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DIMONÉ

Le JAM (Montpellier), 2 avril 2022

Ambiance feutrée de club de jazz où, dans la salle du JAM, de petites tables rondes se mêlent aux chaises pour siroter tranquillement sa bière ou son whisky. Pour l’instant, après Covid, la reprise de Dimoné est assise, en piano voix, accompagné par son vieux compagnon de route, JC Sirven, après avoir évolué quelques saisons avec Kursed en formation rock.

 

Dimoné, son concert au JAM de Montpellier sur Longueur d'Ondes

 

La première partie est assurée tout en loufoquerie par Simon de Céret, poète du quotidien, une espèce de Souchon désinhibé. Il n’hésite pas, en danses chaloupées, à nous chanter des petites annonces décalées avec son petit synthé Yamaha. Une chanson porte sur l’univers d’Antonin Artaud, les puristes underground apprécieront, “Artaud ou tard, tu cherches l’expression salutaire“. C’est surtout l’envie de célébrer la vie avec légèreté et dérision qui semble animer Simon, devant un public ravit, souriant et bien chauffé pour Dimoné.

Retour à l’épure du duo Dimoné-Sirven, mis à nu. Et alors que le retour du public est compliqué, ici au Jam de Montpellier, c’est complet pour le deuxième soir de suite. C’est un Dimoné quasi mystique, poète dégingandé qui apparait sur la scène, seul, pour une série d’allitérations automatique autour de « Je suis un autre ». Alors que JC Sirven arrive, on comprend que le public sera à la fois studieux et envouté ce soir. C’est la force du jeu scénique de Dimoné qui nous enivre, il habite la scène sans besoin de grand mouvement ou de moults fantaisies. La lumière venant de dos au duo amplifie le contraste et surtout les contours des visages et leurs expressions. Le son clair et cristallin du piano se marie parfaitement avec les déchirures de Dimoné dans ce concert organique jusqu’aux pieds nus du pianiste (un détail pour vous mais qui veut dire beaucoup). Sans plusieurs instruments pour « se cacher », il y a intérêt de savoir jouer avec le public. À cet exercice-là, le cabotin Dimoné n’en rate pas une pour amuser un public acquis à sa cause. Il nous parlera de souvenirs d’enfance, de grenade à plâtre dans la garrigue. De comment faire pour laisser de la place à de nouveaux souvenirs, ou bien de les avoir en location comme un airbnb du souvenir. Le public savoure le voyage poétique au cœur des mots et des figures de styles les plus surréalistes. Même s’il a 7 nouvelles chansons à venir sur CD avec Sirven, comme à son habitude, Dimoné reprend ses meilleurs titres comme ‘‘Lyon’’, ‘‘La grande allée’’, ‘‘L’amorce’’, ‘‘C’est nickel’’, ou encore ‘‘Les narcisses’’, chansons qu’il joue forcément différemment, qu’il laisse traîner, ou encore ajoute des digressions fantaisistes sur les lobes d’oreilles pendant ‘‘Tangue’’. Du propre aveu du chanteur de Perpignan, l’excellent JC Sirven est très jazzy ce soir, bien plus qu’hier. On aime que la musique évolue selon l’ambiance du moment, selon le public et sa propre humeur. La musique est vivante et Dimoné en était l’incarnation ce soir. 

Dimoné, son concert au JAM de Montpellier sur Longueur d'Ondes

L’ENTRETIEN (interview réalisée juste avant le concert)

Après l’aventure avec Kursed pour l’album Mon amorce, Dimoné retrouve son compère le pianiste JC Sirven avec qui il travaille depuis près de 25 ans. S’il ne pense pas qu’il y ait un second volet avec Kursed, la porte est en tout cas ouverte pour des concerts dans cette formation rock. Pour l’instant, c’est un 7 titres avec JC Sirven qui sortira bientôt. « L’aventure avec Jean-Christophe a commencé avec ses arrangements pour les cordes de mon premier album, Effet Pervers, puis il a pris les claviers sur scène, quelques instruments sur le deuxième et le troisième puis a réalisé le quatrième Bien Hommé Mal Femmé. Il a toujours été la seule personne avec qui j’ai beaucoup tourné. » La raison est simple, c’est plus rentable en duo de pouvoir vivre des tournées dans le modèle économique compliqué des musiques vivantes. 

Cette liberté leur a permis de travailler leur direction musicale, sans repère. Pour le 7 titres piano voix, « on
voulait se dénuder, s’alléger de nos pédales d’effets, et tourner comme ça, avec l’espoir que ça arrive, on a encore et encore revisité le répertoire mais aussi de nouvelles chansons sont arrivées, et ça ne devait rester que de la scène
 ». Finalement, l’œuvre sortira physiquement pour ne pas « tuer le disque avant qu’il ne meure tout seul. On va lui faire un accompagnement thérapeutique, on ne va pas aller le tuer en Suisse. Le disque a le droit de mourir en France aussi. » De là, 7 chansons, dont certaines sont des textes issus de son récent recueil de poésie, Qu’est-ce qu’elle a la biche à ne pas s’enfuir quand je passe à 110. On sera loin d’un disque de chansons formatées, « à la papa ». Dimoné a composé 7 nouvelles instrus à la guitare, transposées et arrangées pour le piano par JC Sirven. 

Dimoné, son concert au JAM de Montpellier sur Longueur d'Ondes

Pendant les deux ans de Covid, Dimoné en a profité pour « nettoyer son algorithme », écouter des choses nouvelles, des musiques instrumentales, des choses planantes, arythmiques, ce qui « permet un bon détartrage » pour se lancer sur des nouveautés personnelles. Du côté de la création des textes, son cheminement poétique s’élabore souvent en voiture, en train, pour ne pas être parasité par d’autres pensées, par ce qui se passe à l’extérieur. Un mot, une expression lui arrive, et il divague autour, comme par exemple « J’ai changé de milieu », « pour moi, c’est une guerre nucléaire, je questionne l’étymologie. Pour certaines personnes, l’allégorie a pris trop de place sur le sens premier, je trouve ça d’un décalage vertigineux ». De là, il dérive, se désaxe, et les mots viennent, un texte ou une chanson. C’est un jeu pour lui, son « sudoku intérieur », que de triturer les mots, expressions et figures de styles. Il cite d’ailleurs volontiers l’humoriste Raymond Devos parmi ses références. 

Dimoné, 56 ans au compteur, traine sa bosse dans le milieu musical depuis plus de 35 ans, soit une vie dédiée aux mots et aux compositions en toute humilité et poésie. Il a quelques succès d’estime comme la chanson « Les Narcisses », qui lui a permis d’être programmé dans des radios nationales. « Mon parcours m’a permis le choix, en faire mon métier m’a permis de me calmer, de me rendre poli, de m’identifier. Le paysage intérieur de mes émotions a été verbalisé et j’ai pu me comprendre ». C’est un plaisir de découvrir à chaque fois cet artiste sous plusieurs formes, différents types de groupes, et de le suivre, lui qui se réinvente constamment, complètement ouvert. 

 

>>Site internet de Dimoné 

>>Site internet de Simon de Céret

Photos, entretien & textes : Yann LANDRY

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