oui, Live Nation risque de vampiriser encore plus le secteur (sachant que déjà un concert Live Nation commence dans le monde toutes les 20 minutes…). Le public risque de voir son pouvoir d’achat baisser drastiquement. Quand il y aura un choix à faire entre un concert d’un groupe international dans un Zénith et plusieurs groupes nationaux émergents dans des SMAC, le choix sera vite fait. Le public n’allant déjà que peu en concert, je crains que les SMAC ne se vident encore plus, malheureusement.

Tu penses que tout va repartir comme avant, petit à petit, ou au contraire il va falloir repenser certaines choses ?

À mon avis, il va falloir attendre l’horizon de la saison 2022-23 pour un retour à une certaine normale. Il faudra aussi tirer le bilan, pour savoir les forces vives qui restent dans le milieu musical. Il risque fort de ne plus y avoir le même nombre de festivals qu’auparavant, les plus petits ne s’en remettront probablement pas. On risque aussi de voir beaucoup de petites salles fermer. Celles qui étaient déjà dans des situations financières délicates. Tous les groupes ne pourront plus tourner comme avant, sachant que c’était déjà très compliqué de boucler les intermittences des groupes indé. On devrait assister à un écrémage de la demande de concerts, par conséquent l’offre devrait se tarir aussi…

Si tu pouvais faire un vœu pour demain ?

J’hésite entre souhaiter la paix dans le monde et la fin du capitalisme. J’opterai pour le second choix sachant que si le capitalisme s’arrête, probablement que la paix arrivera, en tout cas, la fin de l’exploitation…

Ta playlist confinement : 5 titres.

5 titres de Queen, n’importe lesquels, en ce moment j’écoute quasi-exclusivement Queen, mon groupe totem depuis gamin, tatoué sur ma peau, ça me rassure. S’il faut faire une liste spéciale confinement, et selon moi il existe une chanson de Queen pour chaque état d’âme, je dirais que les parfaites en ce moment sont :

“Don’t stop me now”
“It’s a hard life”
“I want to break free”
“Breakthru”
“My melancholy blues.”

 

Propos recueillis par Pierre-Arnaud Jonard

 

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