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SAULE

Saule,Géant vit, Sur la même Longueur d'OndesLe musicien belge Baptiste Lalieu, alias Saule, a quitté les rives ombrageuses de son précédent disque « Western ». Il revient avec « Géant », un album lumineux concocté avec son ami Charlie Winston. Avec ses mots tendres ou acidulés, sa voix haut perché et son groove éclectique, il manie l’autodérision comme un antidote aux idées noires, transcende ses peurs pour en faire des chansons guérisseuses et dresse un hymne à la normalité. Rencontre.

 
Ce nouvel album est plus lumineux que le précédent. Que s’est-il passé ?

Pour « Western », j’ai travaillé avec une grosse major française pour la première fois. Ils m’ont poussé vers un style qui n’était pas le mien, chanson très Dominique A / Bashung, parce qu’ils pensaient que cela fonctionnerait mieux dans l’hexagone. Je les ai écouté. J’ai mis de côté une partie de ma personnalité : l’humour. Pour « Géant », je suis sorti de ce carcan. Je suis redevenu le type joyeux qui compulse des dizaines de genres musicaux.

Saule, Géant vit, Sur la même Longueur d'OndesTu as conçu ces nouveaux morceaux avec Charlie Winston. Que t’a-t-il apporté ?

Un regard neuf sur mon travail. J’en avais besoin. Charlie a une oreille de producteur. Il a écouté la démo de soixante titres que j’avais mise en boîte, et il m’a dit : « Voici les différentes directions que peuvent prendre ton disque, que préfères-tu ? » Tout cela s’est fait dans la joie. Nous carburons au même moteur : l’envie, sans question d’ego.

Le son très anglo-saxon vient-il de lui ?

Non. J’ai toujours aimé cette touche-là, j’avais envie de la retrouver sur l’album. Je suis un grand fan de Jeff Buckley. Sur les lives de « Western », je plaçais ma voix dans les aigus, comme lui. Les spectateurs étaient surpris : « Ouaouh, c’est tellement plus rock ! » Charlie m’a dit : « Pourquoi ne pas chanter aussi comme ça sur ton disque ? » Il m’a décomplexé.

Tes morceaux passent de la chanson au rock, du disco au hip hop. D’où te vient cet éclectisme ?

De mon parcours. Enfant, j’écoutais à la fois Barbara avec ma mère et Led Zeppelin avec mon père. J’ai grandi dans ce melting-pot. « Aux armes et cætera » de Gainsbourg a été un grand choc : quel anti-héros, quelle irrévérence ! Après une phase rock puis punk, je suis entré au conservatoire, où je suis passé à la chanson acoustique en français. Changement radical. J’ai gardé de ces expériences une grande curiosité, pour tout. Peu importe le genre, pourvu qu’il m’émeuve. Bien sûr, j’ai craint que l’éclectisme musical de « Géant » soit un problème. Mais Charlie a fait volé en éclats mes doutes : « Mais non, c’est sa force. Ton disque et un voyage et le fil rouge, c’est toi ».

Saule, Géant vit, Sur la même Longueur d'OndesDerrière l’humour, les thèmes du temps qui passe, de la maladie et de la mort reviennent souvent dans ton disque. Tes obsessions ?

Oui. Sur mon premier album, j’évoquais sur un morceau ce que je ferais s’il ne me restait qu’un seul jour. Cet hymne au carpe diem a un écho incroyable : j’ai reçu beaucoup de mots, de fleurs, des messages… J’ai alors compris deux choses. D’abord, qu’une chanson évoquant mes propres peurs, très intimes, pouvait aussi toucher les autres avec une grande force. Ensuite, que ce genre de morceaux fait du bien à ceux qui l’écoutent. Ils donnent beaucoup de sens à ma musique. On peut dire que je chante pour faire du bien aux gens.

Saule, Géant vit, Sur la même Longueur d'OndesTon album porte aux nues le « type normal ». C’est une réaction aux super héros qui saturent nos écrans ?

Oui ! Partout la publicité et les films nous saturent de l’image du type parfait, bien coiffé, parfumé, propre, beau. J’ai écrit ce titre en réaction à cela. C’est une apologie de la normalité. Aujourd’hui, nos défauts sont notre singularité : soyons-en fiers ! Mon super héros à moi est super normal.

Ton titre « Chanteur bio », se moque gentiment des accros du 100% naturel. Ils t’agacent ?

Cette chanson a plusieurs niveaux de lecture. Elle est à la fois dans le premier et le second degré. Il y a quelques temps, je suis devenu allergique aux pesticides contenus dans certains aliments. J’ai donc dû changer ma façon de me nourrir pour des raisons médicales. Je suis vraiment un chanteur bio ! Mais ce morceau est aussi dans l’humour : mon personnage fait de la musique bio en réaction à la musique fast-food, dont nous gave la radio.

Saule, Géant vit, Sur la même Longueur d'OndesTa chanson, « Le bon gros géant », explore la même veine humoristique. Quelle place tient l’autodérision dans ton travail ?

Elle est à mes yeux essentielle. Jeune, on m’affublait gentiment d’un tas de surnoms, comme le « géant vert ». Dans cette chanson, je suis parti de mon cas personnel pour évoquer les discriminations de manière générale, mais toujours avec le sourire : « Je suis différent et je vous emmerde ! » Dire les choses avec autodérision est bien plus efficace que de le faire avec trop de sérieux.

« Dusty men » parle de deux chanteurs has been. Crains-tu d’un jour de te retrouver passé de mode ?

C’est une épée de Damoclès qui plane sur la tête de tout musicien. A chaque album, je me demande si je plairais encore. Charlie connaît aussi cette peur. Son « Hobo » a connu un tel succès qu’il s’est interrogé : et après ? Nous avons décidé de faire une chanson de ce sujet qui nous taraude tous les deux. L’autodérision est l’arme absolue contre les difficultés de la vie, le rire permet de désamorcer les tuiles qui nous tombent dessus. Sans lui, je serais un chanteur dépressif !

Aéna Léo
Photos Marylène Eytier

« Géant », Pias
www.saule.be

 

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