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Arthur H


La bombe H


Le poète à la voix de vieux briscard s’est réinventé. Il revient avec “L’homme du monde”, son septième album studio. Le plus cash, dansant et lumineux de sa carrière.

Il nous avait prévenu sur “Adieu tristesse”, son disque précédent : l’angoisse, c’est fini. Le musicien allait sortir pour de bon de l’onirisme doux-amer et des introspections bouleversantes qui caractérisaient ses mélodies de bourlingueur. Au revoir H hanté, bonjour H heureux. C’est donc aussi curieux que fébrile que nous avons glissé “L’homme du monde”, son nouveau disque, dans la platine. Fallait-il s’attendre à une pop épicée, des rythmes survitaminés et des paroles fun ? Mieux que tout ça ! Higelin fils n’a pas lâché son imaginaire merveilleux, il l’a dopé au groove des guitares. Ses personnages sont toujours aussi barrés, mais ils ont mangé du lion. Sa poésie, elle, s’est enrichie en se tournant vers l’époque. H, homme nouveau.

Après six albums studio et vingt ans de carrière, le quadragénaire a en effet décidé de changer radicalement son regard sur la vie. “C’était une question de survie spirituelle” explique-t-il. “J’étais très introverti et je retournais ma colère contre moi. J’essaie désormais de la partager, notamment sur scène, pour la transformer en énergie positive.” Il s’est également lancé dans des “défis” qu’il n’avait jamais osés avant : conduire, jouer de la guitare, danser… “J’ai découvert qu’apprendre est l’une des choses les plus drôles qui soit.” Pour mieux quitter ses terres obscures et faire danser les foules, il a enfilé la veste à paillettes d’un show-man qui se déchaîne. Sous les spotlight, exactement : “Je suis désormais condamné à garder un caillot de musique lumineuse qui irradie mon cerveau”, dit Arthur en souriant.

C’est d’ailleurs sous le soleil que cet album est né : “Je suis parti en Grèce pour un stage de danse avec un vieux Philippin de New York.” Ca ne s’invente pas ! Avant de partir, il achète une guitare et apprend à gratter quelques notes du dernier album de Gnarls Barkley, qu’il écoute en boucle. Il s’installe sur la plage et écrit les paroles de “L’abondance”, titre qui ouvre l’album, puis une dizaine de chansons. “Si un guitariste s’amuse à jouer l’album, il verra que je l’ai entièrement construit avec les seuls cinq ou six accords que je connais !” Une petite révolution pour le musicien qui a composé tous ses autres disques au piano. Côté son, ça change tout : “Les morceaux qui sortent d’une guitare sont plus directs et simples. Lors de la tournée précédente, on avait une énergie rock, mais on était bloqué par la forme sophistiquée des mélodies écrites au clavier. C’était frustrant.”

