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FNAC LIVE

Festival Fnac Live 2014 - Public place de l'Hôtel de Ville
Du 17 au 20 juillet 2014 à Paris.

CADRE : Une grande scène sur le parvis de l’Hôtel de Ville et une scène plus intime dans la Salle des Fêtes de la Mairie de Paris.

MÉTÉO : Caniculaire, puis orageux les deux derniers jours.

CARTE D’IDENTITÉ : 28 concerts gratuits avant la grande accalmie d’août, une programmation maline avec ses machines de guerre (Julien Doré, – M -, Gaëtan Roussel, Fauve ≠, Casseurs Flowters, Bernard Lavilliers), ses premiers tours de piste avant une sortie d’album à la rentrée (Mina Tindle, Nach, Mademoiselle K, Moodoïd, Arthur H) et ses raretés (Emily Loizeau, Glass Animals, Christophe,  Dick AnnegarnNosfell  )… En quatre années, le festival FNAC Live, successeur grand public des IndéTendances, s’est non seulement imposé comme un vrai moment populaire, mais il est surtout devenu un événement musical. La privatisation d’une cour intérieure de la Mairie de Paris, située entre les deux scènes, facilite autour d’une coupe de champagne, d’un pastis ou d’un babyfoot, les ultimes rencontres entre pros avant les vacances, et ancre un peu plus le festival parmi les rendez-vous à ne pas manquer.

LES PLUS : Fort du succès de l’année dernière, les programmateurs, Nicolas Preschey et Benoit Brayer, ont multiplié par deux les soirées dans les salons de l’Hôtel de Ville. Elles ont d’ailleurs été transférées du Salon des Arcades à la Salle des Fêtes, capable d’accueillir plus de spectateurs. Notons au passage la réduction du nombre de groupes programmés sur la scène du Parvis (de sept chaque soir en 2013, nous sommes passés à une moyenne de 5 cette année), ce qui permet un plus grand confort pour les artistes et sans doute une meilleure réceptivité des spectateurs. L’effet « showcase », assez abrutissant ou frustrant, est ainsi évité.

LES MOINS : L’impossibilité de suivre tous les concerts à cause de la concomitance de la programmation (les concerts de la Salle des Fêtes pourraient tout à fait être programmés dans l’après-midi avant le premier concert du Parvis ou en soirée, en même temps qu’un mastodonte vu dans d’autres festivals. Voire, soyons audacieux, après 23 heures, après l’extinction des feux sur le Parvis : des concerts de nuit, ça pourrait être féérique).
Le ridicule de la situation pour les photographes accrédités : impossible de prendre des photos des concerts de Mélanie de Biasio et Fauve ≠, pourtant immortalisés par des centaines de smart phones de spectateurs, voire par des photographes professionnels astucieusement placés parmi la foule.

CHIFFRES : Près de 100.000 spectateurs

LE BEAU RETOURNEMENT : On le sait. Un concert de Christophe, c’est toujours un moment particulier, une brèche dans l’espace-temps. Il y a de l’irréel dans sa gracile silhouette qui roule des mécaniques, son visage creusé et sa voix, si perchée et gracile, parfois. Ce concert qui n’en était pas un selon ses propres mots puisque son temps était compté, ne fut qu’une nouvelle démonstration de sa force si singulière. Il suffit qu’installé au piano, il entonne « Comme un interdit » pour que la bascule s’opère, pour que le décor boursouflé d’or et de pastels de la Salle des Fêtes s’efface, pour que disparaisse totalement l’aéropage de mondanités (Anne Hidalgo, Najat Vallaud-Belkacem, Alexandre Bompard, Dominique Besnehard, Christophe Barbier), pour que l’on oublie presque le ballet des courtisans et des chargés de mission. « Les paradis perdus » et « Aline », repris en chœur par le public, achevèrent le dépaysement. Et quand au détour d’une facétie, Christophe s’exclame : « Qu’est-ce que je fais maintenant ? J’improvise ? Qu’est-ce que vous voulez ? » et que les suggestions fusent du public, on s’émeut presque de voir le directeur d’un des plus grands festivals français replonger dans son adolescence et lancer d’un bond : « La Dolce Vita ! La Dolce Vita ! ». Il aura gain de cause. S’en suivent quelques morceaux moins connus (« Le Man », « La petite fille du troisième ») et « Les Mots bleus », merveilleuse description de ce que nous sommes en train de vivre : « L’instant fragile d’une rencontre ». Ultimes élégance, Christophe conclut sur « Le petit gars » : « Je suis un tout petit gars (…) Love, love, love »

