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RODOLPHE BURGER


joue RADIOACTIVITY de KRAFTWERK

26 juin 2021 – Salle des fêtes du Grand Parc, Bordeaux

Pour clôturer la première édition du Festival Discotake les organisateurs avaient donné, comme cela en est désormais la – courte – tradition, carte blanche à un artiste pour reprendre un album de son choix, hors de son propre répertoire.

Rodolphe Burger, invité de prestige cette année, avait jeté son dévolu sur le mythique album des Kraftwerk, Radioactivity. Choix peu surprenant lorsque l’on sait que l’ex-leader de Kat Onoma a déjà à plusieurs reprises gravé sur microsillon le titre éponyme, dont on peut également d’ailleurs trouver des enregistrements live récents comme celui capté au 104 en juillet dernier.

ENTREVUE

Rodolphe, d’où vient ton attirance vers l’électro et plus spécialement Kraftwerk ?

« Pour moi, Kraftwerk c’était un groupe de rock aussi. C’était des mecs sans guitare, mais il y avait tout. Ce qui m’intéresse c’est de montrer que sous couvert d’attitudes froides, impassibles, il y a quelque chose de romantique, d’un lyrisme incroyable. C’est très chaud et même temps très mélancolique. Les sons qu’ils ont choisis ne sont pas des sons froids. Il y a une sensualité dans leur musique. »

Le disque est sorti en 1975, comment recréer les sons de l’époque avec le matériel actuel ?

« Julien Perraudeau sait exactement quels sons utiliser ; nous sommes partis de ça. Kraftwerk, je les vus plusieurs fois sur scène et parfois ils se sont perdus. On sent qu’ils ont eu l’impression d’être dépassés par la technologie et ont essayé de se rattraper, ce qui n’était pas la bonne idée. Maintenant ils sont revenus, même si malheureusement depuis Florian [Schneider] est disparu. Ainsi, la dernière fois que je les ai vus à la Philarmonie, ils avaient trouvé la manière d’updater leurs vieux sons. »

LE CONCERT

Vers 22 heures, après les différentes performances proposées par le festival – voir ci-dessous – et un peu de retard sur la programmation, les lumières se rallument sur une scène épurée préparée pour le set de Rodolphe Burger, accompagné de Julien Perraudeau, le fidèle complice, aux synthés. En plus des claviers, le musicien a prévu comme à son habitude une guitare qui viendra appuyer les sons électroniques et amener la touche rock, apportant la chaleur supplémentaire ex machina qui rend son interprétation si personnelle et quelque part charnelle.

Devant une salle pleine et assise, les deux musiciens égrènent les titres de l’album des Allemands avec précision et un constant respect de restituer au mieux l’atmosphère du disque dont on sait aujourd’hui combien il a été important pour des centaines et des milliers de productions qui ont suivi depuis, dans le monde de l’électro mais également pour les groupes de trip-hop, synth-wave et bien d’autres. Certains voient même dans Radioactivity, par son coté froid et nostalgique, un disque fondateur pour ce que sera la new-wave plus tard.

Contrairement à ce qu’avaient fait Sarah Murcia (que l’on retrouve sur la discographie de Rodolphe Burger) et Fanny de Chaillé plus tôt dans la journée avec un spectacle fort drôle et réussi dédié à l’album Transformer de Lou Reed, Rodolphe Burger ne suit pas l’ordre des titres sur le disque pour garder pour la fin le morceau de choix. C’est à ce moment que les compteurs Geiger s’affolent réellement et que la fission musicale se produit, lorsque les 2 musiciens offrent une version de près de 15 minutes (peut-être plus ?) du morceau-titre “Radioactivity”, porté par une longue improvisation habitée, durant laquelle la Gibson SG chère au musicien envoie protons et neutrons sonores et distordus, chargés d’énergie aux quatre coins de la salle.

Le public en ressort quelque peu groggy, à peine le temps de réaliser que le temps a passé et que l’album a été joué. Rodolphe et Julien, visiblement émus, reviennent alors pour quelques minutes sur fond musical de “Nuclear war” par Sun Ra sur lequel – fait rarissime – on pourra voir l’Alsacien esquisser quelques pas de danse. Il n’a faudra pas plus pour rendre tout le monde encore plus heureux, au premier rang desquels les organisateurs de ce déjà très attachant festival.

Radioactivity de Kraftwerk

Le cinquième album du groupe Kraftwerk (Ralf Hütter, Florien Schneider, Karl Bartos, Wolfgang Flür) est sorti en octobre 1975 en deux versions, une en allemand, l’autre pour le marché international, en anglais. Alors que sur le précédent album, Autobahn, les musiciens utilisaient encore des instruments à vent et à cordes comme la guitare et le piano, Radioactivity est le premier disque purement électronique. Une version de la chanson-titre a été ré-enregistrée en 1991. Elle fait alors allusion aux catastrophes nucléaires comme celle de Tchernobyl et Hiroshima, prenant un ton plus chanson écolo et militant. Ralph Hütter en profitera alors pour changer les paroles et rajouter un « stop radioactivity » sans équivoque avant le refrain.

Festival Discotake

Après une édition zéro en mai 2019, la compagnie Ouvre le Chien  proposait cette année une édition #1 du Festival Discotake à Bordeaux, événement dont l’axe moteur est le répertoire de la musique populaire des années 50 à aujourd’hui. Ainsi, pendant trois jours, du 24 au 26 juin, se sont succédées performances d’artistes émergents dans différents domaines de la culture, de la poésie au cinéma en passant par la musique, vecteur central d’échanges, avec comme souci constant la mise en avant du territoire et de ses habitants, thème auquel les organisateurs sont particulièrement attachés. Renaud Cojo, directeur artistique du projet, souhaite désormais faire de ce festival un rendez-vous biennal, aussi la prochaine édition devrait-elle avoir lieu en 2023.

>>Le site de Rodolphe Burger

>>Le site du Festival Discotake

Texte et photos : Xavier-Antoine Martin

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