Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

LE MAMA

Festival et convention, du 13 au 15 octobre 2021, Paris.

CADRE : Sept salles du quartier parisien de Pigalle de la Cigale au Backstage by The Mill, toutes réparties sur l’avenue. Cette année, leur nombre a été légèrement diminué. La faute a une édition 2020 annulée en dernière seconde qui laissait son lot d’inquiétudes pour cette année. Le MaMA festival c’est aussi tout un quartier en effervescence. Des showcases et off dans les bars du quartiers, des conférences au Trianon et des concerts au FGO Barbara, c’est une course effrénée qui se déguste au grès de découvertes musicales.

MÈTÈO : Du beau temps sur toute la durée des trois jours qui permettent aux terrasses d’être prises d’assaut et aux rencontres sur l’avenue de s’éterniser. Le soleil est présent et lorsqu’il se couche, la chaleur est tout autant présente dans les salles.

POLITIQUE : La ministre Roselyne Bachelot s’est fendue d’une visite éclair au Trianon, naviguant entre les stands venus défendre leurs projets innovants. Au programme attentes, rencontre ou frustrations pour de nombreux entrepreneurs.

SÉCURITÉ : Parmi les stands, le projet Safer se détache du lot avec son application ayant pour but d’éviter les agressions sur festival. Une initiative qui permet à toutes et à tous d’alerter en cas de problème en quantifiant la nature du problème. Une découverte qui intervient alors que du GHB a été mis dans des verres dans plusieurs salles de la capitale la semaine précédente.

CHIFFRES : 6589 professionnel.les, 412 intervenant.es, 452 accréditations médias, 5170 pass publics, 121 groupes.

LES PLUS : Des retrouvailles très attendues de la filière, une programmation de qualité et variée qui va du hip-hop au rock en passant par l’électro, un soin tout particulier porté à la parité, de nombreuses rencontres, le plaisir de retrouver les salles.

LES MOINS : avec une jauge limitée, il est parfois difficile d’entrer dans les salles du festival. La programmation du vendredi qui se conclut plus tôt que lors des précédentes éditions. Peut-être trop tôt dans certaines salles.

LA RÉVÉLATION SCÉNIQUE : C’est sans conteste LAAKE à la Cigale. Entre claviers, synthé, violoncelles et sonorités électros sophistiqués, le musicien gère ses compositions et ses montées en puissance. Avec une fougue hallucinante derrière ses instruments, il crée l’évènement, hypnotise l’audience et offre une véritable leçon de musique à la croisée des genre et des époque. Un retour en grâce de l’électro français.

À LA CROISÉE DES MONDES : Et si l’avenir de la musique s’écrivait en invitant la world music (ce mot trop réducteur) à rencontrer nos sonorités occidentales ? Ils sont plusieurs à l’avoir compris et Ko Shin Moon est de ceux-là. De passage au Backstage By the Mill, le duo puise dans l’énergie pop folk du Maghreb et de l’Inde et couple le tout avec de puissantes notes électros. Un moment hypnotisant bien qu’un brin répétitif.

 STAR : Sopico a ses admirateurs et ses détracteurs. Génie pour les premiers, baudruche surgonflée pour les seconds. Il faut dire que Sopico est un cas à part dans le rap où la guitare n’est clairement pas la bienvenue. Sur la scène de la Cigale le fan de Jimmy Page et Jimi Hendrix montre que batterie, guitare électrique et hip-hop peuvent faire bon ménage. Un show intense et puissant.

FOUGUE D’ADO : L’an dernier les Marseillais de Parade  avaient sorti un superbe EP. Dans le cadre d’un showcase du PAM ( Provence Alpes Côte d’Azur) le groupe des Bouches du Rhône délivre un set remarquable. On pense à Joy Division bien sûr, mais Parade a un truc à lui qui les place bien au-dessus d’une simple resucée du groupe mythique de Manchester. Et Jules Henriel le chanteur-guitariste du combo possède une fougue post-adolescente qui a bien du charme.


RETOUR EN ENFANCE : Bien que son set à la Boule Noire soit synonyme de mélancolie, Le Noiseur, présenté comme un Baxter Dury à la française, révèle de grands atouts comiques sur scène. Celui qui avoue volontiers jouer sur des textes aux reliefs nostalgiques et des accords d’une certaine noirceur ne perd pas l’occasion d’amuser la foule. Il s’offre même quelques secondes durant une reprise de “Je m’appelle Hélène” face à une foule qui se remémore son enfance dans les années 90.


CABARET & LUXURE : Le moins que l’on puisse dire c’est que la troupe des énergiques Lulu Van Trapp  sait jouer une carte sulfureuse. Avec une chanteuse diablement talentueuse et une fougue à faire rougir l’assistance, la troupe emprunte volontiers aux Rita Mitsouko. Si le duo culte avait sa réputation de s’oser à la luxure, le groupe de Rebecca n’a rien à lui envier et revisite ce registre chanson en lui apportant une touche de modernité. Loin de s’arrêter pourtant à cette évidente comparaison, la formation prend un tout autre accent en anglais encore plus rock, plus pop, plus baroque et déluré. Carton annoncé, la fine équipe rappelle qu’il est toujours possible de créer, réinventer, piquer et provoquer.

LA CLAQUE : Toujours aussi fort depuis son passage aux Inouïs du Printemps de Bourges Vikken  émeut. Il est de ces claques poétiques qui font résonner les notes électroniques autant que les textes et porte son message avec justesse. Impossible de rester de marbre face à la puissance de ces mots, scandés avec la coeur et avec une force inspirante. Il est de ces artistes qui tapent fort et du premier coup. À ne surtout pas manquer.

