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Miossec


Le spleen serein


On avait laissé Miossec à Ixelles, un quartier populaire de Bruxelles où il a posé ses valises quelques années. L’an passé, le Breton est revenu sur ses terres en achetant une ferme pas très loin du bout du monde. Là, il tond la pelouse, écrit, réfléchit. Et si notre anar nihiliste, avait trouvé le chemin de la sérénité ? La réponse tient dans les 11 pistes de “Finistériens”, septième disque écrit à quatre mains avec le musicien Yann Tiersen.


On croise Christophe Miossec, à Paris dans un hôtel du XIème arrondissement. De retour de vacances, il ressemble de plus en plus à un vieux loup de mer. Impression renforcée par cette canne qui ne le quitte plus, conséquence d’une petite opération que ne s’est pas très bien passée. On le chambre sur son envie de ressembler au Docteur House ; il se marre, acquiesce et complète : “Tout le monde est beaucoup plus gentil avec moi depuis que je marche avec. Et puis au moins comme ça, quand j’arrive sur scène, le public ne pense pas que je suis bourré.”

Tiersen et Miossec, ça sonnait comme un oxymore. Ces deux solitaires ont-il fait bon ménage ? “Yann m’a dit : on devrait faire un album tous les deux. J’ai dit oui. Fin de la conversation.” Christophe commence alors à imaginer l’équipe qui pourrait les rejoindre en studio mais : “Je me suis vite rendu compte que j’avais mal compris Yann. Quand il a dit “tous les deux”, c’était vraiment tous les deux, sans personne d’autre !” Donc Tiersen a joué de tous les instruments et réalisé le disque. Dominique Brusson, ingénieur du son émérite (Dominique A, entre autres…) a joué le troisième larron sur la fin. “Yann était mon premier auditeur, je n’avais pas envie de lui servir une soupe toute faite. Et puis jouer l’énervé de service… c’est énervant.”

“Finistériens” distille ainsi le spleen serein d’un auteur qui commence à s’accepter tel qu’il est. Yann Tiersen, lui, injecte une tension musicale lancinante, à l’image du superbe morceau introductif, “Seul ce que j’ai perdu”. La rage d’il y a quinze ans laisse place à une douleur sourde. Assis sur un banc, Christophe regarde passer “les joggers du dimanche” en se demandant après quoi ils courent. On n’est pas très éloigné des propos de Matthieu Chédid, mais avec un angle de vue radicalement différent. Pour seule réponse, Miossec désigne sa canne… “J’essaye régulièrement de m’éloigner de ma bite et de mon nombril, mais je ne peux pas m’empêcher de tout ramener à moi. C’est un vieux truc de bluesman…” Ce vague à l’âme qui irrigue ce septième Miossec est à l’image de la Bretagne Nord et de son auteur : il y fait peut-être un temps de chiotte, mais c’est chez eux et c’est joli.

Bien sûr, il y a les vieux démons qui ressurgissent, “A Montparnasse” met en scène une “sale petite garce” qui plaque le narrateur dans la foule… Le résultat est enlevé, mais on a un petit goût de déjà vu. Par contre, quand il s’éloigne du “je” et qu’il aborde la souffrance au travail et la crise, Miossec reste au top car il chronique avec ses tripes et toujours avec pudeur. “Les chiens de paille”, anti-single par excellence, est un constat, forcément amer, de la condition actuelle des salariés. Pas une révolte comme dans “On était tellement de gauche” ou “Regarde un peu la France”, juste un constat : “Quand j’arrive à pondre un texte comme ça, qui ne parle pas de moi, ça fait du bien…” En fond, Tiersen s’applique à tisser des ambiances soignées entre poésie pop et distorsions rock. On n’avait pas eu envie d’écouter Miossec aussi fort depuis bien longtemps. Montez le son !

Eric Nahon

Photo: R. L

“Finistériens” – Pias

www.christophemiossec.com

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