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FRANCOS DE MONTREAL 2022 – JOUR 1

Du 10 au 18 juin

Lorsque l’été pointe le bout de son nez, il est souvent synonyme d’espoir. L’année dernière, l’affaire avait été mitigée. Certes, il avait été possible de se retrouver – en partie – mais la plupart des festivités avait encore dû attendre un peu pour être célébrée. Et si tout le monde s’est entre-temps lassé d’évoquer constamment le Covid et ses nombreuses restrictions qui ont pesé sur le monde de la culture, ce retour à Montréal force à y accorder une pensée. 

Notamment parce que, alors que cette 33ème édition des Francos s’apprêtent à ouvrir, l’excitation est palpable, réchauffant plus que le soleil timide qui illumine la ville en cette première journée.

Comme le confiait en interview Laurent Saulnier, le programmateur de cet événement, ces retrouvailles promettent de « faire du bien ». Voilà d’ailleurs une expression qui se répète de bouche en bouche, de festivaliers à ministre de la culture venu célébrer ce festival « sans masque » et le retour à la normale.

Le site s’est paré de ses plus beaux atours, non seulement habillé pour retrouver ses festivaliers, « le cœur des préoccupations » du programmateur comme il le dira dans son toast d’ouverture, mais aussi pour dire au revoir à ce grand monsieur qui signe ici sa dernière édition.

C’est sa passion bouillante qui sera au cœur de cette première journée et son envie d’unir derrière la francophonie. Autour du site, Montréal la belle est fidèle à elle-même. Des travaux la contemplent, des immeubles géants se construisent et regardent de leur place de colosses les nombreuses scènes gratuites, les stands de boissons, de nourriture et d’autres goodies.

Un festival bienveillant

Montréal est une ville naturellement bienveillante, ses habitants rayonnants en sont la preuve vivante. Alors que le site situé au cœur de la place des arts est entouré de restaurants, ceux qui y travaillent n’ont de cesse d’exprimer leur joie de retrouver le festival. « Mon préféré » confient certaines. Pendant 8 jours, le lieu sera baigné de musique, de familles, de sourires, de jeunesse et de fête. Lorsqu’à 17 heures, le premier concert prend vie, les annonces se font. Il est demandé de respecter les autres, de ne pas avoir de comportement déplacé  ou qui puisse être discriminant. De nombreux agents et bénévoles aux sourires radieux sont d’ailleurs là pour s’assurer que la bienveillance soit de mise sur tout l’événement.

Le soleil est bien là, la pluie devait pourtant pointer son nez. Finalement, consciente qu’il faut parfois laisser place à la culture et au partage, elle s’est absentée. C’est sur la scène Silo Brasseur que le ton est donné. Le Couleur a la tâche d’ouvrir l’édition. Le groupe, grand habitué du festival, rayonne. Le trio mené par Laurence Giroux-Do est venu défendre sa dernière sortie en date  Concorde. L’histoire de l’humain qui se dépasse, pousse ses nouvelles technologies pour finalement retrouver froidement son statut de mortel a fasciné nos hôtes lors de sa composition. Un long questionnement sur la mort en somme, dopé de mélodies inspirées par les 70’s. Ces dernières rencontrent, sur scène comme sur album, une pop française sucrée et des intentions 90’s. La chanteuse s’approprie la scène comme une tornade. Sur-excitée, elle offre une performance agitée avant de proposer un titre pour méditer. Son compère, qui cite volontiers Led Zeppelin parmi ses références, s’offre un petit solo de guitare.  Toute l’harmonie de Le Couleur tient en sa capacité à briser les frontières des genres pour mieux les unir. Tous peuvent s’y retrouver puisque le groupe forme un pont indiscutable entre classiques et modernité. La recette prend dans le public, au premier rang de très jeunes enfants tentent en vain de monter sur scène, des moins jeunes dansent volontiers, d’autres plus loin profitent des mélodies tout en discutant une partie de pétanque. A la dernière noté jouée, c’est certain l’édition est lancée.

