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Le Réveil des Tropiques

Le Réveil des Tropiques

Pour qui sonne le glas

En ces temps de jouissance tiède et de molles espérances, alors que le redressement productif se fait désirer, il est un groupe qui pratique des séances d’improvisation hallucinée. Ces cinq adeptes des paradis artificiels en guise de carburant spirituel ont ainsi joui 48 heures d’affilée par la grâce de leurs seuls instruments dans un studio lieu de déperdition ultime nommé… La Barette. Leur double album, comme le mythique « Ummagumma » des Pink Floyd, enrôle ses adeptes imprudents dans une quête effrénée de l’empire des sens, tous interdits, cela va de soit. À la fois puissant et très musical, ses morceaux s’étirent sur de long plages baignées d’un soleil au bord de l’implosion. On parlera de noise psychédélique… Comme la fusion amalgame toutes les particules, les réponses sont collectives et baignent dans une lumière stroboscopique. À lire en écoutant très très fort le disque vinyle ou au pire le son sur le net

Comment a sonné Le Réveil des Tropiques ?

Comme une révélation lors de notre première jam et dernière répétition. C’est parti d’une proposition de Frédéric et Adrien qui se sont rencontrés lors des soirées à la Société de Curiosités, une sorte de club virtuel privé arty à Paris où d’autres de nos projets étaient diffusés (eddie135 et FareWell Poetry en l’occurrence). Adrien voulait monter un groupe de rock à l’ancienne, comme écrin pour de longs soli de guitare psychédélique. Il a proposé à Arnaud (avec qui il joue dans Testa Rossa) et Matthieu (son binôme dans eddie135) de se joindre au projet, tandis que Fred a invité Stéphane (Ulan Bator, Objet) à prendre la basse.

D’où vous est-venu l’idée de vous isoler pour enregistrer ? Était-ce pour souder un collectif forgé depuis peu ou bien par défi ?

Nous ne nous connaissions pas, en tout cas pas tous les cinq en tant qu’entité. Nous nous sommes retrouvés pour une séance d’impro dans un studio de répétition, une rencontre faite certes d’envies, mais sans expectatives. Il n’était pas vraiment question de monter un groupe. Mais il s’est trouvé que la sauce a pris, donc nous avons eu envie de l’immortaliser sur support. Par ailleurs le hasard a fait que nous avons reçu ici et là des propositions de concerts qui convenaient parfaitement à cette nouvelle formation. L’idée de faire un disque ensemble prenait donc pas mal de sens en plus d’être quelque-chose qui nous tenait à cœur. Nous avons des amis qui vivent sur une fermette en Normandie, en semi-autarcie. Ils font pousser leurs légumes, organisent des concerts, font de la photo, de la sérigraphie, mais surtout possèdent une console et une belle collection de microphones… Nous nous sommes donc offert de petites vacances dans un environnement très créatif, loin de la foule et du bruit. Nous avons communié avec la nature et avec nous-mêmes.

Comment se sont passés ces 2 jours, quels carburant licites ou pas avez-vous employés ? Était-ce 48 h non stop, ou bien aussi entrecoupé de moments savoureux, de réjouissances culinaires avec du bon vin ?

Le studio était libre, une fois installés nous avions la possibilité de jouer quand nous voulions, du petit matin jusqu’au milieu de la nuit, en nous octroyant des moments de pure défonce.

La sortie d’un disque – et donc la réussite de votre séjour ! – était-elle programmée ?

Pas du tout ! On s’est donné carte blanche, nous ne savions pas si nous aurions le matériel nécessaire pour faire ce foutu plagiat d’ « Ummagumma ! » Au final nous avons eu 8 heures de rush. Mais oui, au fond de nos têtes nous comptions bien y arriver. De toutes façons, la science l’atteste, il suffit de croire en sa bonne étoile.

Est-ce que les morceaux découlent d’un même procédé ?

Oui, l’improvisation. Nous avons été influencés par les méthodes de production de Teo Macero et l’idée d’une fin du monde proche. Faire tout ce qui nous passait par la tête au cas où, la minute d’après, il serait trop tard. Jouer et enregistrer à différents moments de la journée, dans différents états d’esprit. Faire le vide et se concentrer sur le moment présent. Laisser notre créativité circuler le plus librement possible et garder les jugements et la rationalité pour plus tard.

Vous avez choisi de presser un double album renforce la force d’un disque concept, l’impression d’une masse compacte ? Ou bien tout simplement parce que la matière était trop dense ?

Tel que la nature l’a voulu ! Parce que nos morceaux sont longs, ils prennent leur temps. Nous avons même eu du mal à tout faire rentrer sur ces quatre faces. Ce disque a été conçu pour exister sur support mécanique. Ainsi les contraintes du format vinyle sont à la base de la tracklist, et même des choix effectués dans la composition et le mixage (par exemple plus il y a de basses, plus le sillon est large ce qui limite le temps disponible sur une face).

Votre pseudo découle d’une vision de votre musique haute en couleurs et énergique, un clin d’œil aux expérimentations psychédéliques des années 60, comme le double « Ummagumma » des Pink Floyd ?

Non pas du tout, c’est un choix politique !

S’il existe des moments de décharge violente comme « Sigirîya » sur le disque 2,vous semblez toujours maintenir le cap, pas de perdition sur votre route des Tropiques.

La noise et les musiques expérimentales font certes partie de nos influences communes, mais nous aimons aussi la pop-musique et le cinéma d’avant garde par exemple. Des cours de guitare avec un élève de Robert Fripp. ça assure. N’importe qui peut faire du bruit. Nous faisons de la musique.

Ainsi «Homs» ou« Anthemusa » aux tempos apaisés traduisent une vision multiple dans vos improvisations, l’envie de jouer sur plusieurs registres ?

En effet, une session d’improvisation est faite de moments éreintants et d’autres reposants. On retrouve sur le disque ces temps d’accalmie.

« Le Réveil des Tropiques » (Music Fear Satan)
Vincent Michaud
Photo Roch Armando

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