Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

MOPA « Tournée en Russie »

My Own private AlaskaMy Own Private Alaska (MOPA)
« Tournée en Russie »

My Own Private Alaska (MOPA) est un trio piano-batterie-chant dont l’inspiration s’étend du classique à Erik Satie jusqu’au screamo à la Envy. Du “rock” sans guitare ni basse ? C’est probablement cette particularité qui leur a permis d’être repérés par le producteur américain de The Cure et Slipknot dès la 1ère année de leur formation en 2007 et d’enregistrer leur  1er album “Amen” à Los Angeles. S’en suivront presque 3 ans de tournée dans plus de 25 pays à travers le globe, dont la Russie où 15 concerts se sont déroulés dans des circonstances peu banales. Tristan, pianiste du groupe en a profité pour écrire un report journalier qui retrace autant d’anecdotes insolites que de descriptions éclairées d’un pays encore sclérosé dans le communisme il y a quelques années.

Comment relater 15 jours de voyage en quelques mots, notamment quand l’aventure humaine et culturelle dépasse celle de l’aventure strictement musicale ? Il serait fou de ne restreindre cette tournée qu’à une succession de concerts. En route pour train, rock’n’roll et « pectopah »…

Tout d’abord, quelques mots sur la Russie : 31 fois plus grande que la France, 142 millions d’habitants, température hivernale moyenne en Sibérie occidentale : moins 27°C. Forêts et taïga couvrent 850 millions d’hectares. Durée du trajet du train reliant Moscou à Vladivostok : 168 h. C’est ce train que nous prendrons pendant 105 h cumulées pour sillonner la Russie jusqu’à Krasnoyarsk, ville de Sibérie située au nord de la Mongolie, à quelques heures de la Chine, notre destination finale.

Kiev (Ukraine) : Cheveux rouges, journal télévisé & karaoké.

Premier concert de la tournée. On s’aperçoit qu’un bon nombre de filles se sont teint les cheveux en rouge en hommage à mon style de coiffure. Ce sera une récurrence sur toute la tournée. Plutôt un hommage sympa… sauf que j’ai maintenant les cheveux colorés blancs et les filles font une drôle de mine…Ca me rappelle le live des Cure à Orange où Robert Smith jetait sa perruque dans la foule. En s’étant rasé avant le concert, il avait pris de court tous ses fans !

Difficile d’écrire ce que l’on éprouve lorsqu’on entend 200 fans hurler nos textes plus forts que nos propres retours… Certaines « vieilles » chansons du 1er EP comme « Ego Zero » ou « Die For Me » sont considérées comme des « hits » que les fans chantent en chœur. A ce moment-là, on se dit que ces chansons ne nous appartiennent plus, et qu’elles deviennent l’expression d’une vitalité et d’une liberté ukrainienne en pleine essor. Ces « one more song » qu’ils hurlent à la fin du concert résonnent comme autant de cris d’espoir d’une jeunesse ukrainienne en mal de reconnaissance.

A peine le concert terminé, nous nous faisons assaillir par les fans pour la séance de dédicace. Signatures sur les tee-shirts, les tickets de concerts et les CDs, mais à notre surprise, également sur les passeports, les billets du pays, les livres d’école… Comme une manière d’intégrer un petit bout de France dans leur pays.

L’heure passée à écrire nos remerciements nous procure vite des crampes. Quand finalement le promoteur local nous demande de nous libérer pour répondre aux télévisions. 1 nationale et 2 locales. Des questions sur notre vision de leur pays, notre préférence entre livre physique ou numérique, notre futur album, etc. Le tout suivi d’un micro-trottoir pour un passage télé en prime sur l’équivalent de France Télévision en Ukraine…

1 h du matin, on passe notre 1ère nuit dans une auberge de jeunesse pour ne dormir que 4 heures. Demain matin, on prend le train pour Kharkov la 2ème date en Ukraine. Durée du trajet : 6 h.

Kharkov (Ukraine) : Nouveaux morceaux, système D & police ukrainienne.