LE RETOUR DU ROCK : S’il est de bon ton de parler du retour du hip-hop dans l’Hexagone, il n’est pas le seul courant à reprendre ses lettres de noblesse ; le rock lui aussi se réinvente et propose des artistes de qualité avec en tête de liste les incroyables Structures. Combo post-punk à l’énergie survoltée, le groupe retourne la Machine. Point besoin de parler quand le son est bon. Et il l’est. Les guitares sonnent et tabassent alors que pogos, slams et circle pits déchaînent une foule en effervescence, revigorées, déchaînée. Les sourires sont sur tous les visages alors que les plus réfractaires sont happées dans cette tornade déchaînée. Beau, puissant et brut comme un ouragan qui fait crier houra


LA VOIX DU MaMA : Déjà présente au Printemps de Bourges en compagnie de Pomme et de Falvien Berger, November Ultra  n’a presque plus rien de la découverte confidentielle. Il est pourtant bon de rappeler que la France a la même capacité que ses voisins britanniques à produire des divas. Avec son timbre à la Adèle, ses compositions guitare-voix, sa douceur et son humour, la chanteuse fait de la Cigale un cocon où l’audience se sent bercée et protégée. Alors que la musicienne évoque le rétrogradage de Mercure et son envie de prendre les routes pour créer la bande originale d’un road trip et ce même si elle n’a pas le permis, elle conjugue les émotions faisant rimer humour et sensibilité. L’heureux combo.

COULEUR LATINO : Ils se sont fait connaître sous le nom d’Holy Two et étaient déjà présents au MaMA en 2018. Le duo d’architectes Ojos  n’en a pourtant pas fini avec les constructions musicales. Loin de son registre pop aérien, la formation détruit aujourd’hui ses fondations pour mieux se réinventer. Devenu hip-hop aux sonorités latinos, elle s’intègre à l’air du temps. Un brin statique en live, moins perfectionnée que sur son ancien projet, elle n’en possède pas moins de nombreuses qualités. Dont un travail acharné et des arrangements millimétrés qui font le pont et bétonnent ce nouvel univers.

EX-FAN DES 60’s : Romain Baudoin que l’on connaît pour son travail avec Artús, Atavi ou Ours nous offre son projet solo : Arrehar (retour aux sources). Le musicien se sert de ses collectes musicales pour faire revivre le patrimoine gascon des années 60 armé de sa vielle à roue. Un travail de mémoire et de culture d’une grande beauté.

ÉGÉRIE POUR DOLAN : Roxaane n’aura eu besoin que de trois titres pour voir le feu des projecteurs braqués sur elle. Entre la sensibilité cinématographique d’un Xavier Dolan et un phrasé qui pourrait en faire la petite sœur de Eddy de Preto, Roxaane développe un rap sensible qui touche en plein cœur. On attend son premier EP avec impatience.

MA CABANE À PANAME : Chaque année les Canadiens débarquent sur le MaMA festival pour dévoiler leurs talentueux artistes et offrir un peu de leur cuisine sophistiquée entre légumes de saison, mignardises raffinées et sirop d’érable, aux professionnels. La musique canadienne, elle, est plurielle et s’inscrit entre modernité et capacité à réinventer des sonorités rétros. La preuve en est d’ailleurs donnée avec deux formations féminine :
La première, la rappeuse queer et féministe Calamine qui sublime le rap old school joue de beats construits et pousse sa voix autour d’un set où la sympathie est maîtresse. Autant que l’art de troller ses détracteur qui l’avaient qualifié de « lesbienne woke auto-tunée » ce qui leur vaudra un titre pour mieux en rire.
La seconde, Les Hay Babies  constituée de trois copines originaires de Nouveau Brunswick dévoile une esthétique à la sauce 60’s en noir et blanc. Avec des compositions chanson qui ne sont pas sans rappeler Brigitte, le joyeuse trio raconte les épopées de Jackie, coup de cœur épistolaire qui les a obsédé. Les correspondances de cette jeune fille partie à Montréal pour devenir actrice dans les années 60 leur ont inspiré un album pastel joliment mis en scène.

FAIRE VIBRER LES MATÉRIAUX : La très attendu Lucie Antunes & le collectif Scale  restera dans les mémoires comme le concert à ne pas manquer pour la soirée de clôture. L’impressionnante artiste s’offre une scénographie millimétrée et grandiose sur la scène de la Cigale entourée de lumières guidée par des robots. Mais c’est aussi la pureté d’un set électro aux instruments sous forme de cabinet des curiosités qui frappent. Du synthé au xylophone en passant par les vibrations d’un morceau de taule et aux percussions, la femme-instruments semble avoir mille bras et rendre tout ce qu’elle touche mélodique. Un moment d’une beauté inégalable, d’une précision hypnotiques et de montées édéniques.


HIP-HOP ET FÉMINISTE : Pour sa dernière soirée de MaMA, la Machine du Moulin rouge invite les hip-hop à prendre du terrain. En haut ce sont les beats de Roseboy666 et ses guests qui font vibrer une salle très réactive. En bas, place aux Rappeuses en liberté,  un dispositif d’accompagnement dédié aux rappeuses qui faisait profiter à trois lauréates d’un accompagnement pour les aider au développement de leurs projets. Les musiques urbaines se réinventent.

L’ANNÉE PROCHAINE : Si les dates n’ont pas encore été communiquées, le MaMA festival et convention reprendra ses quartiers à Pigalle en octobre 2022 pour une édition cette fois-ci, il faut l’espérer, sans aucune contrainte de jauge.

Julia Escudero et Pierre-Arnaud Jonard
Photos : David Poulain

ARTICLES SIMILAIRES