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LÉONIE PERNET- DEENA ABDELWAHED

Léonie Pernet

Les 25 et 31 janvier 2019, Gaîté Lyrique (Paris)

À une semaine d’intervalle, deux des étoiles montantes de la constellation InFiné ont brillé de mille feux dans une Gaîté Lyrique où l’humain est revenu au centre des attentions.

Tout avait commencé en préambule du concert de Léonie Pernet, avec un clip intitulé “Devil”, porteur d’un message anachronique subliminal. Une plongée de 10 minutes dans la répression étatique américaine contre la population noire, une parabole de l’Etat policier comme vécue ici aujourd’hui dans la Gaule irréductible. On entendra d’ailleurs dans la salle des cris de ralliement à la liberté, de soutien aux gilets jaunes, et in fine, contre les violences policières, LBD dans la ligne de mire.

 

 

Le concert commence, intense d’emblée, Léonie s’expose au piano, sensible et dévouée à relâcher l’expérience d’un disque qui, on le sait, fut ô combien cathartique pour cette dernière. D’une matière mêlant la lumière aux ténèbres, son titre le plus dark “African Melancholia” jaillit après une ouverture tout en retenue. Une claque de 5 minutes à laquelle fera suite un show ne cessant d’entrouvrir les failles d’une âme en peine, mais en voie de guérison. Souvent au bord des larmes, Léonie se rappela quelle chance lui était offerte d’expier en ce soir bien des maux, au travers de ses compositions à la parade d’une pop polymorphe et floutant bien des repères auditifs.

 

Léonie Pernet

 

Invitant une chorale sur le morceau central de cette soirée “Butterfly” puis des danseurs pour une seconde version en clôture, la cohérence artistique développée durant cette performance est à souligner. Léonie Pernet est sans doute l’une des figures les plus intrigantes de la scène francophone actuelle. Le genre d’iconoclaste capable d’exploser bien des codes en vigueur tout en faisant converger un large panel de sensibilités à sa musique. A elle dorénavant de laisser la joie déborder de larmes en lieu et place d’un chagrin qui parfois peut s’avérer pesant du fait de ses relents pathétiques. Le lyrisme évoqué en cette soirée ne peut être toutefois que salué, la voix de Léonie révèle encore bien des secrets…

 

 

Sept jours plus tard, Deena Abdelwahed s’apprêtait à mettre une sacrée claque à son audimat, forte d’une scénographie bluffante par ses lumières à la géométrie structuraliste, l’épure coule dans les veines de ce sang froid au tempérament abrasif. Mélange de techno minimaliste et de rythmiques orientales au temps longs, le beat se fait en l’occurrence transversal, entrecoupant le développement d’une musique baignée dans une matière noire non feinte. Une secousse si bien physique que spirituelle dont les vibrations appellent au soulèvement des corps contre toute forme d’oppression. Une libération en soi que la piste nébuleuse “Fdhiha” aura ainsi exprimée au plus haut degré, le disque Khonnar rappelant ainsi par instants à la brillante bande originale du film Fight Club des ectoplasmiques Dust Brothers. Entre folie et raison, les sens finissent par s’affoler, et les mirages sonores apparaissent, telles les chimères d’un héritage lointain.

 

Deena Abdelwahed

 

Un goût de désert s’immisça alors en bouche, le gosier asséché et assoiffé, mais le cœur réchauffé par tant de générosité rythmique. Tous et toutes furent frustrés que l’expérience ne fut pas plus longue que les 50 minutes développées. Elle-même avait terriblement envie de prolonger cette soirée durant un rappel que des applaudissements au long court n’auront pas réussi à provoquer.

 

 

À certaines salles parisiennes de prendre leurs responsabilités en ce sens afin d’exploser le carcan frustrant d’un set millimétré par des mesures inintelligibles pour un public azimuté par tant d’adrénaline. En guise de lot de consolation, on se dira que la Franco-tunisienne apparait sur de nombreux line up des prochains festoches estivaux aux tendances électro, Nuits Sonores, Weather Festival et Villette Sonique en autres. Les beaux jours sont devant nous…

 

JULIEN NAÏT-BOUDA
Photos Léonie Pernet : CHRISTOPHE CRENEL
Photos Deena Abdelwahed : FLORENCE SORTELLE

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