Située dans le Sud-Est du pays, Kharkov jouit également d’une grande jeunesse. Encore plus de 250 fans se bousculent pour hurler nos refrains et nous demandent de jouer les morceaux qu’ils préfèrent… Ce que nous ne manquons pas de faire, mais aussi, voire surtout, de leur proposer 3 nouveaux morceaux en «pré-production » issus d’un enregistrement fait par Baptiste B. le producteur de notre 1er EP. Depuis hier, les morceaux sont déjà sur le Net et les fans ont eu le temps de les écouter pour en chanter déjà quelques paroles ce soir…

Les moyens techniques disponibles dans les clubs ukrainiens ne sont pas toujours au top, et ne pouvant transporter notre matos qu’au strict minimum, il nous faut emprunter certains accessoires sur place, tels un stand piano ou un siège batterie par exemple. Ce soir, une table branlante en préfabriqué fera office de stand pour mon piano. Matthieu le chanteur chantera lui sur un mini tabouret… Rock’n’roll !

Une des raisons expliquant qu’il fait bon tourner dans les pays de l’ex-Union Soviétique, c’est qu’ils ont un régime alimentaire particulièrement sain et raffiné. Beaucoup de soupes (leur fameux Borch) et de légumes grillés ou cuits à la vapeur. Beaucoup de poulet aussi. Le tout dans des quantités assez modeste, ce qui semble expliquer le caractère exceptionnellement longiligne des filles (talons aiguilles mis à part). Aussi, le moment de manger est particulièrement important pour nous, on pourrait presque dire autant que celui de jouer ! On a d’ailleurs inventé un mot pour cet usage : le « PECTOPAH ». Lecture littérale française du mot « restaurant » en cyrillique. Lors de notre « pectopah » à Kharkov, un mec qui tenait à peine de debout nous questionnait lourdement à propos de choses incompréhensibles (même pour des russophones). La serveuse s’en est mêlée et on a vu débarquer les flics ukrainiens dans la minute. Autant dire qu’ils font pas semblant avec leur casque pare-balle et leur matraque…Une minute d’interrogatoire et le jeune mec s’était vu raccompagner vigoureusement dans la rue… La police a encore beaucoup de poids dans ce pays…

Minsk (Biélorussie) : Douane, monnaie & KGB.

En route pour Kharkov-Minsk. Durée du trajet : 16 heures de train. On n’arrive pas en Biélorussie sans l’inspection de douane obligatoire. Même dans les trains. 1 h d’arrêt tout spécialement pour ça. Un vinyle dédicacé au douanier et la négociation concernant le nombre de t-shirt que l’on transporte est réglé…

La Biélorussie vit actuellement une crise financière sans précédent. De ce fait, l’économie du pays est au plus bas, et le gouvernement cherche à réduire les dépenses publiques telles que les lumières des monuments historiques par exemple. Anecdote complètement folle: la monnaie biélorusse n’existe pas sur le marché des changes, leur économie fonctionnant en cercle fermé…Conséquence de quoi il nous est impossible de vendre notre merchandising. On statue unanimement de balancer des CDs et tee-shirts à la fin du concert. C’est la moindre des choses au regard à l’accueil qu’ils nous réservent…

Timing très serré, on arrive à la gare à peine 50 minutes avant de monter sur scène, le groupe de première partie étant déjà sur scène. On arrive dans le club sur le dernier morceau du groupe, on se met directement à s’échauffer : jambes, poignets et surtout cous, headbanging oblige ! Une banane pour certain, un Red Bull pour d’autre et hop sur scène. Au final, le concert le moins préparé de la tournée sera le plus intense. On n’a jamais ressenti autant d’impatience, d’excitation, de positivité et de jouissance du moment présent que dans ce parterre de fans biélorusses. Ce sentiment de se faire porter par la foule n’a vraiment aucun égal. Et on a donné ce soir-là, grâce à cette énergie du public, bien plus que ce que l’on est capable de donner dans des circonstances plus sobres.

