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THERAPIE TAXI

 

Thérapie Taxi, leur album Hit sale sur Longueur d'Ondes

Un an après son apparition et un premier EP remarqué, Therapie Taxi est déjà devenu plus qu’un groupe, quasi un phénomène de société. Il faut dire que le trio, par ses textes sulfureux, a réussi à déchaîner les passions sur le Web. Leur premier album attendu au tournant ne manquera pas, à coup sûr, d’exciter les esprits et d’alimenter les polémiques.

Groupe emblématique de l’uberisation de la société pour les uns, nouveaux petits génies pop pour les autres, Therapie Taxi suscite les débats et les controverses, ce qui est déjà un sacré atout dans sa manche. À l’intérieur même des rédactions musicales, les avis sont partagés sur eux. Les “puristes” musicaux les considèrent comme un groupe qui a vendu son âme au diable pour le succès public et ne s’avère être qu’un simple produit marketing, prêt à la consommation. Therapie Taxi adopte une position saine par rapport à toutes ces petites querelles, se foutant pas mal du qu’en dira-t-on et gérant de façon particulièrement mature les potentielles polémiques qui pourraient naître autour d’eux : “Cela ne nous dérange pas que certains nous considèrent comme un produit marketing. Dans la musique, tout l’est, même le truc le plus indé. Eddy de Pretto, c’est marketé à fond et c’est très bien. Bien sûr que nous sommes un produit puisque nous avons un label et que nous développons une image. Une image qui nous ressemble, certes, mais qui en reste une. Même le punk était formaté. Les Pistols, c’était quoi, sinon du marketing ? On se moque de savoir si nous sommes considérés comme mainstream ou pas. Il y a plein de trucs “commerciaux” que nous aimons, à commencer par Céline Dion ou d’autres moins avouables. Dans la production dite commerciale, tu trouves des choses qui sont faites avec une grande sincérité et c’est cela qui importe”?

Adélaïde, Raphaël et Renaud font preuve d’une grande sagesse pour des garçons et fille de leur âge (à peine 25 ans en moyenne) et acceptent avec une grande humilité les critiques, même les plus blessantes : “Cela ne fait pas forcément plaisir mais on les comprend. Nous l’acceptons. Cela fait partie du métier. Autrefois, dans la presse musicale, tu trouvais des avis positifs comme négatifs. Aujourd’hui, tu n’as plus que des articles élogieux. Encore heureux qu’il y ait des gens qui critiquent ton travail. Lorsqu’un journaliste n’aime pas un truc, il n’en parle pas, c’est dommage. C’est sain qu’il y ait débat autour d’un groupe. Nos amis ne sont eux-mêmes pas toujours tendres avec nous et ça nous permet d’avancer. Ils savent nous dire quand des trucs ne sont pas terribles. Si tu n’as autour de toi que des gens qui te sucent la bite, tu n’apprécies plus la fellation”.

Tout cela est dit de la façon la plus naturelle possible car s’il est un reproche que l’on ne peut pas faire à Therapie Taxi, c’est celui de tricher. On sent chez eux une vraie honnêteté qui transparaît dans leurs paroles, dans leurs lives, dans leur simple façon d’être. Leur univers sexe, drogues et rock’n’roll pourrait ne reprendre que les clichés les plus éculés du rock mais il est le reflet le plus juste qui soit de la jeunesse actuelle. Il se crée de ce fait entre eux et leur public un vrai effet miroir. “On ne se proclame pas les porte-drapeaux de notre génération. Ce serait bien prétentieux. Nos textes reflètent ce que nous sommes. Ce sont les vies de bien des jeunes d’aujourd’hui : les ruptures amoureuses, la jalousie, les fêtes, les drogues, le sexe… Nos textes sont des histoires de vie. Il est normal que nombre de gens s’y retrouvent et pas seulement les jeunes, d’ailleurs”.

