Le 4 septembre 2020, La Maroquinerie, Paris
Reportée, décalée en raison de la fameuse Covid-19 qu’on ne présente malheureusement plus, la finale du Grand Zebrock a vécu de nombreuses incertitudes alors que 6 lauréats restaient en lice pour obtenir le prix du Grand Zebrock 2020. Quel soulagement donc de finalement retrouver le 4 septembre cette soirée événement à la Maroquinerie de Paris. Évènement, le mot est faible puisque si chaque soirée du Zebrock est l’occasion de découvrir des talents issus de tous les registres de la musique moderne, ce soir-là est particulier. Il est également synonyme de la réouverture de la salle parisienne, l’un des premiers concerts en intérieur ayant lieu depuis le début de cette crise sans précédent. Au-delà de défendre des jeunes talents qui le méritent amplement, cette soirée confère presque à l’acte militant, la preuve qu’il est possible de retourner en salle en suivant les nombreuses contraintes sanitaires.
Nombreuses c’est bien le mot alors que, parmi les postulats figurait la réduction d’une jauge à 76 spectateurs au lieu des 500 personnes pouvant habituellement être accueillis dans la salle. L’espoir est le mot d’ordre mais aussi la prudence, la responsabilité de prouver que c’est encore possible, qu’il faut agir, se retrouver, faire vivre la musique et le spectacle vivant sans fausse note. En pratique les festivités se lancent à 17 heures avec le concert de Josèphe. Dans la petite et chaleureuse salle parisienne il est interdit de boire, des tables ont été installées comme dans un cabaret. Personne ne danse, les spectateurs sont masqués, bienveillants mais avec une furieuse envie, un besoin de pouvoir reprendre la vie normalement, la vie tout court dirait-on. Qu’à cela ne tienne, le plaisir de revivre un live est trop important pour être boudé. Et la tornade Josèphe ne peut contredire ce ressenti. La brune s’évertue à dévoiler son rock à la française sans concession, offre une performance rudement menée, interagit régulièrement avec l’audience, remercie et raconte son plaisir à retrouver le live. Son corps entier vie la musique au cours d’une performance déchaînée, construite, généreuse et sincère. Lorsqu’elle sort de scène 40 minutes plus tard, la température est montée d’un cran.
Josèphe
À l’étage, malgré la cour qui pourrait laisser plus de libertés, la prudence reste de rigueur, il est possible de s’asseoir mais les places sont limitées, les fumeurs sont invités à sortir de la salle, à ne pas se regrouper. Malgré tout, les 20 minutes de pause entre chaque live servent à faire le point, l’enthousiasme y est de mise, Josèphe a su séduire. L’incroyable Cassidy Sacré et ses musiciens sont les suivants. Malgré un nom qui évoque le hip-hop, le chanteur propose une folk aux accents blues et rock à la sauce américaine. Le combo offre un show puissant et vibrant qui sent bon le sud américain. L’envie de danser se fait sentir dans l’assistance qui tape des pieds et des mains… sans gestes trop brusques. La voix du chanteur rauque et puissante est indéniablement sublime. Rien ne peut arrêter cette tornade, pas même un souci de corde cassée, très bien maîtrisé et qui permet de s’offrir une jolie session a capella. Bonne humeur et professionnalisme sont les mots d’ordre de cet instant.
Cassidy Sacré
Une pause plus tard et voilà la douce Louise Pressager qui débarque sur scène. Arborant une robe arc-en-ciel, la jeune fille sait se créer un univers à part. Entre enfance et désillusion, entre souffrances adultes et critiques de la société le tout est servi avec une douceur sucrée. La musicienne propose pour habiller ses compositions quelques dessins dévoilés sur grand écran. Le moment est interactif, bienveillant. Si l’équipe du Zebrock n’a de cesse de vanter son assiduité et les beaux progrès faits en leur compagnie, lui reste néanmoins à travailler le chant pour s’assurer une plus grande justesse qui habillera sa chanson française à texte.
Louise Pressager
Après 40 minutes, la reprise est rock et précise. C’est au tour de The Darwin Experience de débarquer. Les jeunes musiciens, âgés d’une vingtaine d’années ont pourtant tout de professionnels. Leur rock et instruments sont calibrés au millimètre. On leur prête volontiers le talent des Arctic Monkeys alors que leur guitares s’habillent de sonorités anglaises. Très rodés, les musiciens semblent bien plus matures que leur âge. Néanmoins et malgré une scénographie soignée, les interactions manquent à ce show qui ne laisse pas assez de place à son public.
The Darwin Experience
La suite est sublime puisque l’incroyable Laura Clauzel transforme la Maroquinerie en cabaret à l’aide de sa voix époustouflante. Impossible pour qui que ce soit dans l’assistance de détourner les yeux de la scène. Même Alysce, gagnante du grand Zebrock 2019 ne perd pas une miette de ce show, extatique sur sa chaise. Il faut dire que la chanteuse convoque les plus grandes figures féminines à travers ses compositions parfaites de note en note : on pense à Nina Simone, à Amy Winehouse. Le temps s’arrête alors que la musicienne offre avec puissance ses hymnes vibrants, ses contes et sa douceur.
Laura Clauzel
Il ne reste plus qu’un groupe alors que la fin de soirée approche doucement : les rockeurs de Volutes. Profondément rock français, aidés de guitares déchaînées, les musiciens engagés pourraient être les rejetons de No One is Innocent. Le groupe en profite pour parler de la crise sanitaire actuelle et ses griefs contre la gestion du gouvernement. Ils reprennent en musique le texte d’un soignant en souffrance, les phrases les plus controversées de tous les politiciens actuels. Vomissant presque ses paroles, le chanteurs ne cache pas son émotion. Un style qui ne met pas tout le monde d’accord, étant par ailleurs moins moderne que le reste de la programmation, mais qui a le mérite d’être entier et de porter haut et fort son propos.
Volutes
C’est finalement Cassidy Sacré qui remporte cette drôle d’année le prix Sacem du Grand Zebrock. Les autres ne seront pas oubliés pour autant, tous continueront d’être suivis par le Zebrock et The Darwin Experience, Volutes et Laura Clauzel repartent eux aussi avec un prix. Plus que jamais, il faut se serrer les coudes et défendre nos talentueux jeunes artistes. La preuve en a été faite, le live peut reprendre en intérieur, reste à espérer que ce message sera réellement entendu.
JULIA ESCUDERO
Photos : MARYLÈNE EYTIER
