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Buzy & Nilda Fernandez


Ex-fans des Eighties

S’ils ont un parcours marginal un peu similaire, ils ont des tempéraments tout à fait opposés…Tandis que Buzy savoure ses voyages immobiles, Nilda fait le tour du monde, guitare au dos. A leur manière, ils se nourrissent de rencontres et se définissent comme des “artistes, pour la vie”.


Tout le monde se souvient de Buzy comme l’icône rock des années 80 avec de gros succès comme “Adrian” ou “Body physical”. Avec son nouvel album, “Au bon moment, au bon endroit”, elle se rapprocherait davantage de PJ Harvey ou encore de l’univers de Bashung. Quant à Nilda Fernandez, bête de scène incontestée qui a marqué les cœurs sensibles de ses chansons franco-hispaniques (“Nos fiançailles”, “Madrid, Madrid”), il vient de sortir un magnifique album vagabond, teinté d’ambiances et de sonorités internationales comme le suggère son titre, “Ti amo”. Nous avons organisé une rencontre entre ces deux rescapés du Top 50…

Qu’est-ce qui a motivé le choix de ce métier ?

Buzy : Moi, c’est un pur hasard, j’ai fait partie d’une comédie musicale qui s’appelle le “Rocky horror picture show”, on me demandait de faire des claquettes… et le metteur en scène m’a dit “C’est génial, mais tu vas chanter aussi !”, et j’ai fait une première chanson, on l’a présentée à des maisons de disques pour se marrer, et ça a marché… C’était l’époque qui voulait ça !

Nilda : Moi, je ne me suis jamais rêvé chanteur, j’ai surtout commencé en aimant écrire des chansons, les chanter, puis j’avais un pote manager qui a voulu les faire écouter à Claude Dejacques, un des derniers directeurs artistiques digne de ce nom et tout de suite, ils m’ont dit “D’accord, viens…”. J’avais déjà choisi d’arrêter d’enseigner l’Espagnol… Au début, c’est un gag quand tu te retrouves en studio…

Buzy : Je ne m’étais jamais retrouvée avec un casque sur la tête donc ils ont dû monter deux petites enceintes, à hauteur de mes oreilles, et comme je composais tout au piano, il était impossible pour moi de chanter debout !

Nilda : J’ai dû m’imposer pour le premier single, c’était “Nos fiançailles”… Mais ce n’était pas du tout un souhait de la maison de disques. Quand on a des intuitions, il ne faut pas les nier…

Buzy : Je crois que les artistes ont toujours raison…

Nilda : Oui, même quand ils se trompent !

Buzy : Personnellement, je suis producteur de mes albums depuis dix ans, donc je n’ai qu’à m’écouter moi-même…

Nilda : Aujourd’hui, les méthodes d’enregistrement se sont beaucoup démocratisées. Avant quand tu démarrais, la maison de disques te louait un studio avec un vrai tableau de bord de Boeing, et ça coûtait cher. Maintenant, tu peux faire de la musique plus simplement. Ça a un peu fait reculer le pouvoir du financeur.

A vos débuts, vous avez vécu un succès énorme, comment l’avez-vous géré ?

Buzy : Moi, assez mal, parce que je n’étais pas du tout dans le circuit et ça m’a fait bizarre de devoir gérer une image et la pression. Dans ces années-là, y avait quatre ou cinq filles qui se battaient entre elles, c’était la guerre ! Mylène Farmer, Jeanne Mas, Niagara, Lio… C’était très angoissant, moi, j’étais l’outsider de service…

Nilda : La danseuse de claquettes ! (Rires) Moi, on me disait “Souris à la caméra”, je disais “Non”… T’es confronté à plein de conneries comme ça, des gens qui sont autour de toi, qui te veulent du bien, mais qui vont trop loin… Du coup, à la fois tu es content et à la fois, tu dois te défendre, tu ne peux jamais être dans le plaisir pur, c’est énervant. Je me souviens que le patron d’EMI à l’époque me disait “Nilda, tu es une star…Tu ne peux pas prendre le métro…”. J’avais trouvé la remarque vulgaire… J’ai répondu : “Tu dis ça parce que tu veux me contrôler !”… J’ai toujours préféré justifier ce choix auprès des gens qui étaient étonnés de me voir dans le métro que de me réfugier dans la facilité, la voiture avec chauffeur, où tu finis par détester tout le monde.

