L’élégance du poète
Musicien majeur de notre scène nationale, Bertrand Louis nous revient aujourd’hui avec une magnifique adaptation d’un recueil de poèmes de Paul Verlaine. Portrait.
Il est assez logique pour un esthète comme Bertrand Louis de mettre en musique hier Baudelaire, aujourd’hui Verlaine. Si l’on connait surtout ce dernier comme un poète maudit, Chansons pour elle est d’une autre trempe, plus légère, plus sensuelle aussi. Un recueil peu connu, paru vingt-cinq ans après Les Poèmes saturniens que Bertrand Louis possède et qu’il, retombant dessus par hasard, songe à l’adapter en musique : « J’avais ce recueil depuis très longtemps. Cela devait correspondre à ce que je voulais faire à ce moment-là, des chansons d’amour. J’avais adapté des poèmes connus de Baudelaire, je n’aurais pas voulu faire la même chose pour Verlaine. Ses textes, ce sont presque des chansons dans l’écriture. On reconnait certes sa patte mais c’est moins léché que ses poèmes les plus connus. Quand je lis des poèmes, des musiques me viennent instantanément en tête. Verlaine a un côté tendre qui ramène à la pop. Je n’ai jamais eu l’idée de faire une sorte d’anthologie des poètes français. Je ne ferai pas de Rimbaud derrière ça. Verlaine a été comme une parenthèse. Il a un côté luxueux et j’ai voulu le disque comme ça. C’est un homme qui a eu plein de périodes dans sa vie dont une mystique. Il y a des côtés très travaillés chez lui et d’autres au contraire qui sont comme des choses jetées au coin d’une table. Je lis de la poésie quand j’ai besoin d’introspection, quand le monde, les gens me fatiguent. Je lis souvent Baudelaire en février car c’est le mois où je ne me sens pas bien. »
Bertrand Louis a toujours aimé, de Baudelaire à Verlaine en passant par Houellebecq et Murray adapter des auteurs : « Murray cela a été un coup de foudre. Baudelaire, cela été différent, presque un travail de chercheur, en fait. J’ai même étudié sa voix. »
Après trois albums réalisés par lui-même, Bertrand Louis a cette fois-ci choisi Laurent Bardainne de Poani Hoax pour chapeauter ce disque : « Je lui ai quasi laissé carte blanche. Il a choisi les musiciens. Il a fait la pré-production, la post-prod. Il a apporté une belle dynamique. On a fait cet album d’une manière cool car on l’a réalisé au moment du confinement donc nous avions du temps. Les séances de studio se sont passées de manière naturelle. »
Au cours de sa déjà longue carrière le musicien a su créer des univers très différents entre un album comme Le centre commercial ou l’histoire d’un meurtrier ou aujourd’hui la sensualité d’un Verlaine. Ces changements de ton le placent à part dans l’univers de la chanson française. Imprégné de littérature française, baigné de pop anglo-saxonne : « Sur cet album c’était mon ambition de mêler littérature française et pop. Pour le prochain ce sera autre chose. J’ai déjà quelques chansons d’avance. »
Après vingt ans de carrière et de nombreux prix, Bertrand Louis semble aujourd’hui plus serein que jamais : « Je suis dans une sorte d’advienne qui pourra mais un advienne qui pourra cool, pas désabusé. J’ai plus été en quête de reconnaissance dans le passé. »
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Entrevue et photo : PIERRE-ARNAUD JONARD
Bertrand Louis
Chansons pour elle
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