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BILLETTERIE : QUEL EST LE PROBLÈME ?


BILLETTERIE : QUEL EST LE PROBLEME ?

Sujet sous-estimé, jugé peu sexy, voire tabou… Le secteur est pourtant en pleine révolution, à l’image du 1er “Forum national de la billetterie” organisé mi-septembre à Paris, même si la mutation française reste lente. Rencontre avec son créateur, Eddie Aubin, auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet.

Le forum a-t-il confirmé vos intuitions sur les acteurs de la billetterie ?

Billetterie” est un mot réducteur par rapport à l’étendue de la palette du domaine… Mais effectivement, ce forum (que nous n’avons pas voulu “salon”) fut l’occasion d’attester d’un manque de formations ou de légitimité de certains acteurs (l’activité de production n’étant pas la même que celle du marketing). Or, la dématérialisation permet enfin une démocratisation des supports (baisse de coûts, mutualisation…) et un levier de rémunération non négligeable.

Pourquoi est-ce un sujet tabou en France ?

Nous avons une tradition intellectuelle qui refuse de lier culture et argent… D’où notre habitude de la culture pour tous et subventionnée. Or, vu que nous sommes moins dans une lutte des classes, les rapports changent : il est de plus en plus sexy d‘être entrepreneur ! Mais ce “retard” est avant tout plus générationnel que culturel : en France, les acteurs sont plus âgés. Il est normal que la mutation soit plus lente…

Pourquoi réfléchir à la façon dont on vend des billets de concerts ?

Aujourd’hui, il reste toujours 40% d’invendus sur chaque spectacle… Rendons plus accessibles ces places ! Comment ? Via des prix dégressifs en fonction de la rémunération de chacun, en mutualisant des services, en personnalisant les approches… Cela nécessite donc de mettre en place les outils nécessaires pour connaître son public. Aujourd’hui, beaucoup de lieux refusent la numérisation, sous prétexte qu’un billet physique est “plus rassurant”. Attention, les algorithmes ne remplacent pas l’humain : ils font gagner du temps et de l’argent à tous ! Ne soyons pas arrogants : les labels ont manqué de peu la révolution du numérique. Il est encore temps pour que les salles rattrapent leur retard. Un enjeu primordial face à l’érosion des ventes de disques !

Mais n’est-ce pas inquiétant toutes ces données collectées ?

Ce sont surtout les GAFA (Géants du web : Google, Amazon, Facebook, Apple…) qui captent beaucoup de données… Mais il est vrai que le secteur billetterie a des efforts à faire pour redonner une bonne image de son métier et rompre avec l’opacité. Comme beaucoup emploient des prestataires techniques pour gérer ces plateformes, on oublie le plus souvent l’importance de l’éditorial et de la nécessité de la pédagogie… En Belgique, ILoveMyTicket blackliste les sites d’arnaques ou non reconnus par les producteurs et les diffuseurs. À quand une initiative de ce genre en France ? Le secteur représente 8 à 10 milliards d’euros par an… Ce n’est pas rien dans le PIB ! Eh bien, on préfère demander l’avis à l’artiste, alors que ce n’est pas son métier. Qui pour nous auditionner ?

Et pourquoi les festivals commencent à s’intéresser au marché de la revente ?

Ce sont deux écosystèmes différents qui se parlent peu, mais dont les uns utilisent pourtant les failles des autres. Le secteur “primaire” (1er cercle de vente) s’intéresse de plus en plus au “secondaire” (revente illégale ou légale) pour l’encadrer… Pourquoi ? C’est à la fois un manque à gagner, mais également un déficit d’image pour l’organisateur (“bad buzz”) et des rétributions non reversées (TVA, Sacem, Sacd, CNV…). Si la France n’est pas encore touchée par l’utilisation massive de “botnets” [cf. encadré], il est justement temps de se défendre et d’aider des sites comme Zepass ou TicketSwap qui revendent à prix égal ou inférieur… Et puis, interrogeons-nous sur “à qui profite le crime ?” Viagogo est cofinancé par Bernard Arnault, PDG de LVMH et 4e fortune mondiale ! Ça en dit long sur l’importance du domaine et… l’urgence de la situation.

>> MaGestionBilletterie

Conférence dédiée au MaMA Event, 18 octobre, 11h-11h40 (Le Trianon – Paris)

 SAMUEL DEGASNE

BILLETTERIE : QUEL EST LE PROBLEME ?

Viagogo : le symbole

Fin janvier, le Prodiss [syndicat rassemblant 350 producteurs français], a lancé l’initiative #FanPasGogo. En cause : l’utilisation de “botnets” par le géant américain de la revente [programme automatisé chargé d’acheter des places pour les revendre à prix d’or] et la spéculation réalisée autour de ces billets, revendus à des prix exorbitants et sans traçabilité (un même billet pouvant être sur plusieurs plate-formes en même temps). Un kit pédagogique est donc disponible sur un site dédié, s’accompagnant… d’une plainte pénale ! (Le festival Les Vieilles Charrues avait aussi intenté une action en justice en 2011.)

Problème ? Les contours de la loi du 12 mars 2012 sont flous : si elle interdit toute revente de billets subventionnés ou non autorisés par le producteur, la loi autorise malgré tout “l’occasionnel” qui reste à définir [le commerce lucratif étant considéré comme une fraude passible de 15 000 € d’amende et en cas de récidive à 30 000 €]. À l’inverse, aux États-Unis et en Grande-Bretagne, ce marché “secondaire” est moins encadré… D’où le succès et la cristallisation autour du leader Viagogo (vendeurs anonymes, prix flottants, service client non réactif…), mais aussi de ses concurrents SubHub et Ticketbis (propriétés d’eBay) ou encore GetMeln et Seatwave (via Ticketmaster, filiale de Live Nation…). Live Nation ? C’est là que le bât blesse… Si l’entente entre le producteur américain et son propre revendeur a été prouvée cet été dans certains pays comme les États-Unis, est-ce qu’en cristallisant le combat contre Viagogo, le Prodiss — dont l’un des membres est Live Nation — ne fait-il pas le jeu de son concurrent ? Sans doute dans un premier temps… Mais 7 mois après l’appel du Prodiss, Ticketmaster (Live Nation) a annoncé la fermeture de ses deux sites de revente (GetMeIn et Seatwave), promettant l’arrivée d’une plate-forme de revente “éthique”… Celle-ci est prévue en octobre 2018 au Royaume-Uni et sera déployée début 2019 dans le reste de l’Europe. Serait-ce la preuve que la moralisation est en cours ?

>> FanPasGogo

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