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STEPHAN EICHER

Centre Événementiel de Courbevoie (92), 23 Mars 2023

 

Lorsque la lumière s’éteint et que le rideau s’ouvre, on comprend qu’il va y avoir de la magie dans cette soirée. Le décor est loin d’être celui auquel on est en droit de s’attendre pour un concert de rock : ici point de batterie juchée sur un podium, pas de micros éparpillés aux quatre coins de la scène dans un fatras de câbles. C’est le minimalisme qui prime et surtout qui intrigue avec la présence d’armoires, dont on ne sait encore quels secrets elles recèlent, et d’une harpe. Encastré dans une table de salle à manger ornée de chandeliers, sous laquelle un tapis a été posé, on devine ce qui est un clavier. Le chanteur et les musiciens (Noemie Von Felten à la harpe, Reyn Ouwehand aux claviers, Simon Gerber à la guitare et à la basse) sont déjà en place.

Les premières notes de “Sans contact” résonnent alors sur les superbes paroles écrites par le fidèle ami Philippe Djian : « Sans contact / Enfermés dans nos sacs / À moitié fous / Nous manquions de tout ». La chanson offre certainement l’un des plus beaux témoignages de cette période durant laquelle « Nous avions tort / Et nous comptions nos morts ». Puis, les musiciens enchainent sur “À nos cœurs solitaires”, autre titre extrait du dernier album, Ode, avant que les fragrances du premier classique de la soirée, “Pas d’ami (comme toi)”, ne viennent embaumer la salle.

 

Le chanteur profite de la fin de ce premier enchainement pour commencer un dialogue avec le public, dialogue qu’il prendra soin de continuer régulièrement tout au long du concert, s’excusant presque d’être aussi bavard : « Pendant le confinement, pour tuer l’ennui, j’ai pris l’habitude de “baratiner”. » Le sujet de prédilection du jour sera la situation en France en cette journée d’action contre la réforme de retraites, dont il parlera, comme toujours, avec humour.

Le concert repart avec “Le plus léger du monde”, autre pièce maitresse de l’album Ode (dont 10 titres seront joués ce soir) et le méconnu “Tous les bars” extrait de L’envolée (2012), puis vient le tour de ce qui est sans doute l’une des plus belles chansons du répertoire du Suisse, “Prisonnière” paru sur Homeless songs (2019). Les titres s’enchainent, entrecoupés de courts interludes souvent prétextes à quelques plaisanteries, alternant titres récents (“Voyage”, “Je te mentirais disant”) et des classiques (“Des hauts, des bas”, “Combien de temps”). Entre-temps, les armoires au fond de la scène se sont ouvertes, révélant des montages lumineux comme on pouvait en rencontrer jadis dans les fêtes foraines, réagissant en rythme aux notes de musique et ajoutant encore un peu plus de magie à un décor et une atmosphère qui en étaient déjà bien empreints.

 

 Au bout d’une quinzaine de titres, après “Autour de ton cou”, Eicher tout en annonçant la fin prochaine du concert, renouvelle ses facéties en se transformant en mentaliste, s’adressant à la salle : « Pensez à un morceau que je n’ai pas encore joué que vous aimeriez entendre et je vais deviner… ». Alors que tout le monde a bien évidemment en tête “Déjeuner en paix”, c’est “Eisbar” de Grauzone qui est joué, tout du moins son introduction, car rapidement le suspense est clos et les premières notes du classique des classiques claquent dans la pièce, dans une version ré-arrangée, résolument plus rock que l’originale enregistrée en studio, proche de celle que l’on peut entendre sur l’album (très recommandable) Engelberg live 91. La salle est debout, soudainement entrée dans une sorte de transe collective.

Deux titres suivront (“Tu ne me dois rien” et “Éclaircie”) avant que les musiciens ne disparaissent, façon Monde de Narnia, par la seule armoire restée jusque-là fermée. Bien qu’ayant indiqué précédemment qu’il n’aimait pas les rappels, « tout le monde sait, bien entendu, que même si les musiciens font semblant de partir à la fin du concert, ils reviennent toujours pour des rappels… », le public sera quand même gratifié d’un bonus avec “Djian’s waltz”, histoire d’avoir une pensée pour celui qui écrit de sublimes textes pour Stephan Eicher depuis plus de 30 ans.

Une fois de plus, le Suisse aura démontré lors de concert, par ses qualités qui vont bien au-delà de la musique, qu’il fait partie de ce que l’on appelle les très grands artistes.

Texte : Xavier-Antoine MARTIN

Photos : Valérie BILLARD

 

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