Encore une séance dédicace très soutenue, puis direction le « pectopah » du coin : poulet grillé avec du fromage fondu précédé d’un excellent Borch et d’une bière locale ! Puis direction la ville pour une excursion de nuit. Au programme, le centre ville de Minsk et ses immenses jardins et places historiques. Il est surprenant de constater que certains immeubles publics ne sont plus éclairés, tels celui de l’ancien KGB, situé en plein centre ville, sombre et silencieuse demeure au milieu de l’agitation de la rue principale à six voies.

Saint-Petersburg : Architecture, mode & punk attitude.

16 heures de train. Le temps de faire une “bonne” nuit de 10h dans les couchettes qui n’ont rien à envier à nos trains… des années 50 ! Les 6 heures restantes servent à admirer les incommensurables forêts de bouleaux russes. 6 heures à raison de 500 arbres à la minute, ça en fait pas mal…

Qu’il est bon de revenir dans cette ville où bâtiments des plus colorés et spectaculaires s’enchaînent à perte de vue au bord du Golfe de Finlande. Témoins d’un passé glorieux basé sur les remparts de l’invasion finlandaise. La citée de Peter 1er  est « La Venise du Nord ». Ici, on nous répète qu’il y a 1 fille pour 2 garçons… et on comprend peut-être mieux pourquoi elles sont autant apprêtées : talons aiguilles, tailleur, décolleté et maquillage de rigueur pour immense majorité d’entre elles. La concurrence est aiguisée, et les yeux n’ont jamais fait autant de gymnastique…Cette tendance qui consiste à s’habiller en plein jour, quelle que soit la température (au demeurant très agréable à cette période de l’année), comme nos Européennes le feraient pour sortir le soir ou pour un entretien d’embauche, est vraiment une caractéristique russe très dépaysante.

Sur scène, c’est la 1ère fois depuis le début de la tournée que le public manifeste sa présence aussi modestement. Et pour cause, c’est la 3ème fois que l’on joue à St-Peteresburg en un an et demi, et le prix d’entrée à été multiplié par 3, frais de tournée oblige. Les fans, sensiblement plus âgés, et connaissant déjà bien nos anciens morceaux, sont plus à l’écoute des nouveaux titres. On se sent moins portés que le concert de la veille, et on doit aller puiser plus profondément l’émotion pour finalement donner un final digne des scènes les plus punk : pied de micro cassé en 2, cymbales fissurées et piano à moitié détruit par terre. Jouer du piano en marchant dessus ne m’était pas arrivé depuis le concert des Eurockéennes de Belfort l’an dernier…

Séance dédicace encore très soutenue pendant laquelle une fan nous montre sa jambe entièrement tatouée des textes de notre chanson « Amen ». Ces mots « résonnaient en elle comme une certaine vérité » disait-elle. Un hommage qui me flatte et m’effraie en même temps. Elle portera ça à vie quand même ! Notre célébrité est vraiment très prononcée ici…Et le retour que nous font les fans sur ce que notre musique leur procure nous conforte dans l’idée que notre démarche musicale va plus loin que la simple écoute musicale. Une douche (la 1ère depuis trois jours…c’est dur de se doucher dans un train !) et en route pour notre prochain train de nuit pour Moscou. Durée estimée : 10 h.

MOSCOU : Gigantisme, trafic & implication musicale.

Moscou, la ville aux 25 millions d’habitants. Quasiment la moitié de la population française. Ici, les voitures sont légions et la ville n’a rien à envier aux villes américaines, bien au contraire. Buildings et rues à huit voies se côtoient aisément. Bien sûr le style est plus « grossier », typiquement soviétique, mais un vrai charme émane de cette ville. Les monuments récents se juxtaposent en témoignage d’une ville en perpétuelle expansion. La légende veut que 1000 personnes par jour viennent habiter à Moscou…Ici, le trafic est dense, et la pollution palpable. Les passages piétons sont des immenses tunnels où l’air est irrespirable. Partout dans la ville, il est curieux de voir l’omniprésence des 4×4 (état des routes oblige) et des Lada (voitures soviétiques par excellence) se côtoyer comme symbole du passage d’un régime politique à un autre.

