Bandeau Longueur d'Ondes n° 101

NIOFAR

Ensemble
 

De l’association Prodiges est né le collectif Niofar (“ensemble” en wolof) à l’origine du projet Melting Potes. À travers lui, des musiciens français et sénégalais s’attachent à établir des ponts culturels entre les peuples pour que personne ne soit laissé sur le bord du chemin. Les bénéfices de l’album iront à des associations humanitaires pour les enfants.

 

 

Interview avec Cisco coté français et Abdou Dieng, Milloh Dasupa, Ahmed coté sénégalais.

 

Cisco, parle-moi de ton association, Prodiges, qui je crois est le point de départ du projet Niofar ?

 

Certaines personnes ont de la suite dans les idées… une forme d’abnégation devenue un style de vie, une façon de voir le monde et de concevoir les choses… en l’occurrence une façon de concevoir la musique… Je fais partie de ces gens-là, un artiste, un professionnel du soin engagé. Fin 2011, J’entre dans la boucle du projet Occupy International (The Mole, Dead Prez, Filastine, Sole…) et l’envie me reprend de repartir alors en « Lutte » et de constituer un nouveau collectif, une nouvelle « armée musicale». Ils commencent donc à lancer l’invitation.Le projet d”activer Prodiges avance alors comme une traînée de poudre.

 

Activiste musicien depuis plus de vingt ans, mon approche musicale a toujours été large, entière, participative et encore plus aujourd’hui qu’hier ma manière d’aborder l’industrie musicale n’échappe pas à ces règles.

 

Je viens de la scène indépendante avec ma formation Expérience ex Diabologum. J’ai été signé par des majors et de minuscule label. Je ne parlerais pas « d’underground » mais plutôt du propos qu’il y a dans mes créations musicale ou dans les propositions soutenus par le L’association ProDiGes. Le tout paraître n’est pas plus important aujourd’hui qu’hier. La mutation vient de la manière dont est vendue et circule la musique. Le milieu de l’industrie musicale s’accorde et se focalise sur des balises fragiles comme le nombre de vues, de fan pour palier à leurs manquent d’investissement sur des artistes en développement. Dans les années 2005 alors que j’étais signé chez Labels j’ai pu être témoin de ces mutations. Mes interlocuteurs chez les labels étaient avant tout des passionnés qui avait construit leurs carrières par une connaissance du milieu de la musique. Puis est arrivé cette nouvelle génération qui sortaient directement de HEC et qui ont commencés à imposer le marketing « produit » dans la musique. Il fallait fabriquer une image en relation avec un produit pour vendre à un public déviance entre « le fond et la forme ». Dans ce contexte là effectivement que nous sommes alors « underground »  de fait et que nous nous battons pour apporter une alternative à un système ultra commercial. Nous ne nous battons pas avec les mêmes armes. C’est la passion qui nous anime, qui est garant encore de ce plaisir de défendre « la différence »

 

Pour ma part je suis issue du médico social après ma carrière en tant que musicien pros j’ai repris le chemin des études universitaires. J’ai utilisé mes compétences de ces année pour m’orienter vers l’apport thérapeutique de la musique en tant qu’outil de médiation sur un processus psychothérapeutique. Je suis aujourd’hui diplômé musicothérapeute clinique et je suis professeur vacataire à l’université de Toulouse Jean Jaurès sur les apports thérapeutiques innovant en matière d’objets connectés numériques et de Musique Assistée par Ordinateur.

 

ProDiGes est une association qui s’emploie à faciliter l’accès à “la culture” à tous les publics par le biais des arts. Ses membres s’appuient sur le mélange de(s) culture(s) afin d’encourager l’ouverture des esprits favorisant ainsi les expériences artistiques de découvertes culturelles, d’apprentissage et d’échanges. Structure de production de spectacles née en 2001, l’association va développer, d’année en année, pas à pas, son projet autour des médiations artistiques et culturelles. En complète correspondance avec la notion de droits culturels dans nos pratiques et notre manière de penser la médiation, nous invitons les artistes et intervenants à adapter leur relation avec les publics en les considérant de manière horizontale, chacun participant à la construction d’une culture commune par l’apport de sa culture individuelle et singulière. Ce faisant, nous estimons participer activement à la réduction des barrières psychologiques et sociales entourant l’exclusion de groupes ciblés de manière à les ramener a une posture d’individu citoyen participant à la vie de la cité malgré ses spécificités. Spécificités dont nous faisons en outre la matière première de nos créations artistiques, en nous en remettant toujours à la personne et à sa propre culture, elle-même liée à son histoire personnelle. Chacune de nos interventions donne systématiquement lieu à une production réaliste et qualitative à destination de personnes mises à distance « de la culture », voire en souffrance, tant sociale que physique ou psychique, de façon à faire émerger la diversité et la valeur intrinsèque des cultures et permettre à chacun de se réaliser artistiquement.