LE BEAU DÉNUEMENT : Cheveux mi longs, petite robe noire, sourire vigilant, elle a des airs d’Audrey Hepburn dans « Diamants sur canapé ». Ou tout du moins, une version doucement échevelée. Juste ce qu’il faut de sauvage. Ça faisait plus de deux ans que l’on n’avait pas croisé le chemin d’Emily Loizeau. La voilà aux côtés du violoncelliste Olivier Koundouno pour relire son répertoire, le déshabiller et en approcher au plus près la peau et le parfum. Au piano, « Des pays lointains », l’opus N°15 des « Scènes d’enfants » de Robert Schumann, annonce les minutes précieuses, celles qui devront frayer avec la chaleur étouffante et l’émotion mercuriale. Elle enchaine, alors que son complice troque son archet pour une brosse à poils rêches, avec « Comment dire ». Comme un résumé de la petite heure qui nous attend. Le morceau suivant demandera un peu plus de préparation. Tandis qu’elle glisse avec difficulté un billet SNCF entre les cordes de son piano, elle plaisante avec le public et dédie ce concert à un prénommé Jean-Baptiste, qui eut la présence d’esprit de venir avec son exemplaire de « Emily Loizeau Revisited ». Le piano sonne maintenant comme dans un saloon. Elle peut alors entamer « Gigi l’Amoroso ». C’était sans compter la moiteur, une légère déconcentration et un blanc, un mot évaporé dans un couplet. Et là, ce fut comme un cheval piqué par un taon : la bride lâchée, la fougue, l’énervement salutaire. Idéal en somme pour donner toute sa tension cinématographique à la chanson de Dalida, sa colère rentrée à « Fais battre ton tambour », son rock à « Pocahontas » de Neil Young et son allant guerrier au « Pays des oiseaux ». Après l’apaisant « In your dreams », Emily Loizeau et Olivier Koundouno ne peuvent échapper à une bruyante ovation. En réponse : « L’autre bout du monde », qui ne figure pas sur ce quatrième album. Un cadeau.

LE BEAU GUERRIER : Coincé entre l’imparable Breton (et son très adulé meneur Roman Rappak) et un DJ set signé Pedro Winter et ses amis (Boston Bun et Para One), on se demandait bien comment allait s’en sortir Gaëtan Roussel, que l’on n’avait pas revu depuis la tournée de « Ginger ». La réponse est à son image, assez simple : de la plus belle des manières, classe et généreuse. Première surprise : sa fougue souple, son côté bateleur félin qui chauffe le public, le tutoie, va le chercher, saute à en donner le tournis aux photographes. « Paris, c’est fou ! Ça fait longtemps qu’on ne s’est pas vus, s’enthousiasme-t-il. C’est tellement rare de chanter à Paris en extérieur ! ». La deuxième : les lèvres, très nombreuses parmi la foule, qui connaissent à la virgule près les paroles de « La Simplicité », « Eolienne » sans parler de « Il y a », chanson écrite pour Vanessa Paradis, dont la douce rumeur s’est répandue comme le jasmin au dessus du parvis. L’autre surprise, c’est la reprise noire et électrique de « J’envisage » d’Alain Bashung. Une splendeur dans la nuit chaude, parfaite rampe de lancement pour un final explosif avec «Inside/Outside » et « Help Myself (Nous ne faisons que passer) ». Dernière surprise : la descente de scène… à cloche-pied. Mauvaise réception lors d’un saut, Gaëtan Roussel s’est déchiré le tendon d’Achille en tout début de concert. Le public n’y a vu que du feu. Il a surtout vu un très grand Monsieur.