Ce soir, le concert est probablement l’un des meilleurs que l’on n’ait jamais donné ; dans la lignée de celui de Minsk. Le public, chiffré à plus de 300 personnes, est ici impliqué jusqu’au paroxysme : Matthieu vient chanter le final de « Just Like You And I » au milieu de la fosse. Et tous les fans de le reprendre en chœur. Pendant plus de trois minutes, la communion musicale est à son comble, le public et nous ne faisant plus qu’un. C’est un intense moment de partage. Dans ces moments-là, on sait pourquoi on passe des centaines d’heures dans des trains sans se laver, à mal dormir à des milliers de kilomètres de nos familles…

Ce soir, un autre fan nous montre un tatouage avec notre nom de groupe sur son avant-bras. Commencerait-on à s’accorder le droit de s’habituer à ces pratiques ? Depuis le début de la tournée, les ventes de tee-shirts sont énormes. On n’a quasiment plus de vêtements homme alors qu’il nous reste encore 5 concerts avant la Chine…Les CDs, eux, partent moins vite, la culture du piratage étant très encrée ici.

En route pour notre prochain train à destination de Nizhny Novgorod. Durée du trajet : 7 h. Et ces arbres, toujours ces milliers d’arbres qui bordent la voie ferrée. D’une manière ou d’une autre, il ne serait pas étonnant qu’ils nous inspirent pour le prochain album…

Nizhny Novgorod : Kremlin, nez qui coule & lutte anti-dépression.

On a la chance d’avoir une chambre d’hôtel dans l’hyper centre de la ville. Une petite sieste, session FaceBook avec les fans, Skype avec nos familles, et c’est parti pour la visite du Kremlin (gouvernement) local situé sur une colline à 200 mètres de notre chambre et dominant toute la ville. Depuis là-haut, on a une vue panoramique sur les deux fleuves qui se rencontrent (les pétroliers y voguent, les bateaux de fret aussi.) Les églises orthodoxes aux toits dorés côtoient les maisons de maître et les bâtiments publics colorés en vert ou rouge pastel. Le tramway passe dans les rues, et au loin, les voitures sillonnent les gigantesques ponts qui font la fierté des habitants. Plus loin, toujours ces arbres qui remplissent les vides que laisse la ville.

Un peu de vent, quelques minutes d’immobilité pour s’imprégner de l’atmosphère du lieu… et j’attrape froid. Nez qui coule et éternuements. Je ne suis pourtant jamais malade. Mais la fatigue doit ici avoir raison de mon corps. C’est difficile d‘empêcher le fluide de tomber lorsque que l’on joue du piano comme un punk. Surtout quand on a les deux mains occupées. Et ce sera comme ça pendant encore deux concerts avant que je ne refile mon rhume à mes compères. Solidarité oblige !

Le bar-concert est de nouveau bourré à craquer. On s’y habituerait presque ! Les jolies filles devant, les « hardcore fans » chantant les paroles en chœur et les observateurs derrière, en hauteur et sur les côtés. Matthieu, présente maintenant « Anchorage » comme étendard d’une cause dont il faut sortir plus fort. Il en profite en effet pour faire savoir qu’on monte un grand projet sur le thème « MOPA / transformer le négatif et positif  à travers l’Art » en partenariat avec plusieurs associations de lutte contre le mal-être, le suicide, la dépression, le repli sur soi. Ce thème fera partie intégrante de notre prochain album puisque la moitié des textes sera issue des témoignages des fans ayant vécus des histoires en lien avec ces tragédies. Notre musique nous aide (ainsi qu’à nos fans) à aller mieux. Il nous paraît naturel de rendre la pareille et de s’engager encore davantage dans l’implication de « la problématique humaine ». Au-delà de la musique, il y a l’Art, au-delà de l’Art, il y a l’Homme, au-delà de l’Homme, il y a la Vie. Ne jamais oublier ce principe. (Cf. Partenariat UNPS www.myownprivatealaska.com).