 

Comment as-tu créé ce pont entre artistes français et sénégalais, tu les connaissais ou tu les as découverts au fur et à mesure que tu avançais ?

 

Cisco : Cette aventure a été menée en novembre 2022, avec la complicité de notre partenaire Aeroson (spécialisé dans le graffiti), auprès du public de l’association Njaambuur Hiphop. C’est, du reste, à la demande de cette dernière, mais également du centre culturel régional Mademba Diop de Louga, que nous avons imaginés ce projet. NIOFAR (ensemble en Wolof) est le nom d’un collectif de musiciens franco-sénégalais à l’origine du projet musical Melting Potes.
 

La scène se déroule à Louga, ville du Sénégal connue pour son riche patrimoine culturel et musical, où les associations aveyronnaises PRODIGES et AEROSON ont atterri pour mener une action d’éducation hip-hop’ulaire initiée par l’association lougatoise NJaambuur hip-hop et soutenue par l’institut français du Sénégal. À l’origine, il était seulement question de graffitis, de musique, de culture hip-hop, de découvertes mutuelles et d’échanges culturels.

 

Mais, une fois sur place, les artistes se sont immédiatement trouvés et ont travaillé ensemble, sans relâche. Ils ont partagé leurs idées et échangé leurs influences musicales, tout en créant leur propre son. En s’inspirant des expériences de vie des uns et des autres et en seulement dix jours, ils ont écrit et composé, dans un studio de musique local, des chansons reflétant leur vision du monde, abordant des thèmes tels que la paix, la justice sociale, la tolérance et l’unité, usant de paroles à la fois poignantes et inspirées.

 

Comment gérer un collectif qui est dans 2 pays différents ?

 

Cisco : La coordination entre les artistes présents dans deux pays différents a représenté un défi majeur. Toutefois, la vision d’unir une envie commune de création et ce malgré la barrières de la distance géographique a donné au travers du défi un élan à cet album. L’enregistrement, bien que spontané dans son approche initiale, s’est déroulé avec une synergie incroyable, reflétant l’engagement des artistes, des beatmakers, des DJs et de l’équipe de production. La sélection minutieuse des artistes, l’équilibre sonore recherché. Compte tenu de la temporalité, donc de la nécessité de respecter des délais serrés un travail en amont de planning et de communication à été mis en place par les 3 associations. Nous avons établi un travail en Visio en amont du projet qui a amorcé la rencontre et la création.

 

Parlez-moi de l’album, comment avez-vous enregistré ? Est-ce qu’il y a eu des difficultés particulières ?

 

Abdou Dieng, Milloh Dasupa, Ahmed : Nous partageons tous une planète qu’ont surnom “terre”. Ce qui fait de nous des “terrains”, un seul peuple, une seule identité dans la diversité. C’est ça le fondement de l’humanité aussi diverse qu’elle soit. Cependant, vu la configuration actuelle née de l’évolution des genres humaine, le monde est borné dans tous les sens sous forme de murs communément appelés frontières dans le seul but de limiter le soi-disant envahisseur étiqueté par des préjugés souvent incohérents en profondeur. D’après cette aliénation chronique, au fil des siècles, basée sur la propagande de la peur qui éloigne les peuples des vrais enjeux de l’urgence : l’album Melting Potes est enregistré dans le seul but de survoler les frontières à la découverte d’autres horizons afin de créer un déclic dans l’espoir de réconcilier l’humanité par le biais de la musique. Concernant l’enregistrement de l’album, on peut dire que c’était spontanéité dans l’idée de départ, il a été enregistré en 10 jour (atelier d’écriture, programmation, prise de voix) avec une envie remarquable des parties prenante (artistes, beat maker, dj, techniciens, équipe de production).D’abord difficulté que nous avons rencontrée est la sélection des artistes ; dans la base de données de l’association Njaambuur Hip hop il y a un foisonnement d’artistes rappeurs notamment plus de 200 et il fallait en choisir qu’une vingtaine ce qui était loin d’être une partie de plaisir.  Grace à notre objectivité nous avons pu choisir les artistes qui sont phase avec les thématiques développés dans l’album. Ensuite ce n’était pas facile de dénicher des voix féminines pour maintenir équilibre dans les sonorités. Le timing était très réduit par rapport aux taches qui nous attendaient mais nous avons pu relever le défi.

