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FRERE ANIMAL

FRERE ANIMAL : Florent Marchet et Arnaud Cathrine en entrevue sur Longueur d'Ondes ©Marylène Eytier

Contre la Bête immonde

Retour à Comblet pour Florent Marchet et Arnaud Cathrine. Après avoir brossé un tableau à l’acide du monde du travail, ils explorent dans leur nouveau roman musical Frère Animal, second tour, le ressentiment national et la montée des extrêmes. L’action débute le 2 juillet 2016 à quelques mois d’une élection présidentielle. Tout un programme.

On fait Nuit Debout comme on crée un spectacle : pour se tenir chaud, pour se tenir droit !

  • Comment en êtes-vous venus à écrire sur la montée du Front National ?

Florent Marchet : Dès la fin de la tournée de Frère Animal, nous savions que nous voulions poursuivre l’aventure avec un second volet. Mais il fallait trouver le bon angle. Nous avions travaillé sur le monde de l’entreprise. Il nous fallait donc une autre thématique. Nous avons eu l’idée, il y a trois ans, suite aux déferlements autour du Mariage pour tous, d’écrire non pas sur la montée du Front National mais sur celle des populismes et des extrêmes droites. Parce que ça ne concerne pas que la France – en Autriche, on vient tout juste d’échapper à l’élection du premier chef d’État d’extrême droite au suffrage universel depuis la Seconde Guerre mondiale.

  • Est-ce un geste militant ?

FM : On ne cherche à convaincre personne. On veut juste faire réfléchir et, surtout, faire entendre des voix, des cheminements qui n’ont pas toujours la parole. Je parle de ceux qui pensent que l’on a tout essayé, qui se sentent délaissés par le politique, de ceux à qui on ne prête plus aucune attention. C’est sur ce terreau-là que fleurit l’extrême droite. L’histoire de Thibaut et du Bloc National est en cela exemplaire : il s’agit de la substitution d’une famille à une autre à cause du ressentiment et de l’isolement.

  • Ce second tour met aussi en scène une agression homophobe, celle de Renaud, le frère de Thibaut. Pourquoi ?

Arnaud Cathrine : Mais parce que depuis le débat sur le mariage pour tous, les agressions homophobes ont explosé…

FM : Et parce que l’homosexualité, c’est une obsession de l’extrême droite ! C’est même de la démence ou de la pathologie : de nombreux homosexuels sont à des postes-clés au FN. On se demande bien comment ça marche, comment la machine partisane comme les individus gèrent ce paradoxe : avoir nommé ou élu des homosexuels à des postes à responsabilités et développer des propositions loin d’être progressistes sur les droits des personnes LGBT.

AC : On aborde aussi l’islamophobie manifeste de l’extrême droite et son antisémitisme résiduel. Mais il est vrai que l’on se demande bien comment au XXIème siècle, de très nombreux homosexuels peuvent rejoindre les rangs de l’extrême droite et puissent adhérer à des mouvements qui prêchent la haine de soi. Ça me dépasse totalement. Cette homophobie est aussi un très bon révélateur de l’imposture du FN : on ne peut pas prétendre être un parti républicain et humaniste et avoir en son sein des militants aussi haineux et réactionnaires.

  • Ce paradoxe révèle peut-être aussi l’indigence, le vide du projet du Front National ?

AC : Oui, parce qu’au final, ce parti est très fragmenté, très divisé. Il fait très souvent le grand écart idéologique. Ce n’est qu’une construction électoraliste, une alliance de circonstances. Il n’est uni que par sa soif de conquête, par son envie d’être qualifié au second tour.

FM : Ce qui est le plus choquant, c’est que l’on ait entériné l’hypothèse d’une qualification au second tour de l’élection présidentielle de 2017. Comme si c’était joué d’avance. Et on entend une petite musique qui ne me plaît pas, y compris dans nos milieux : « Mais non, il ne passera jamais. Il suffira de voter pour Juppé. Ça fera du 80 / 20 comme en 2002 ! » D’abord, cette résignation est assez déprimante. Et, surtout, les gens se trompent. Les choses ont changé en quinze ans. La montée de la haine et de l’intolérance est palpable. Cet aveuglement, y compris dans le monde de la culture, m’inquiète.

  • Compte tenu du sujet et du futur contexte électoral, est-ce qu’il a été difficile de convaincre votre label ?

AC : Aucune frilosité. PIAS a accueilli le projet avec beaucoup d’enthousiasme. 25 dates, dont quatre à la Philharmonie de Paris, sont d’ores et déjà calées…

FM : …Et on est assez surpris. On se demandait si nous allions pouvoir monter un nouveau roman musical, sur ce sujet qui plus est. On s’était sans doute fait une montagne de tout ça.

AC : En même temps, nous sommes en accord avec les questions du moment, avec notre époque. Il suffit d’écouter le titre d’ouverture “Vis ma vie”. Ce sont les mêmes questions que l’on retrouve Place de la République, avec Nuit Debout : Quels sont les moyens de la révolte ? Comment, malgré ce libéralisme économique et cette envie étrange d’autorité, créer les conditions du sursaut, du réveil ? Quels sont les porte-voix, les interprètes ? Comment les faire entendre, les rendre audibles ? Nous nous sommes posés exactement les mêmes questions.

FM : Après tout, on fait Nuit Debout comme on crée un spectacle : pour se tenir chaud, pour se tenir droit, pour se dire « Viens, t’es pas seul ! Ensemble, on peut vivre quelque chose de différent ! »

 

Le site de Frère Animal

Frère Animal, second tour / Pias
Sortie le 21 octobre 2016
Avec Florent Marchet, Arnaud Cathrine, Valérie Leulliot, Nicolas Martel, François Morel et Bernard Lavilliers.

 

Texte : SYLVAIN DEPEE
Photo : MARYLENE EYTIER

 

 

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