La prochaine ville est à 23 heures de train à travers la forêt russe. L’Oural se profile, et il donne un relief nouveau aux arbres qui sombrent dans des marécages invisibles. Ce tableau vivant que représente notre fenêtre du compartiment de train est d’une absolue magnificence.

Yekaterinburg : Linge sale, hospitalité & after-show

Ca peut paraître incongru, mais la seconde question que j’ai posée à la personne nous accueillant dans son appartement est “Avez-vous une machine à laver ?”. (La première étant “Bonjour, vous allez bien ?”.) Ca fait maintenant huit jours que l’on tourne et le peu de vêtements propres qu’il nous reste dans nos valises s’est considérablement amenuisé (au profit du merchandising prioritaire dans chacune de nos valises), et je me vois mal évoluer en société avec un caleçon de plus de 3 jours…Trop de rock’n’roll tue le rock’n’roll, c’est bien connu. Alors vive les vêtements propres !

Il est fou de voir combien les gens sont courtois et font preuve d’une hospitalité rare. C’est seulement le lendemain du concert que l’on s’est aperçu que les propriétaires de l’appart avaient dormi par terre, nous laissant leur lit et canapé…Nous pensions qu’ils iraient chez des amis ou des parents. Et leur petit cadeau de bienvenue nous a vraiment surpris : des ballons accrochés les uns aux autres en forme de cœur… Parfois on espère qu’ils ne nous confondent pas avec Bon Jovi…

En toute pudeur et modestie, ce soir était encore un concert blindé et complètement taré. Des bouts de cymbales ont volé, des câbles ont encerclés des fans… Mais surtout, un fan s’est trouvé en phase avec sa Vie. « Would You Die For Me, If I Say Please » le morceau que tous les Russes attendent et dont les textes résonnent avec la vie de certains fans. Celui-là, à la première note, est monté sur scène avec nous et s’est approprié la chanson. Il n’interprétait pas, non, il vivait littéralement avec la chanson, faisant corps avec elle. D’habitude, on déteste les mecs bourrés qui montent sur scène et nous emmerdent à danser et slammer comme des bourrins. Il n’était pas question de ça ici, et je n’ai pas honte de dire que l’attitude et l’émotion de ce fan m’ont fait pleurer. Ce fan m’a bouleversé et nous a fait, sans le savoir, un merveilleux cadeau.

Il est tant de fêter tout ça lors d’une « after » dans le bar d’à côté. Ici, aucun scoop : shoots de Vodka à volonté offerts par les fans, filles superbes et musique rock étaient de la partie. Un petit cigare pour fêter ça. Les Russes savent faire la fête, enfin ils savent boire je veux dire, ce qui n’est pas loin d’être la même chose en ces terres lointaines. Je crois bien que le taxi qui nous a ramené à l’appartement, doit maintenant détester les Français…Quelques heures de sommeil ne sont pas de trop avant les 20 prochaines heures de train pour la Sibérie !

Novosibirsk : Arbres jaunes, statues géantes & pub irlandais.

Ces arbres à perte de vue hantent nos pupilles depuis 10 jours. Ils ont maintenant changé de couleur, passant du vert au jaune-orangé, et ils m’obsèdent de plus en plus. J’irais bien me perdre dedans si j’en avais l’occasion. Ca me rappellera quand j’étais gamin chez ma grand-mère dans la forêt de Fontainebleau. Ca tombe bien, cette dernière est Russe, née à Saint-Petersburg…

Le temps de prendre un taxi fou (ou taxi tout court, ça suffit ici) à base de carénage sport, suspension hypra-souple et son hip-hop, et nous voilà au restaurant hype du quartier de Novosibirsk, 3ème plus grande ville du pays. On ne se réinvente pas : un bon Borsch, un poisson entier, une bière locale et des écrans plats à base de BMX font passer la fatigue au trépas…

