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JOHNNY JANE

C’est souvent moins fort quand tout va bien

Johnny Jane, c’est un premier EP sorti en ce début d’année 2020 : Au pire c’est rien, récit d’une post-adolescence où les soirées se ressemblent, où l’amour est amer et la solitude une bonne compagne. Derrière son piano, le rappeur a mis en musique ses maux, et des mots il a fait toute la puissance de ses morceaux.

L’EP est cinglant. Tout cela laisse un arrière-goût d’une jeunesse désabusée où tout se répète de soirées en soirées (une boucle à la Richter?). Toi-même, tu dis ne pas être si malheureux, ce qui pose la question de l’écriture de ces textes. Quel est le contexte autour de ces mots, dans quelle humeur rédiges-tu tes chansons, quel endroit, entouré de gens, dans la solitude la plus totale… ?

C’est vrai que de voir l’EP comme une boucle est très intéressant. J’ai essayé de le construire comme ça, chaque chanson est différente mais au fond elles sont toutes liés. Lorsque j’écris « Midi » par exemple, j’ai envie de raconter une histoire, qui va d’un point A à un point B, en essayant de créer une vraie ambiance autour. Au contraire, dans « J’avance », je ne raconte pas une histoire mais j’essaye d’amener une émotion, par la répétition de mots et de phrase qui donnent la même énergie. Lorsque j’écris, j’ai quelques idées qui arrivent un peu n’importe où, alors je note sur mon portable. Ça peut être quand je marche, même en soirée parfois. Puis à partir de ces idées, je me pose tout seul chez moi, et j’écris, souvent avec mon piano pour bien caler les mots sur les bons temps, dans toutes les humeurs différentes, parfois je suis un peu mélancolique parfois je suis tout joyeux, mais c’est souvent moins fort quand tout va bien. Il y a des jours où je n’ai rien à raconter, et ça se ressent puisque le texte est vide, c’est comme ça. Il faut écrire des choses fortes, pour toucher les gens.

Tu as beaucoup écouté Gainsbourg ; pourtant à l’écoute de ton EP, ce qui ressort de tes compositions est un sentiment de réserve, de modestie, une production froide et épurée qui s’oppose à la chaleur acoustique de Gainsbourg, comment expliques-tu cela ?

J’ai beaucoup écouté Gainsbourg, c’est vrai, et ce que je fais n’a rien à voir, c’est vrai. Déjà, il y a beaucoup d’albums, tous très variés, certains que je n’aime pas, mais ce qui me plaît chez lui, c’est sa constante volonté de rompre avec les codes, de ne pas forcément être le meilleur mais d’être le seul. C’est surtout ça qui m’inspire chez lui. Dans les textes de Gainsbourg, j’ai l’impression qu’il joue beaucoup, avec les mots, avec les doubles sens, mais ce n’est pas une écriture très exutoire, il y a peu de choses intimes. Dans la création de l’EP, j’ai travaillé avec Jersey, et on a essayé pleins de choses, mais au final, ce qui est resté, ce sont les productions les plus simples et les plus épurés. Je crois que c’est ce que je préfère.

Peux-tu nous parler d’artistes, ou d’albums biens particuliers, qui ont eu influence déterminante pour toi ces dernières années ?

Je m’inspire généralement de plusieurs styles, en musique classique j’écoute beaucoup Chopin, Satie et Schubert, et plus récemment Max Richter (j’adore l’album « Sleep ») et Arvo Pärt. En chanson française Barbara, Gainsbourg et Françoise Hardy, en ce moment aussi j’écoute en boucle la chanson « Hier encore » de Aznavour. Ces dernières années, il y a les albums « Bisous » de Myth Syzer,  « Batterie faible » de Damso et « JVLIVS » de SCH qui m’ont marqué. ( Sinon j’aime bien Jorrdee, Yung Lean, Tyler the Creator, Ichon, Bitsu, Hyacinthe, Jul, Lauren Auder, King Krule, Laylow, Muddy monk, Luidji, Odezenne, Slowthai, Gargantua et Zed Yun Pavarotti. )

Tu composes, tu réalises, tu peins et tu écris. Tu as notamment aidé sur la direction artistique de ton clip “J’avance”. Dans un monde où l’artiste est bien souvent aidé par une multitude de techniciens et d’autres professionnels, aimes-tu garder le contrôle sur ton produit final (ne pas être « dépersonnalisé ») ?

J’aime bien gardé le contrôle sur mon projet, mais j’ai aussi besoin des autres pour que le projet existe. Si je l’avais fait seul, « Au pire c’est rien » serait toujours pas sorti. J’aime bien essayé de proposer des choses visuellement, même si parfois c’est nul. Je pense que j’ai besoin d’être entouré pour faire de bonnes choses. Aujourd’hui je travaille avec Jersey et ça marche bien, ils réalisent des clips, ils font des prods et ils m’accompagnent vraiment beaucoup dans le projet. Je fais pas mal de choses à moitié, et d’être à plusieurs me permet de les faire jusqu’au bout.

 

 

Tu es passé par le conservatoire d’Orléans et les Beaux-arts de Bruxelles, deux institutions dont la première à la réputation en France d’avoir tendance à formater ses étudiants, quand l’autre va chercher en eux l’expression la plus personnelle et originale, que tires-tu de ces deux expériences toutes deux rigoureuses mais différentes ?

Mes deux expériences ont été très enrichissantes. D’abord, au conservatoire d’Orléans, j’ai été initié à la musique classique. J’ai appris à lire une partition, à chanter, à jouer d’un instrument, tout ça avec beaucoup de rigueur. C’est beaucoup de travail et très peu accès sur notre créativité. J’ai arrêté en 3e parce que j’en avais marre mais aujourd’hui je comprends la chance que j’ai eu d’avoir pu apprendre aussi jeune la musique. Ensuite, les beaux-arts c’est une autre histoire. Déjà, j’avais 18 ans, je n’avais aucune obligation, et j’avais fait le choix d’y être. J’étais peut-être un peu trop libre, parce que j’ai pas mal déconné mais j’ai appris des choses, ça m’a permis de m’ouvrir et de mieux comprendre l’art. C’est à cette période que j’ai commencé à travailler sur mon EP. Après, je ne suis pas resté longtemps aux beaux-arts, il y a des jours où j’y allais et d’autres non et mon projet était très flou, je me cherchais beaucoup.

Tu es encore un jeune artiste, mais on sait à quel point les choses peuvent aller vite. Comment envisages-tu le futur après l’EP ?

Avec tout ce qui se passe en moment l’avenir est incertain. J’ai hâte de pouvoir jouer en live l’EP. Puis je travaille toujours avec Jersey sur mon prochain projet qui s’appellera « JTM ». J’espère qu’il touchera quelques personnes.

GABRIEL VERHAEGHE

>> Site de Johnny Jane

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