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KO KO MO

KO KO MO ©Prodcom - Longueur d'Ondes 82

À Is’art galerie (Antananarivo, Madagascar), en off du Libertalia-music festival.

En terre inconnue

Fin avril, on a passé quelques jours à Madagascar avec les deux chiens fous nantais, histoire de tester si leur rock tout terrain — entre hommage vintage et économie contemporaine — était capable de jolies sorties de route… On a été servi.

Haltes aux fantasmes. La réalité malgache est loin de la carte postale du dessin animé éponyme. Soit : une immense réserve animale sur une terre brune… Ok, la Corse africaine — près d’1,5 fois la taille de la France — contient un patchwork de paysages donnant le tournis (canyon américain, plages maldiviennes, favelas brésiliennes…). C’est indéniable. Sauf que l’ancienne colonie française reste l’un des pays les plus corrompus et pauvres du monde. Exemples ? Les flics locaux louant leur kalachnikov aux voyous, un président élu et ancien comptable de trafiquants de bois rose ou encore un pays électrifié qu’à 23 %… On fait mieux.

Mais n’allez pas croire que cette île-continent, snobée par la communauté internationale, ne regorge pas d’initiatives ! Gilles Lejamble, patron de la seule industrie de médicaments pharmaceutiques, a décidé en 2013 de créer le Libertalia music festival sur ses fonds propres. Avant de décliner la marque via un label et un studio (le seul de l’île). Objectifs : favoriser la reconnaissance du pays et redonner confiance à la jeunesse grâce à des repaires culturels. Un pari risqué dans une île où les droits d’auteurs sont hasardeux et les billets d’avion plus qu’onéreux… L’histoire lui a pourtant donné raison quand The Dizzy Brains, l’un des premiers projets de la structure, s’est fait adouber “révélation des Trans Musicales 2015”.

 

 

Ce sont les mêmes Dizzy qui ont côtoyé les KO KO MO lors d’une mini-tournée commune en Corée. Ironie du sort : les deux groupes avaient fait sensation la même année à Rennes, sans qu’aucun ne se croise. Entre l’innocence instinctive des uns et la technicité modulable des derniers, l’alchimie se crée. Après quelques virées dans les clubs coréens dont il faut « taire les péripéties pour nos familles », c’est donc naturellement que les deux groupes se sont retrouvés quelques mois plus tard dans le cadre de la 4e édition du Libertalia music festival

« On a découvert la durée du séjour en atterrissant », lâche hilare Kev20, le batteur de KO KO MO, en le croisant à l’hôtel. Sauf que le trajet n’a pas entamé l’énergie du groupe. Au contraire : il a créé une impatience. Or, leur concert n’est prévu que dans deux jours. Le répis sera de courte durée : attablés au restaurant, ils profitent soudainement de l’interruption d’un artiste local (Edgard Ravahatra) venu présenter son futur album, pour improviser une jam session… Sur la mini-scène, où les instruments du groupe précédent sont restés, le duo s’empare alors de l’ensemble devant l’assistance ébahie – un stoner gras et martelé a pris le pas sur le folk exotique. Dans la salle, d’autres musiciens se jettent dans l’arène : l’excellent Mounawar So Dar (guitariste comorien), Silo Andrian (muti-instrumentiste malgache) et le guitariste de The Dizzy Brains. Une battle folle où les attaques tropicales ont joué les allumeuses face aux guitares rageuses de l’occident, abandonnant le combat qu’une fois certain d’avoir déjà tout donné. K.O., couché.

« On m’arrêtait dans la rue pour ma ressemblance avec Romain Duris. »

Leur concert officiel au bar Le Coup d’État (ça ne s’invente pas) sera à cette image : grandiloquent, fait de montées vocales dans les aigües et de chutes vertigineuses du manche, la chemise et le pantalon moulé pour l’un, le corps guerrier et peinturluré pour l’autre. Assis, debout : l’énergie est palpable. Communicatrice et défouloir. Les corps sont une nouvelle fois en sueur et l’étendue de la pyramide des âges prouve que l’exercice peut autant se plier aux différentes générations. Chacun y puisant l’hommage ou l’énergie de sa datation.

Sauf que c’était mal connaître leur insatiabilité… Le lendemain, comme un air de reviens-y et par le hasard d’une visite, le duo pousse le culot jusqu’à organiser sur le fil un showcase gratuit. Direction l’Is’Art galerie, lieu d’exposition et de vente d’art contemporain d’artistes malgaches ou voisins. Là, parmi les meubles recyclés, les brochettes du barbecue de fortune et les rhums marinés servis à même les bocaux en verre, la troupe improvise 40 minutes de reprises devant la fine fleur du street art. Un set malheureusement interrompu par les problèmes de santé de Warren, le guitariste. Les nuits ont beau être folles, le corps commence à lâcher et il va bientôt falloir penser à se reposer.

Avant de reprendre l’avion, le batteur ironisera : « Avant, on m’arrêtait dans la rue pour ma ressemblance avec l’acteur Romain Duris. Aujourd’hui, c’est parce que je suis le batteur de KO KO MO. » Les choses risquent d’empirer avec le temps…

 

> Ko-ko-mo.com

>> Libertalia-music.com

>>> IsArt-galerie.mg/fr

 


Bio

Auteur d’un album en mars (Technicolor life), le duo a presque 20 ans d’écart. En seulement un an, celui-ci a enchaîné Inde, Chine, Indonésie, Corée, La Réunion l’Émission d’Antoine (Canal+) ou encore le MaMA et Solidays. La suite ? Ils y pensent déjà… Notamment via un futur 45 tours contenant des featuring locaux comme Mood, ex-The Voice et sorte de Björk nantaise. Viendra ensuite l’épreuve du 2e album, que le groupe imagine « plus électro », voire « contenant une ballade pour souffler un peu ». Et, quitte à prolonger l’expérience malgache, pourquoi pas « la participation du chanteur des Dizzy Brains ». En attendant, le duo se concentre sur la recherche d’un distributeur physique…


Texte : Samuel Degasne

Photo : Prodcom

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