Le concert de ce soir est assez « sage » comparé aux autres. Sur les 400 personnes présentes, une bonne moitié est dispersée aux 4 coins de la salle qui regorge d’endroits plus intimes. Mais sage en Russie équivaut à intense en France, et la passion de ce peuple pour notre musique nous transporte toujours autant. Une séance dédicace épuisante (les ouvreurs sont obligés de nous venir en aide si on ne veut pas se faire écraser par les fans impatients) et nous partons pour une petite visite en ville.

C’est incroyable la démesure des monuments et des statues russes. A l’image de la grandeur de leur pays, certes, mais ça m’impressionne toujours. Dans chaque ville il y a un Lénine géant qui donne le LA et pointe du doigt la direction de Moscou. On termine cette soirée par un pub irlandais (sic), seul bar ouvert le dimanche soir passé minuit. A l’intérieur, on cherche les gens : personne, et pas plus d’Irlandais que de Chinois dans un restaurant mexicain…Une bonne Kilkenny, des tapas piquants et au lit. Il est bon de se (re)poser dans des endroits calmes parfois.

Tomsk : Nids de poule, universités & « la Mocquet ».

Tomsk, ville du XVIème, une des plus anciennes de la région, n’a pourtant pas de gare. Contrairement aux 10 derniers jours, on oublie le train et on s’y rend en van. Le promoteur de la soirée est venu nous chercher à Novosibirsk dans la nuit et a dormi dans le van en nous attendant…Encore une preuve de l’implication de ces gens. Mais parlons des routes en Russie : les distances entre 2 villes sont tellement énormes qu’entretenir les routes relève du fantasme. On a tous roulé sur des nids de poule, mais là, on est hors catégorie. Parlons plutôt de nids d’autruche ! Il y a fort à parier que les vendeurs de pneus et suspensions en Russie soient aussi riches que les exploitants de gaz ou de pétrole ! Après 4 heures de route, d’arbres jaunes et sapins, nous voilà à Tomsk.

600.000 habitants pour 300.000 universitaires, je vous laisse faire le compte de la jeunesse de cette ville. Polytechnique et informatique par ci, pharmacie et sciences humaines par là, cette ville de Sibérie dont le record de température hivernal a atteint les moins 56° C, attire pourtant des étudiants du tout le pays. Un tour dans les rues de la ville aux forts accents américains, et on comprend vite l’ambiance qui y règne. Ici, on parle anglais très facilement, et le niveau de vie à l’air plus élevé qu’ailleurs ; tout du moins, pour une ville de « campagne ». Le concert de ce soir s’annonce donc particulièrement sympa !

Malgré la crève de Matthieu au chant, et les problèmes de matos de Yohan à la batterie, on a encore vécu un concert dont on se souviendra, avec notamment une séance dédicace / interview où les fans pouvaient nous poser leur question en russe, traduite en anglais par le promoteur. Cette proximité et disponibilité réciproque nous rapprochent encore plus de nos fans et on se dit que l’on vit vraiment une aventure d’une grande rareté.

On a aussi partagé la scène pour la 2ème fois de suite avec des jeunes screameux de Novosibirsk qui n’ont pas plus de 20 ans, mais qui vivent le rock’n’roll comme s’ils faisaient ça depuis 50 ans… En fin de soirée, ils ont fait honneur à leur pays (ou pas) en se saoulant jusqu’à la moelle, à base de vodka, de cigarettes, de pizzas et de discours tout fait sur la vie et le rock’n’roll.