LA BELLE PROMESSE : Le bouche à oreille nous l’avait chaudement recommandé. C’est dans la touffeur parisienne et sous des nuages mauves d’orage que le très attendu Moodoïd, la formation de Pablo Padovani, ouvrait la troisième soirée du festival. Première remarque : l’arrivée d’une nouvelle musicienne au sein du groupe. Maud Nadal, ex-Myra Lee, rejoint cette jolie bande d’enfants bizarres. Seconde remarque : la rumeur ne s’était pas trompée, pour une fois. La pop sensuelle et onirique de Moodoïd, entre Gong et MGMT, Gaudi et Claude Ponti, accroche immédiatement le public. Il ondule et chaloupe sur « La montagne » et « De la folie pure », rehaussé de percussions sur poêle Tefal et ananas-maracas. D’ailleurs, quand les premières notes de « La Lune » s’envolent, les premiers rangs les accompagneront joyeusement, au quart de tour. Avec ces masques de paillettes dorées qui recouvrent le haut de chacun des visages, les lippes magnétiques et le déhanché de liane de Pablo Padovani, Moodoïd fascine, au-delà d’un jeu encore trop appliqué et quelques soucis de justesse de chant. Son premier album « Le monde Möö » sortira le 18 août. De très bon augure.

LA BELLE IRONIE : Dick Annegarn, accompagné de Freddy Koella à la guitare et au violon, réservait au FNAC Live une surprise unique : une plongée dans trois de ses albums – « Vélo Va » (2014), « Folk Talk » (2011) et « Soleil noir » (2009) – avec pour paliers de décompression autant de digressions mordantes ou caustiques. En introduction de « Jacques » : « Jacques Brel, il n’aimait pas trop David Bowie. Il n’aimait pas beaucoup les pédés, ni les femmes. Il n’aimait qu’être avec ses copains, que l’amitié entre hommes… On peut se poser des questions, non ? ». Petit coup de griffe, en préambule de « Théo », contre les peintures pompières qui recouvrent le plafond de la Mairie de Paris. Avant « Brahim Alham », qui brosse le portrait d’un Marocain, ancien tirailleur de l’armée française, il raconte, alors qu’une manifestation pro-palestinienne interdite défile sur le pavé parisien, comment Mohammed Assaf, un jeune Palestinien, est arrivé en retard à cause des check-points aux inscriptions pour l’émission « Arab Idol » et comment il l’a néanmoins remportée. Il vous raconte aussi comment il a écrit « Oracle  » pour le chanteur Raphaël qui lui avait passé commande, un « échange à la Rimbaud/Verlaine, mais pas plus ». Bref, quarante minutes de folk-blues, une merveille d’intelligence et de drôlerie.

LES BELLES PARENTHÈSES : En mars 2012, pour les 40 ans du disque « Amoureuse », Jeanne Cherhal  reprenait in extenso le premier album de Véronique Sanson. Face A, puis face B. Douze morceaux accompagnés de Sébastien Hoog, Laurent Saligault et Éric Pifeteau. Un déclic qui guidera l’écriture et la réalisation de « Histoire de J. », sorti en mars dernier. Pour ce concert sous les dorures accablantes de la Salle des Fêtes, la dame blanche a opté pour le même dispositif : égrener un à un les titres de son propre album. Première parenthèse fermée pour mieux en ouvrir une seconde. Du piano et de la scène, Jeanne Cherhal va s’éloigner quelques mois, le temps de devenir mère. Autant dire que « J’ai faim » et « L’Echappé » ont été servis avec nerf et puissance, un peu comme on serre les poings pour ne pas succomber. Il faudra un subreptice cri du cœur d’un spectateur ( «Jeanne, vous avez un charme fou !») et une réponse du tact-au-tac (« Flatteur ! ») pour que l’adrénaline retombe un peu, que le sourire se fasse plus lumineux. Elle n’avait alors qu’à dérouler sa partition, tendre et sensuelle, déterminée et espiègle, voire un brin chipie quand une spectatrice s’agite dans le public. « Quand c’est non, c’est non » et « Cheval de feu » s’explicitent joyeusement sous la ronde callipyge de femmes dénudées et d’hommes musculeux qui d’or ou de pierre, soutiennent le plafond peint du salon. Quant à « Comme je t’attends » et sa ritournelle, ils prennent en ce dernier concert avant 2015, un sens magnifique.