Concerts sur pelouses

Côté scène Loto-Québec, les étendues de verdure permettent aux festivaliers de profiter du concert gratuit assis. Alexe se présente sur scène. « On a pas joué depuis longtemps » lâche sa meneuse à la voix cristalline. Le combo propose de la chanson portée par une leadeuse qui pousse sa voix comme il le public local en raffole. Cette absence de scène n’enlève rien à sa capacité à performer, en avant-scène sa joie est communicative. Il faut dire, que son groupe, loin du simple projet de carrière est aussi le cœur de sa famille : « Lors de nos premières Francos, mon compagnon et moi venions de commencer à sortir ensemble. Aujourd’hui pour nos secondes Francos, notre fils assiste à notre concert ! ». Une note d’émotion qui fera rapidement oublier le faux départ sur un morceau. Restera en tête des refrains efficaces et accrocheurs, calibrés pour marquer.

Côté scène Hydro-Québec c’est Bronswick qui se dévoile. Duo haut en couleur, la formation joue sur un évident contraste. Avec un premier album en poche, le rendu est plein d’audace, de celle qui allie un flow à la Limp Bizkit et une voix bien plus chanson. Les deux changent de costumes et jouent à se tourner autour entre titres sur le conflit et jeu sur le désir. L’amour est de mise et un danseur s’ajoute à la performance. Il apparait derrière un drap tenu par la chanteuse un coup à droite, un coup à gauche. Le visuel est au cœur des préoccupations de ceux qui font volontiers chanter l’audience en lui apprenant les paroles de ses morceaux.

Des concerts en salle

Les Francos ce sont des nombreuses scènes gratuites, certes et un parcours extérieur créé pour accueillir toutes les générations. Mais ce sont aussi des scènes payantes dans les salles alentour.

C’est d’ailleurs le cas du très prisé concert de La Femme au Mtelus. L’évènement est complet, la salle, elle, est magnifique et optimale. La fosse y est plaisante alors que les balcons en arc de cercles évoquent les vieux théâtres qui font la force de l’Europe. Là se dévoile en première partie Laurene-Anne, la première claque de cette édition. La chanteuse prend possession de son espace scénique et s’ose aux mélanges. Voix aériennes, expériences musicales, percussions au centre des titres, l’OVNI interpelle et séduit. Il faut dire que la musicienne à l’univers entre la pop, la chanson, l’électro et la dream pop s’aventure sur le terrain de Léonie Pernet qui signait côté France l’un des meilleurs albums de 2021. Sans copier les frontières brouillées de la française, notre canadienne lui emprunte sa grâce et sa faculté à surprendre. Un moment suspendu et peuplé de poésie qui malheureusement souffrira d’un son mal ajusté.

C’est également le cas pour La Femme qui suit cette performance. Il est bien plus de 22 heures lorsque les têtes d’affiche de la soirée se présentent sur scène. Tous de blanc vêtues et de synthés à portée de main, l’équipe se déhanche franchement et fait la part belle entre les voix de son chanteur et de ses chanteuses. La Femme aime revendiquer sa liberté artistique et sa capacité à créer comme bon lui semble. La preuve avec son nouvel opus Paradigme, essai pluriel ou le western rencontre une chanson électro et où les flots à la Dutronc et Fauve peuvent se côtoyer. Et si l’idée paraît improbable à envisager, il faut écouter cet opus qui dédie quand même un titre au « Lâcher des chevaux » pour comprendre qu’à créatif, rien n’est impossible. Plus distante sur scène, la formation joue une sophistication assumée pour parler à son audience. Le son fait peiner nos musiciens. Pourtant, Marlon, n’hésite pas à se rendre rapidement dans le public et à jouer de ses singles cultes d’entrée du nouveau  “Paradigme”  au classique “Où va le monde?”.

La première fois qu’il avait programmé du hip-hop en ouverture des Francos, Laurent Saulnier avait attisé les critiques et inquiétudes. Aujourd’hui, alors que le courant connaît son nouvel âge d’or, il n’est pas étonnant de voir que Koriass ouvre sur la Scène Bell. Le rap est donc à l’honneur pour le plus grand plaisir des festivaliers et d’une jeunesse qui vibre en chœur. La Nuit Urbaine se conclut avec le set de Connaisseur Ticaso et son avant-scène pleine à craquer.

Pour finir la nuit, il faudra monter des escaliers sur le côté du Mtelus. Un boite de nuit éphémère aux murs couverts de tags attend les couches tard. DJ set calibré et danse toute la nuit sont de rigueur dans ce lieu aux allures de loft intimiste. Il reste une semaine pour profiter des Francos, prouver qu’on peut jouer tous les registres en français et surtout se retrouver !

Texte : Julia Escudero

Photo : Laura Navale

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