De retour à Paris, il soumet ses nouvelles chansons à Nicolas Repac, qui l’accompagne à la guitare depuis des années. Avec Patrick Goraguer à la batterie, Mike Clinton à la basse et quelques autres, ils travaillent les bases rythmiques en studio. Puis Arthur s’envole vers le Canada pour enregistrer les voix avec Jean Massicotte, qui avait déjà réalisé “Adieu tristesse”. Ensemble, ils fignolent les morceaux pendant un mois et demi. Pour leur donner un coup de pouce, Massicotte appelle l’un de ses amis, François Lalonde, l’ingénieur son personnel de… Céline Dion : “J’ai enregistré ma voix avec le même micro qu’elle !” Dans le studio parisien où nous le rencontrons, Arthur part d’un grand fou rire : “Ecoutez l’album, vous remarquerez tout de suite que j’essaie de chanter comme Céline !” Sur deux ou trois titres, il va en effet chatouiller les aigus d’une façon qui déroute à la première écoute, puis finalement séduit. H s’amuse ! Ses nouveaux morceaux, il les a d’ailleurs conçus pour que ceux qui les écoutent s’amusent aussi. “Mon désir le plus intime est d’avoir fait un disque pour danser et faire l’amour” confie-t-il. Divin programme. Et tous les ingrédients sont là pour qu’il se réalise. D’abord, avec une base groove puissante qu’il est allée chercher du côté du son US : “J’ai adoré certains morceaux du dernier Justin Timberlake, produit par Timbaland. Ils ont une couleur que j’avais envie de travailler.” Cette rythmique groovy, il l’a teintée d’une énergie rock parfumée au funk, disco-punk et R’n’B. Parfois, ça sonne même seventies. “Pas par nostalgie”, explique Arthur.”Les années 70 avaient une folle énergie créative, les musiciens prenaient une liberté dingue avec les formes tout en gardant une énergie brute et populaire. Un esprit que j’aimerais retrouver.” Voilà qui explique les bouffées délirantes qui s’emparent de certains titres, comme celui où un H halluciné hurle : “I want to dance with Madonna !” N’y voyez pourtant pas de référence à la reine de la pop : “Je parle plutôt de la vierge Marie, la vraie Madone. Pourquoi ne devrait-on pas avoir envie de danser avec elle ?” A vrai dire, on ne s’était jamais posé la question ! Mais on remarque que le musicien reprend ici sa formule fétiche : chaque titre correspond à un personnage-univers. “Mon nom est Kevin B”, sorte de R’n’B sociétal choyé par les boucles arabisantes de Repac, parle de l’ascension d’une jeune racaille. “Cosmonaute père & fils”, titre le plus pinkfloydien et psychédélique du disque, évoque ses relations avec son père. Il reprend également certains personnages d'”Adieu tristesse”, marquant ainsi une véritable continuité narrative entre les deux albums. On retrouve par exemple la délicieuse Lady of Shanghai ; abandonnée par son amant, elle s’est retirée dans les montagnes chinoises pour récupérer. Son come-back est explosif : groove bluesy à damner sa mère, rock sale et rythmes frappés bruts. Yeah Lady !

Les textes, en revanche, s’éloignent de ceux des précédents disques. Le musicien-poète a quitté les rivages de la chanson onirique pour s’ancrer dans l’époque. On retrouve même deux slogans de l’UMP dans ses chansons : “Ensemble, tout est possible” et “Pour gagner plus, il faut travailler plus”. Pourquoi ce choix ? “A cause de l’ère Sarkozy. Elle a un côté romanesque très inspirant pour les artistes, même si elle manque complètement d’humour et de pertinence” explique-t-il. “Je n’ai pas envie de me positionner politiquement, mais plutôt de me moquer de tout ça.” On ne peut s’empêcher de sourire en écoutant les aventures de “Kevin B”, le petit malfrat draguant des vieilles. Ou celles du “Bizness men”, qui promet toutes les richesses du monde à sa bombe de fiancée. Avant d’ajouter : “Mais ce n’est pas si facile, il y a l’appartement, encore 25 ans…”

Pour accompagner le disque, Arthur H a demandé à son ami, jeune réalisateur américain Joseph Cahill, de tourner un film de 25 minutes, offert avec les 10 000 premiers albums vendus (également disponible sur Daily Motion). Il explique l’histoire de l’homme du monde, personnage central de l’album : son père est Jack, le cosmonaute en quête de la vibration universelle. Sa mère est la Lady of Shanghai, que Jack séduit lors d’un passage sur terre… Le tout est monté sur une série d’images dignes de l’imaginaire déluré d’un Gondry. On y voit H maquillé en femme, chevauchant des éléphants roses ou s’envoyant en l’air, au propre comme au figuré : “Cette folie, j’ai envie qu’on la retrouve dans mes concerts, pendant ma tournée d’octobre. Ce sera un show pop art où je serais un personnage : H Man. Je veux qu’il pète les plombs sur scène, qu’il parle de sexe, de poésie, de politique, et qu’il sauve les spectateurs en les embarquant dans sa danse…” H Man, super héros ?

Aena Léo
Photo: Raphael Lugassy

“L’homme du monde” – Polydor

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