Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

PROHOM

La lumière au bout du chemin

L’album Brille signe le retour de Prohom, 8 ans après Un monde pour soi ; 8 ans qui auront été aussi riches que complexes humainement, mais au final, décisifs pour la nouvelle énergie qui l’habite dorénavant et le pousse à regarder loin devant lui.

Prohom, son entrevue sur Longueur d'Ondes

Prohom est un créateur comme Longueur d’Ondes les aime : sensible, entier, aventureux. Depuis la fulgurance de son premier album, il a toujours été l’objet d’une attention à part dans ces colonnes, notamment en tant qu’instigateur héroïque du renouveau de la chanson française. Renouveau dont beaucoup de jeunes musiciens sont certainement les héritiers aujourd’hui. Et pourtant, Brille montre ô combien il envisage désormais la vie autrement. Si ce disque est né il y a plus de 6 ans, il résonne encore fortement avec son état d’esprit actuel. « Les morceaux de cet album datent de 2015. Je les ai écrits en six mois. À cette époque, j’ai commencé aussi des activités de magnétiseur. Et puis il y a eu une rupture. Je suis alors parti sur le chemin de Compostelle. C’est la première fois de ma vie où j’ai vraiment mis de côté ma vie d’artiste. J’étais parti pour trois ou quatre jours :  je suis resté un mois, j’ai fait 730 kilomètres. Je me suis mis en marche, je n’ai jamais pu m’arrêter. Je me suis rendu compte que cet album avait quelque chose de prémonitoire par rapport au chemin que je faisais. »

À son retour, il s’éloigne progressivement de la musique. Le magnétisme prend de plus en plus de place, il sent qu’il fait du bien aux autres. « La vie a fait que j’ai perdu de l’intérêt à diffuser des chansons. La chanson est devenue futile. En fait, un truc avait changé en moi. » Les années passent. La vie se poursuit, mais non sans heurts, à tel point qu’il part s’installer quelques mois en 2019 chez Nelly Moriquand, scénariste de bandes dessinées reconnue. Elle vient de perdre son mari et propose qu’un artiste vienne en résidence chez elle pendant l’hiver pour lui tenir compagnie. « J’ai écrit énormément de chansons avec cette dame, nous avons d’ailleurs un album en préparation. J’avais tellement envie de les sortir, mais avec tout ce que j’avais vécu, il fallait d’abord que je sorte Brille en premier. Cependant, je n’avais plus du tout envie de démarcher à Paris. La rencontre avec le label Single Bel a été très simple, c’est un petit label indépendant de Haute-Savoie, qui travaille un peu à l’ancienne, c’est sûr qu’on n’est pas chez Universal, mais moi cela me va très bien. »

 

Prohom, son entrevue sur Longueur d'Ondes

Brille marque donc une rupture dans sa discographie. En premier lieu, une rupture de ton où l’artiste installe pour la première fois un véritable espace de dialogue, à défaut de déverser rage, frustrations et mal-être. Sa musique n’a jamais semblé aussi apaisée. « Il y avait vraiment l’idée d’un album héritage. Ma fille a 21 ans. Tous mes anciens albums étaient basés sur mes tourments personnels. Mais pour celui-ci, j’avais besoin de me concentrer sur l’essentiel, de savoir ce que j’avais envie de transmettre. C’est sûr que c’est toujours un album personnel, mais il raconte comment je me situe dans ce monde. Je veux dire aux gens : brillez du mieux que vous pouvez, regardez autour de vous, sortez de vos ordinateurs, regardez la vraie vie telle qu’elle est. C’est facile d’être dans le sombre et l’introspection, mais c’est plus difficile d’aller vers la lumière. »

Prohom a toujours voulu que sa musique parle aussi bien à l’esprit qu’au corps, en particulier dans les concerts. Mais son dernier LP révèle une dimension dansante inédite. Induite par une contrainte créative minimaliste, il souligne ainsi l’attirance qu’il a toujours eu pour la culture club : « J’ai toujours adoré ce son, sans le maîtriser du tout. Quand j’ai composé cet album, je me suis imposé de n’utiliser qu’un ordinateur, ma voix, pas d’instruments. (NdlR mais aussi un peu de guitare et de trompette selon ses propres aveux) J’avais quand même besoin d’énergie : sans guitare, sans batterie, je me suis tourné vers le son club. » Dans son disque, si la danse est ainsi présente par le son, elle l’est aussi directement dans son propos. « Au-delà de la musique, dans le texte de “Tu peux même danser”, je défends l’idée du lâcher prise. Cela rejoint d’ailleurs ma marche vers Compostelle. Avec des titres comme “Facile”, j’appelle à faire la paix avec son propre corps. Finalement, le pire ennemi du corps, c’est souvent soi-même. »

Prohom, son album Brille sur Longueur d'Ondes

Un morceau symbolise, plus que tout autre, cette ouverture au monde nouvelle, ce besoin de transmission, cette nécessité de s’adresser à sa fille : “Brille pour toi”, où l’homme se met véritablement à nu avec une sincérité touchante. « Mais qu’est-ce qu’on va laisser à ces gamins ? Dans ce titre, le deuxième couplet, je n’ai jamais réussi à l’écouter sans pleurer. Ça me renvoie à une espèce d’urgence et à un amour inconditionnel pour ma fille. Ça me tient à cœur plus que tout. C’est la pierre angulaire de l’album. »

S’il est reconnu depuis ses débuts pour la puissance émotionnelle de son écriture, elle est peut-être encore aujourd’hui l’objet d’un malentendu, qui l’associerait à tort à un exercice littéraire purement intellectuel. « La plupart de mes textes viennent d’une urgence. Quelle émotion me suggère cette musique ? Comment les mots chantent-ils ? Qu’est-ce que ça fait à mes cellules quand ils sortent de mon corps ? Et une fois qu’il y a une première phrase, j’ai ouvert le robinet, c’est parti. En particulier sur cet album, je ne me suis mis aucune pression sur l’écriture. Je me refuse d’écrire quand c’est pas là. »

De fait, Philippe Prohom ne semble jamais avoir été aussi épanoui, lui qui s’est emparé il y a plus de vingt ans de la musique pour s’émanciper de sa propre condition et échapper au déterminisme de la société française. Son chemin le mène aujourd’hui vers une nouvelle liberté, où il assume plus que jamais ses propres contradictions et son parcours. « Je suis un enfant de la pop, c’est paradoxal avec ce que je fais. Je ne suis pas un enfant de Brel et Brassens, plutôt des Beatles et de la variété anglo-saxonne… sauf que j’écris en français. Mon kiff absolu en composant des chansons, c’est de mélanger des sons. Je suis un instinctif pur, je n’ai jamais été musicien. »

Entretien : Laurent THORE

Photos : Anne RIVIÈRE

>>Site

 

 

 

 

ARTICLES SIMILAIRES