LE BEAU HOLD-UP : Orelsan et Gringe, le duo le plus (faussement) décérébré du moment, ont eux, retourné le parvis de l’Hôtel de Ville, il est vrai chauffé par l’Entourage. Les ressorts sont connus : des blagues potaches, un rap de zone pavillonnaire, des instrus aguicheurs de DJ Pone et une furieuse envie de dribbler avec le public – un peu rafraichie par le service de sécurité. Festif, certes. Ironique, sûrement. Habile, sans aucun doute. Il n’empêche, quand on voit les deux zouaves en jogging, casquette et bonnet, parcourir la scène, de long en large, à coups de grands gestes, on ne peut qu’humer le doucereux parfum du calcul. Enfin, on ne leur en voudra jamais assez d’avoir pourri nos rêves cette nuit-là avec leur entêtant « Regarde comme il fait beau ».

LA BELLE ENVOLÉE : Rarement le parvis de l’Hôtel de Ville et l’avenue Victoria auront été aussi bondés que ce samedi 19 juillet. Pour que l’orage s’annonce ? D’une certaine manière. Puisque toute une génération s’était donnée rendez-vous pour la déferlante Fauve ≠, rappelant au passage que les 15-25 ne sont pas qu’une catégorie statistique, mais une légion de cœurs battants, voire déterminés. On avait quitté le collectif en novembre à l’Astrolabe  d’Orléans. Par rapport à leurs premiers pas, les progrès du groupe nous avaient alors épaté. Huit mois plus tard, ils nous ont scié. Tout est mieux, plus fort, plus propre : le jeu est testostéroné, le chant maitrisé et nerveux, l’occupation de la scène fluide, façon shadow-boxing. Les tubes rehaussés de rock brut – « Kané », « 4.000 îles », « Nuits fauves » – sont repris en chœur par une foule compacte, que la pluie fine ne saurait calmer. Il y a là comme du Noir Désir des premiers temps. Deux observations, néanmoins : l’évaporation de cette fébrilité si singulière et la quasi absence de titres de « Vieux frères – partie 1 » (tout juste « De ceux » et « Loterie »), comme un double aveu de moindre puissance pour les temps à venir. Rien d’irrémédiable. Une déperdition à combattre. Mais, longtemps, on gardera en mémoire les « Nique sa mère le blizzard » qui ruisselèrent dans les rues du Marais, comme autant de cris d’assoiffés. Qu’on se le dise, Fauve ≠ avait la patte ; il a maintenant les griffes.

LA BELLE ÉLECTRICITÉ : Sous les ors de la Salle des Fêtes, plongée dans une pénombre rougeoyante, deux silhouettes montent sur scène. Une féminine, l’autre masculine – ça pourrait être Nosfell. Puis, sa voix, profonde, brillante, surgit. La silhouette reste muette. Le chant vient en fait du fin fond de la salle. Torse nu, le port haut, Nosfell traverse doucement le parquet qui craque jusqu’à l’estrade, en chantant « Ij Koliv », l’ouverture de son dernier album« Amour massif ». Premier choc, premier trouble. Il enfile délicatement sa chemise noire, retrousse ses manches et lance à travers le public, assez surpris, une invocation aiguë, un appel digne d’un muezzin. Il n’a plus, alors, qu’à déployer tous ses talents : de la douceur intimidée à l’imitation (danse incluse) de Michael Jackson, du haut-perché au rauque le plus guttural sur une même chanson (« Fathers + Foes »), du beat-boxing aquatique (« Même si la mer ne dit rien ») à la sensualité (« Ile Mogador »). Définitivement, il y a en lui du voltigeur, capable de susciter en chacun le vertige, l’excitant frisson. Il vous emporte si loin que le concert semble n’avoir duré qu’un instant. Pour la tournée « Amour massif », Nosfell partira a priori sans le violoncelliste Pierre Le Bourgeois. Lui à la guitare sèche, il devrait être épaulé comme ce dimanche, d’une guitare électrique et de claviers/pads, un équipage plus rock, plus frontal. De quoi à nouveau souffler le chaud et le froid. De quoi dilater à sa guise le temps.

Sylvain Dépée
Photos : Marylène Eytier

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