Finalement, que vous a apporté le succès ?

Buzy : Un baume sur des blessures d’égo sans doute accumulées dans l’enfance, le plaisir de voir des gens qui m’aimaient, j’avais sans doute un manque de ce côté-là…

Nilda : A l’adolescence, tu te dis : “Personne ne me comprend”. Là, tu es bien obligé de te dire que ce n’est pas vrai. On fait un truc, c’est adopté par des milliers de gens et ça te connecte avec l’humanité…

Buzy : Après, tu es pris dans un système d’égo, c’est comme une drogue et tu commences à devenir fou quand ça ne réagit pas, et tu dois te dire : “J’existe en dehors du succès”.

Nilda : Tu rentres en concurrence avec tes succès donc avec toi-même… Après, il faut t’égaler, c’est angoissant. Tout peut devenir ta douleur, c’est difficile de faire comprendre ça à ceux qui en rêvent… A chacun ses stratégies personnelles contre ça.

Buzy : Je suis passée par une grosse dépression nerveuse et une psychothérapie assez puissante pour essayer de dédramatiser le système, de comprendre sa stupidité. D’ailleurs, je suis devenue psychothérapeute. Ça m’a donné les moyens de m’exprimer beaucoup plus librement et sans pression, ne serait-ce que financièrement…

Nilda : Voilà. Un métier ne t’oblige pas forcément au succès. Tu dois avoir des gens à analyser, mais tu ne dois pas être dans le top ten des psys !

Votre processus de création est-il le même qu’il y a trente ans ?

Buzy : Moi, il y a trente ans, je voulais tout faire, c’était le délire, puis je me suis ouverte à des collaborations ; c’est passionnant le côté émulsion collective. Le plus dur dans la création, c’est de ne pas refaire la même chose, de conquérir des espaces nouveaux, d’explorer de nouvelles orchestrations, de nouvelles façons de chanter…

Nilda : Déjà, avec le temps, tu acceptes ta voix, comme si elle venait de quelqu’un d’autre… Ensuite, chaque disque est une histoire en soi. J’ai choisi soigneusement la manière dont je les faisais pour que ce soit à chaque fois une expérience qui m’apporte quelque chose de différent. Pour le nouvel album, c’était des musiciens italiens, dans un endroit que je ne connaissais pas, à Gênes…

Buzy : Moi, j’avais un vrai cahier des charges sur le dernier et tous les gens qui ont collaboré avaient le concept à la base. Je suis très fan de PJ Harvey et elle avait fait un album complètement épuré avec très peu d’instruments, tout dans les middle tempos, je me suis dit qu’il fallait tenter ce truc homogène et si possible ne pas bourrer la mule avec 42 pistes derrière moi.

Est-ce que vous concevez votre métier différemment par rapport à vos débuts ?

Nilda : Ce que j’aime, c’est que maintenant, les choses dont j’avais l’intuition au départ sur ma façon d’être artiste, je les ai éprouvées et elles me donnent satisfaction. Quand tu commences, on te dit “Prends le fric !” et je leur disais “Pourquoi ? Moi, je suis artiste pour la vie, pas pour 3 ans”… Aujourd’hui, je sais que c’est possible, que c’est une façon de regarder la société, et d’y participer, un petit peu particulière mais qui a son charme…

Buzy : Pour ceux qui ont un cortical droit, comme nous deux, il faut créer, ça peut être de la cuisine, de la sculpture, de la musique… mais toujours un besoin d’envoyer une émotion. Régulièrement, je dis “J’arrête” parce que c’est trop dur ; mais finalement, c’est le métier qui m’apporte la souffrance, parce que la création elle-même est vitale pour moi. En ça, je rejoins Nilda “Je suis artiste pour la vie, créatrice pour la vie”.

Valérie Bour
Photos: Raphael  Lugassy

Buzy : “Au bon moment, au bon endroit” – MVS – www.buzy.net

Nilda Fernandez : “Ti amo” – Dièse / Harmonia Mundi – www.nildafernandez.com

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