 

L’album Melting Potes est né d’un désir profond de transcender les frontières et de promouvoir l’unité au-delà des barrières artificielles érigées par l’humanité. Notre vision est ancrée dans l’idée que malgré nos différences, nous sommes tous des citoyens de la même planète. Nous aspirons à connecter les cultures, à éliminer les préjugés et à réconcilier les gens à travers la création artistique.L’enregistrement de cet album s’est déroulé dans un esprit de spontanéité et d’engagement collectif. En l’espace de seulement 10 jours, nous avons entrepris un atelier intensif d’écriture, de programmation et de prises de voix.

 

Cette entreprise s’est nourrie de la passion et de l’enthousiasme remarquables des artistes, des beatmakers, des DJs, des techniciens et de toute l’équipe de production impliquée.Cependant, le processus n’a pas été sans ses défis. L’une des premières difficultés a été de sélectionner les artistes parmi une base de données florissante de plus de 200 rappeurs, provenant de l’association Njaambuur Hip-Hop. Choisir la vingtaine d’artistes les mieux adaptés aux thématiques de l’album n’a pas été une tâche aisée, mais nous avons œuvré avec objectivité pour trouver ceux en phase avec notre vision musicale. Trouver des voix féminines pour équilibrer les sonorités a également été un défi. Malgré des délais serrés, nous avons réussi à relever le défi en dénichant les talents adéquats pour compléter l’album.

 

Le message essentiel derrière cet enregistrement est celui d’universalité et d’inclusion. Il cherche à élever les consciences, à dépasser les différences culturelles et à ouvrir des horizons inexplorés. Melting Potes est bien plus qu’un simple album ; il incarne une quête commune pour un monde plus harmonieux, façonné par la diversité et l’unité. Les artistes autour de cet album sont très loin de l’ego trip, ils se sont uni autours d’un projet à but social et humanitaire.

 

Quels sont les messages que vous voulez faire passer à travers les chansons ?

 

Milloh Dasupa, Abdou Dieng, Ahmed : Cet album se veut être une lueur d’espoir dans un monde souvent fragmenté par des frontières. Les messages portés par Melting Potes sont un appel à l’unité, une célébration du partage de connaissances, une quête de paix et un hommage à l’hospitalité sénégalaise. Cet album se veut être une lueur d’espoir dans un monde souvent fragmenté par des frontières. Les thématiques développés dans l’album reflètent la richesse de la différence culturelle. Ceux qu’on appelle chez-nous la notion de pluriculturel, interculturel. Certain titre comme« xam xam » qui veut dire connaissance, « jamm » qui veut dire la paix abordent ces différentes visions culturelle.

 

Il s’agit de hip-hop et de rap, ce qu’on appelle les musiques urbaines en France. Est-ce que la jeunesse sénégalaise est comparable à celle de la France quant à l’engouement vis à vis de ces musiques ? Avec quelles idoles ? Locales, internationales ?

 

Milloh Dasupa, Abdou Dieng, Ahmed : La culture en tant que fait est universelle, mais c’est au niveau des contenus qu’elle varie d’une société à une autre. Comparé la société française et celle sénégalaises en terme d’engouement dans les musiques urbaines serait prétentieux vu touts les paramètres à prendre en compte mais à notre niveau nous pouvons dire que le « mouvement hip hop » fait l’objet d’une appropriation juvénile ici au niveau Sénégal, ce qui est surement le cas dans l’hexagone vu la genèse du rap.

 

L’engouement de la jeunesse sénégalaise pour les musiques urbaines est comparable à celui de la France, même si les contenus peuvent différer. Le mouvement hip-hop connaît une popularité croissante, portée par des artistes national comme NitDoff et internationales Positive Black Soul, Dip Doundou Guiss, One Lyrical, Akbess ou Hakill…Ces artistes veulent « défendre la démocratie » et « libérer le pays » contribuant ainsi à son influence grandissante

 

Comment arrives-tu à financer la promotion ?