Le temps d’une dernière photo de groupe pour célébrer cette soirée de fou, et on reprend notre van pour la gare de la ville d’à côté, où notre bon vieux train de nuit doit faire escale… une minute ! Plus on avance et plus notre tour manager Andrey (qui nous accompagne sur la tournée et qui nous booké toutes les dates en Russie), regarde sa montre et parle de plus en plus vivement au chauffeur qui répond de manière semble-t-il assez laconique… Entre eux, le ton monte et la vitesse du van également. On comprend que l’on est en retard et que l’on va rater le train. Si tel est le cas, on va devoir annuler le concert du lendemain car il n’y a pas d’autre train avant tard, le lendemain. On est assez paumés dans cet endroit de la Russie. On demande à quelle heure doit arriver le train, pas de réponse d’Andrey, trop concentré à préparer toutes les affaires pour sortir le plus efficacement possible et courir sur le quai. Finalement, le van arrive à la gare en trombe, on porte piano de 40 kgs et valises de 25 kgs à bout de bras et on « court » jusqu’au quai 2 où notre train arrive à ce moment précis ! On traverse les rails devant la police ferroviaire qui comprend vite notre situation et on choppe de justesse le train qui redémarre 10 secondes après notre arrivée. Tout s’est joué à la seconde près ! Selon Yohan et Matthieu, avoir de la chance porte un nom :« La Mocquet », celui de mon nom de famille. Je touche du bois. Il est 3 h du matin, on est à 9000 kms de Toulouse et on rattrape notre fameux train pour notre dernier concert à Krasnoyarsk.

Krasnoyarsk : Toyota, Sables d’Olonne & Vodka-Red Bull

6 h de train plus tard, on arrive dans une autre ville démesurée aux buildings omniprésents. On est en tee-shirt en pleine Sibérie et les voitures ont le volant à droite. Etant très à l’Est, les Russes n’hésitent pas à ramener leur voiture du Japon où elles sont plus cheap que les Européennes et plus fiables que les Lada russe lors des températures négatives. Il est étrange de « conduire sans conduire » en étant placé devant à gauche.

On arrive devant le club où on jouera le soir, mais on nous prie de ne pas rentrer : on pourrait prendre peur…On entre malgré tout et on découvre un lieu complètement atypique avec des tourniquets pour enfant en guise de table, des bibliothèques en guise de porte et surtout du sable partout : sols, murs, plafonds, chaises, tables, verres. Les Sables d’Olonne, sortez de ce bar ! Impossible de savoir ce qu’il s’est passé la veille ici…Sûrement une sorte d’hommage à la fin de l’été avant que la neige ne revienne prendre ses droits dans cette cité sibérienne. On ressort pour aller se reposer dans une chambre d’hôtel. On reviendra balancer dans quelques heures lorsqu’ils auront fini d’aspirer tout le sable. Balance qui s’avérera être la pire depuis le début de tournée, conditions techniques désastreuse oblige : retours, matos, techniciens en bois. Ce sont des choses qui arrivent. Mais la bonne volonté regagne vite le dessus et le concert sera à la hauteur de la joie des 260 fans présents.

Les éternelles dédicaces sur les bras, les billets de banque, les livres d’école, une dernière interview sur notre vision du screamo français et des groupes le composant, et on arrive à la fin de l’histoire. Direction le bar, où une douzaine de shoots nous attendent tels des soldats de l’armée russe prêts à assaillir nos gorges et nos cerveaux…

La Vodka, c’est bon mais dangereux. Un peu comme notre absinthe de jadis. Tellement bon (ou dangereux, au choix) que l’on a appris à la toute fin de la tournée qu’Andrey, notre tourneur Russe, avait appelé tous les promoteurs des salles pour ne pas nous fournir de Vodka avant ou après nos concerts… Tout ça à cause d’une petite « after party » qui s‘est terminée dans les nuages à Yekaterinburg…

Il est maintenant temps de quitter ce pays qui nous a tant donné et apporté. Après plus de 105 heures de train à travers le pays, l’aventure humaine et musicale que l’on a vécue là-bas est tout simplement hors du commun et c’est avec émotion et amour que nous quittons ce peuple dont nous nous sentons très proche. Des gens immenses, sensibles, et généreux. A l’image de leur pays.

MOPA

ARTICLES SIMILAIRES