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Folly and the Hunter

Folly and the Hunter, Sur la même Longueur d'Ondes

Leçon de Montréal

Le groupe montréalais vient de sortir son deuxième album, « Tragic Care », sous l’étiquette Outside musique http://www.outside-music.com/. Ceux que l’on avait aimés pour la richesse de leur son avec leur tout premier opus « Residents », reviennent assumés, sereins et plein d’entrain pour défendre le petit dernier, enregistré sous la houlette de Dave Smith et Jace Lasek (The Besnard Lakes) au mythique studio Breakglass. Rencontre dans leur local de pratique avec Nick Vallee, chanteur et parolier, Laurie Torres et Christopher Fox, tout deux multi-instrumentistes, et leur « dernière recrue », Phil Creamer.

Il était une fois…

C’est une histoire de groupe comme il en existe des dizaines ici à Montréal, faite de rencontres imprévues et de connexions musicales. Une montréalaise (Laurie) et un gars de Vancouver (Nick) jouent ensemble dans « un band de fin de semaine » : « C’était plus un loisir, rien de vraiment très sérieux, à un moment donné, on en a eu marre et on a quitté le groupe. On a décidé de faire quelque chose ensemble parce que nos énergies et nos influences fonctionnaient bien. » C’est alors qu’ils croisent sur leur chemin un Anglais (Christopher) venu à Montréal pour l’énergie musicale, en donnant un show avec son ancien groupe : « Les deux groupes n’existent plus, on peut donc dire que nous sommes issus de deux groupes décédés ! ». Puis Phil est venu s’ajouter au groupe. « Il a fait une vidéo pour nous, il en faisait pour plusieurs autres artistes et à la première rencontre, ça a cliqué et c’est comme ça qu’il a embarqué pour jouer de la basse. » Tout ceci donne donc Folly and the Hunter « Le nom est venu de lui-même, il correspond à la quête de ce que l’on veut vraiment, en toute honnêteté et pour toujours car une fois qu’on l’a, on ne veut pas chercher autre chose ou plus de choses. »

Indiegogo, le sauveur !

Après un premier album remarqué et plusieurs séries de concerts au-delà des frontières québécoises, le groupe se donne les moyens de dresser la liste des personnes avec qui ils aimeraient travailler pour finalement choisir le studio Breakglass, celui des Arcade Fire, Wolf Parade ou encore Radio Radio et autre Karkwa : « On voulait un studio et une équipe qui ait du caractère, qui nous porte une coche plus loin et qui comprenne où on s’en allait. En ce sens Dave Smith et Jace Lasek ont magnifié l’album en créant un son qui va au-delà de ce que l’on pensait atteindre. » Mais les 12 jours de studio nécessaires à l’enregistrement des 10 titres de l’album ont un coût. Le groupe décide donc de faire appel à la contribution générale des fans ou personnes intéressées à leur projet, via la plate-forme de levée de fonds Indiegogo. Et ça fonctionne. Avec également le soutien du CALQ (Conseil des Arts et lettres du Québec), le groupe peut désormais se consacrer plus largement à sa musique : « Avant, on consacrait 75% de notre temps à travailler dans un bureau, et 25% à faire de la musique, disons que maintenant le pourcentage s’est inversé et que l’on se sent beaucoup mieux. C’est aussi grâce à notre signature avec Outside Music, c’est comme un retour de mécénat d’avoir une maison de disques. C’est vraiment important, ça te permet de te consacrer essentiellement à ton métier de musicien et pas à toute la communication qui va autour ou le booking ! Mon dieu, le booking, quelle galère, ça n’était vraiment pas notre truc ! »

Folly and the Hunter / Raising the Dead / Here On Out Sessions from Here On Out on Vimeo.

Un son bien spécifique

« Tragic Care » est autant en continué qu’en rupture avec le précédent album : « “Résidents“ était vraiment un album d’expérimentation, il a fallu que l’on apprenne comment composaient les uns ou fonctionnaient les autres. Même si on était content du résultat, ça donnait des chansons un peu disparates. L’enregistrement avait été beaucoup plus long aussi, plus de quatre mois. Alors que « Tragic Care » est vraiment un condensé, on a mis toute notre énergie dans un seul objet pour faire quelque chose d’homogène. On est plus dans la concrétisation des résultats de la recherche. » Si vous vous plongez dans l’ambiance et les paroles de cet album, vous comprendrez assez rapidement que l’on y parle souvent de peines d’amour : « Ça décrit ce sentiment lorsqu’on arrête de voir quelqu’un ou qu’on quitte quelqu’un, toutes les bonnes choses s’envolent, mais on continue à vouloir se soucier de cette personne, à vouloir en prendre soin, c’est que l’on appelle une « Tragic care », c’est une attention douloureuse. ». Ce titre a également pris une autre dimension lorsque le père de Christopher est décédé pendant l’enregistrement, d’une longue maladie.

DéPOPification !