 

Cisco : Pour financer la promotion, nous avons eu une aide de l’Adami et bénéficions de l’image de notre label Dora Dorovitch qui existe depuis 2001. L’originalité et la singularité du projet entre création artistique et action humanitaire attire la curiosité des médias autant musicaux que d’actualité sociale et politique.

 

Parlez-moi des artistes qui sont en featuring sur les titres… Comment les avez-vous rencontrés et convaincus de participer au projet?

 

Milloh Dasupa, Abdou Dieng, Ahmed : Je ne parlerais pas de featuring car c’est vraiment un collectif d’artiste ou tout le monde a été investi dans la création. Les artistes ont travaillé sur la mixité sonore pour ajouter une touche sénégalaise au son. Les rythmes africains et les instruments traditionnels sénégalais tels que le kora, le djembe et le balafon ont été incorporés dans les chansons, ajoutant une dimension culturelle authentique.L’album final est un véritable témoignage de l’harmonie entre les cultures française et sénégalaise, ainsi que de l’engagement des artistes envers un projet social humanitaire. Il a été accueilli avec enthousiasme par les fans de hip-hop de Louga ainsi que par la communauté locale de Louga.La musique est un véritable reflet de l’engagement envers la communauté sous le prisme d’une passion commune autour la musique rap et de la culture hip-hop. Le collectif est fier de pouvoir utiliser leur musique pour véhiculer des messages positifs et pour inspirer les jeunes à s’engager pour la communauté.

 

Les bénéfices seront reversés à l’association, tu voudrais les utiliser comment ?

 

Cisco : Les artistes ont également travaillé en étroite collaboration avec des organisations locales pour aider à soutenir des initiatives éducatives et de développement dans la région comme avec le centre culturel régional Mademba Diop .Les bénéfices de l’album ont été et seront utilisés pour financer des projets humanitaires autour de la protection de l’enfance surtout des enfants talibés en coopération avec l’Association AFER (Association en Faveur des Enfants des Rues) de Louga au Sénégal.

 

Ainsi nous avons pu déjà construire deux dortoirs qui sera un accueil de répit et de soin pour les enfants.AFER est une organisation humanitaire dédiée à la sécurité et au bien-être des enfants des rues à Louga. Leur mission est de leur offrir un cadre de vie sécurisé, une éducation et un soutien pour un avenir meilleur.

 

La question du bien-être des enfants est une priorité, tant au niveau national qu’au niveau africain. Il est impératif que les décideurs et les leaders s’engagent à protéger cette jeunesse vulnérable. Trop souvent la conjoncture économique expose ces enfants à des dangers permanents. Ils se retrouvent à la rue, sans abri ni protection.L’épanouissement de l’enfant nécessite un environnement adapté à son développement, notamment une alimentation équilibrée et une éducation de qualité. Les soins médicaux doivent également être accessibles aux enfants. Cependant, de nombreuses familles n’ont pas les moyens de subvenir à ces besoins essentiels. Face à cette réalité, des demandes ont été adressées au gouvernement pour prendre des mesures appropriées, mais les ressources restent limitées.

 

Notre objectif est d’offrir un refuge sûr et de meilleures conditions de vie à ces enfants vulnérables. Les besoins immédiats incluent des médicaments, de la nourriture, du matériel pédagogique, une infirmerie, des vêtements… Notre engagement consiste à permettre à ces enfants de s’épanouir, de s’exprimer, et de devenir des citoyens utiles pour le monde de demain. Nous sommes déterminés à faire une réelle différence dans leur vie.L’album a non seulement permis de promouvoir la culture sénégalaise et française, mais il a également eu un impact positif sur la communauté locale et a permis de sensibiliser les gens à des questions importantes telles que l’éducation et le développement.

 

Quels sont vos projets ? Des concerts?

 

Cisco : Nous envisageons à l’avenir, une tourné au Sénégal avec des actions humanitaires liés à cette tournée. Nous cherchons un tourneur intéressé par le projet en France. Le 24 et 25 Décembre le festival Njaamburr hip-hop à Louga va mettre à l’honneur Niofar. Retour en pays de la Teranga pour les artistes Français en février/mars. Le terme teranga, parfois écrit teraanga, est un xénisme Wolof qui peut se traduire par « hospitalité ». Cette notion de respect, d’hospitalité et d’accueil appartient à la culture du Sénégal.

 

Le collectif reste déterminé à utiliser l’art comme un vecteur de changement, une chanson à la fois.

 

Propos recueillis par Xavier-Antoine MARTIN

 

Photos : Esteves FRANCIS

 


 

 

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