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Avec pas d’casque

Avec pas d’casque

Le fil tendu de l’imagination

Il y a des mini-albums dont le chiffre de chansons est magique. Avec pas d’casque vient de sortir le EP « Dommage que tu sois pris » composé de sept pièces aux allures country, simple dans sa musique et beau dans ses paroles. Un an après la sortie d’« Astronomie », Stéphane Lafleur, auteur-compositeur québécois du groupe indie-folk-country poétique, parle sans détour et avec entrain de processus créatif. L’occasion d’en savoir un peu plus sur ce qui se cache derrière les mots d’Avec pas d’casque.

Une manière de boucler la boucle

« Si le groupe ne s’est pas reposé sur ses lauriers en sortant ce mini-album, toutes les chansons qui le composent étaient pourtant bien vivantes au moment de la sortie d’« Astronomie ». « On avait à peu près 17 à 18 chansons pour l’album, on a donc été obligé d’en écarter parce qu’elles ne cadraient pas avec le projet. « Dommage que tu sois pris » est donc un complément, une sorte de remerciement, une manière aussi de boucler la boucle et de pouvoir repartir à neuf pour le prochain album » explique Stéphane Lafleur. Ce mini-album a été réalisé par Éric Villeneuve (Bernard Adamus), une première pour le groupe qui d’habitude fait tout par lui-même. « Je l’ai rencontré il y a trois ans au festival de Tadoussac, il était là avec Bernard Adamus, puis tout de suite on s’est lié d’amitié. Quand on faisait « Astronomie », je le voyais souvent, on discutait d’enregistrement. Finalement, on s’est ramassé chez lui dans son mini studio : c’est lui qui chauffait les machines et nous autres on jouait. » Ce qui donne donc cette impression live, quelque chose de plus brut et moins léché auquel le style country lancinant à trois accords se prête très bien.


Avec pas d’casque || La journée qui s’en vient est flambant neuve

Bricoler quelque chose avec l’imaginaire 

La « patte » de Stéphane Lafleur est facilement identifiable par ses expressions bien choisies qui font qu’aujourd’hui, on ne peut passer à côté d’Avec pas d’casque sans parler de sa poésie et de ses paroles. « J’ai plein de cahiers avec plein de phrases, plein de notes, et à un moment donné je me retrouve avec une phrase comme « la journée qui s’en vient est flambant neuve ». Je pense que c’est une phrase intéressante comme point de départ. À force de gratter, de faire plein d’affaires, je trouve la forme musicale qui sera la bonne, et après ça je me mets à composer autour. C’est un peu chaotique comme cheminement. Ça n’arrive jamais que j’aie un texte au complet et que j’essaie de faire de la musique dessus. Généralement les deux se passent en même temps. » Ce qui caractérise les textes de Lafleur, c’est qu’ils sont généralement cryptiques ; il avoue lui-même : « Les interprétations me font sourire parfois, parce que moi je sais quel était le moteur de la chanson puis finalement, ça n’a rien à voir, les gens en ont fait autre chose et c’est parfait. C’est une ligne qui est fragile, quand tu écris une chanson, tu peux passer à côté s’il n’y a rien pour te rattacher. Le but est de trouver la ligne très mince où il y a assez d’information pour que les gens puissent bricoler quelque chose avec leur imaginaire. C’est comme si je donnais des outils et puis après ça, faites ce que vous voulez avec ! ». Quitte à déformer un peu l’orthographe : « A un moment donné, j’ai écrit : « un carré d’asphalte fraiche », mais je me suis aperçu en relisant mon texte que « asphalte » était un nom masculin ! C’était une faute de français, sauf que ça ne marchait plus avec la chanson. Alors je l’ai gardé quand même ! ».

Des chansons comme des films
Avec pas d’casque
Dans les chansons d’Avec pas d’casque, on est dans le bombardement d’images, pas étonnant pour un homme dont le parcours se tisse entre cinéma et musique. Réalisateur de « Continental » et « En terrain connus », monteur de plusieurs films dont « Monsieur Lazhar » (nominé au Oscar en 2012), Stéphane Lafleur semble osciller dans les deux arts en s’inspirant des techniques de l’un pour nourrir l’autre : « J’écris beaucoup par collage. Il y a des gens qui écrivent des chansons qui sont des histoires, moi je ne suis pas trop là-dedans. En fait c’est comme si mes chansons, étaient les films que je ne me permets pas de faire. Quand tu fais de montage, tu es assis toute la journée devant un écran, tu arrives chez toi vidé. Tu prends tellement de décisions, tu essaies tellement de créer des liens, même s’il y a un scénario, on ne le suit jamais. Puis le sens change selon les images c’est pareil dans l’écriture. Dès fois je le sais qu’une phrase après l’autre ça n’a pas de sens, mais s’il y en a un qui le voit, alors c’est bon. Les gens n’accrochent pas aux mêmes affaires. Puis les meilleurs disques sont ceux que tu peux réécouter toute ta vie, et qui prennent des sens différents quand tu vieillis. »

Que peut-on souhaiter de plus au groupe sinon qu’il continue à créer cette part d’imaginaire qui n’appartient qu’à nous mais qui nous rassemble universellement derrière leurs chansons. « Je me trouve chanceux de pouvoir faire ce que je fais, d’autant plus chanceux qu’il y a des gens qui écoutent ce que l’on fait. Quand tu vas à un show puis qu’il y a du monde, c’est incroyable. Jouer devant 100 personnes dans une salle de 1000 ça peut être triste, mais jouer devant 100 personnes dans une salle de 100, c’est extraordinaire. Y’a tellement de groupe, que le fait qu’il y ait du monde qui nous écoute, qui nous écrit pour nous dire qu’ils aiment notre musique, qu’est-ce que tu veux de plus. Si ça peut continuer comme ça, je serais content ».

Yolaine Maudet
Photos : LePetitRusse
« Dommage que tu sois pris »
(Grosse boite)
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