Le son de Folly and the Hunter a quelque chose de très nordique à l’écoute : « Nous sommes définitivement influencé par des groupes comme Sigur Rós, Lonley Dear, múm et nous l’assumons pleinement. On ne cherche pas à faire du post-rock, ou un genre de musique vraiment lente, mais il y a un élément de cela que nous voulons vraiment transmettre à travers notre musique. C’est notre façon de la « dé-popifier ». Ça apporte l’élément orchestral, contemplatif. » Ceci se ressent également dans le choix des instruments peu utilisés comme l’harmonium ou le glockenspiel, qui donnent un habillage particulier et une richesse sonore. Côté paroles, c’est Nick qui prend le relais : « Quand j’ai une idée en tête, les paroles viennent assez facilement, mais je dois avoir un sujet précis, je n’écris pas dans le vide. C’est comme une sorte de processus organique : cela grandit en moi plus ou moins rapidement, je dois quand même travailler et penser à ça continuellement pour obtenir ce que je veux. » Les paroles sont axées pour la plupart sur des relations amoureuses : « On a signé un contrat avec toutes ses blondes (amoureuses), pour leur demander de le quitter après six mois, afin qu’il garde l’inspiration, je ne suis pas sûre qu’elles soient vraiment d’accord » plaisante Laurie. « C’est vrai que c’est un peu la question que je me pose, maintenant que je ne suis plus dans ce genre de situation de peine amoureuse : sur quoi et vers quoi je vais écrire ? » explique Nick.

Folly and the Hunter / Old Friend / Here On Out Sessions from Here On Out on Vimeo.

Le petit point musical sur la carte

Depuis plusieurs années déjà, Montréal est reconnue internationalement pour sa musique, on parle même du « son de Montréal » qui est en fait plus une « scène de Montréal »… « C’est sûr qu’il y a quelque chose de très montréalais dans cet album, y compris au niveau des paroles. On n’aurait fait autre chose si on avait été ailleurs, c’est aussi une question de contexte, il est relié à un lieu, à un moment précis. On entend vraiment l’influence des groupes qui sont autour de nous. On dit toujours pour plaisanter que pour avoir une vraie place au sein de la scène indie, il faut avoir un pump organ (harmonium) dans le groupe ! Et c’est vrai, ce sont des sons qui sont actuels ici. Ils ne sont pas actuels ailleurs. On voit juste la différence quand par exemple on part à Halifax, eux ils vont vers le chanteur/compositeur/interprète. Alors qu’à Montréal, on se tourne plus vers les gros groupes avec des sons vraiment denses. On voit la différence entre les scènes et si on n’avait pas été ici, on n’aurait pas été éduqué musicalement de la même façon. Il y a beaucoup de monde qui part d’ailleurs pour venir ici s’immerger dans ce « son » là. C’est exactement ce qu’à fait Chris et ça a marché pour lui ! ». Cependant, il y a quand même une relation amour/haine avec cette scène : « Quand on est trop dans un bassin, on cherche à s’en dissocier… tout en étant inspiré par celui-ci. Donc c’est quelque chose que l’on fait tous les jours, on en prend mais ça nous pousse à essayer de se différencier. ». Les médias sont souvent attirés par les nouveaux groupes ici, et souvent à la recherche du prochain succès mondial après celui d’Arcade Fire : « C’est une pression, mais c’est un privilège aussi, on est au bon endroit pour se faire remarquer. Ça donne de la crédibilité. »

Les deux solitudes pas si seules ?

Si aujourd’hui le groupe respire un peu financièrement, par derrière ce pose toute la question du financement des artistes au Québec et au Canada. « Je ne pense pas que ça soit plus difficile pour les groupes anglophones d’obtenir des subventions au niveau provincial (Québec), c’est juste plus facile pour les groupes francophones, qui ont accès à beaucoup plus de programmes d’aide. Par exemple pour nous, faire une tournée de Cegep (équivalant du lycée en France), c’est impossible parce que l’on chante en anglais. » Côté gouvernement fédéral, les subventions baissent pour tous d’année en année et il est souvent plus difficile d’en obtenir une ; parfois plusieurs demandes sont nécessaires. Alors la scène franco et la scène anglo divisée ? « C’est assez inexplicable cette scission des deux mondes. D’un côté, il y a la clique des maisons de disques francophones, de l’autre, celles anglophones. Chacun a ses moyens de communiquer, son industrie, ses propres réseaux, ses publics. Puis parfois, les maisons de disques anglos disent que ça ne vaut pas la peine de se tourner vers les francophones, car ils n’écouteront pas notre musique. Nous on pense seulement que c’est au public de décider et pour ça, il faut qu’il ait accès à l’information. » Folly and the Hunter reste cependant un bon exemple de mixité, car il est composé de membres francos et anglos « C’est important pour moi que les francophones aient accès à notre musique, que l’on ne reste pas confiner au public anglo, on voudrait faire le pont entre ses deux scènes » explique Laurie, native de Montréal. « À l’inverse, il n’y a pas vraiment d’outils pour découvrir la musique francophone quand tu grandis dans un milieu anglophone ». Un bon exemple de ce que pourrait être la scène musicale à Montréal ? « Planète Québec, au festival South by Southwest (Austin, Texas), c’était organisé par le Ministère de la culture, c’était vraiment génial, il y avait une franche camaraderie entre les différents groupes, anglos et francos mélangés, qui étaient curieux de découvrir ce que chacun faisait, ça marchait super bien, peut-être justement parce que l’on était hors contexte ! »

Folly and the Hunter va entamer une tournée au Canada en première partie d’Aidan Knight http://aidanknight.com/. Pour les Montréalais, c’est le 22 mai au Cabaret du Mile End, pour la France… il faudra encore attendre un peu !

http://www.follyandthehunter.com/
http://www.outside-music.com

Yolaine Maudet
Photos : LePetitRusse

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