Thérapie Taxi, leur album Hit sale sur Longueur d'Ondes

Ils décrivent ainsi le vécu de leur génération de la manière la plus juste qui soit, souvent crue, parfois presque violente, mais sans la moindre volonté de provoquer. “Crystal Memphis” pourrait ainsi passer pour une apologie de la cocaïne mais il n’en est rien. Le morceau est juste le reflet de notre société. “Il n’y a pas de choses que l’on n’assume pas. Ce morceau est léger et il n’y a pas de sous-texte dedans. On décrit juste le réel. De la coke, il y en a dans les soirées. Nous ne sommes pas des moralisateurs. Nous ne jugeons pas. Chacun fait comme il veut et comme il le sent. Pour les drogues, chacun doit faire avec son équilibre interne. Il suffit d’être bien avec soi-même pour bien gérer les choses. On fait chacun la fête à notre manière avec plus ou moins de drogues”.

Le groupe avoue d’ailleurs continuer de beaucoup sortir, de s’amuser mais ce premier album n’est pas, loin de là, le disque de nuits et de débauches que l’on aurait pu imaginer. Il est au contraire plus sombre, plus triste, avec une gravité que ne laissait pas supposer leur EP. Les membres du groupe avouent d’ailleurs avoir écrit certains morceaux dans un but thérapeutique. Les titres autour des soirées arrosées ne parlent d’ailleurs pas toujours du côté joyeux de celles-ci mais plutôt des lendemains difficiles, de ses gueules de bois du petit matin, à l’instar de “Zorba” ou dans une moindre mesure “Cri des Loups”. “On voulait donner plusieurs dimensions à l’album à l’instar de ce que nous avions fait sur notre quatre titres : une qui tournerait autour de la fête, une autour de l’amour et une dernière sur la déconne. Celle-ci aurait été à l’image du morceau “Jean- Paul” sur l’EP mais elle n’a pas fonctionné. On avait plusieurs titres dans le genre mais ça ne collait pas avec le reste de l’album, ça manquait de profondeur. C’est dommage parce qu’il y avait un titre très marrant sur lequel je raconte que je n’arrive plus à bander et où l’on entend des voix mystiques disant : “0h mon fils, tu ne pêcheras plus jamais. » Mais on avait peur que les gens ne captent pas le second degré. On l’a laissé de côté du coup”.

Cela n’empêche pas le groupe de parler énormément de sexe mais justement d’un sexe pas toujours joyeux, à l’image de “PVP”, morceau à la cruauté mordante digne des plus grands rapports sadomasochistes. Raphaël raconte : « J’ai écrit ce morceau en réaction à un truc qui m’est arrivé et qui m’avait vraiment foutu les boules. C’est le dernier morceau que l’on a écrit pour l’album. Il a été mis une semaine avant le mix final mais c’était important pour moi qu’il soit dessus. On parle ici des relations actuelles qui sont de plus en plus libres avec un rapport à la jalousie très particulier. »

C’est dans cette dimension sexuelle que le groupe se révèle important à l’heure de l’affaire Weinstein, du renouveau féministe, des débats sur le patriarcat et d’une société queer qui risque de balayer les vieux tenants d’un ordre révolu, poussiéreux et daté. Comme le dit le groupe lui-même, les réactions auraient sans doute été différentes si cela n’avait pas été Adèle qui poussait la voix sur “Salope” mais l’un des deux garçons. On sait ce qu’il en a été pour Orelsan avec un titre du même acabit… “C’est important que les femmes puissent avoir les mêmes lyrics que les mecs. C’est comme ça que les meufs s’expriment dans la vraie vie. Quand c’est une meuf qui dit “J’ai envie de te baiser”, cela change tout par rapport à un mec qui le dirait. Aujourd’hui, il y a tout un mouvement de rap féminin avec des paroles très crues
qui nous intéresse beaucoup”.

Therapie taxi, leur album Hit sale sur Longueur d'Ondes

Le groupe soutient d’ailleurs totalement le mouvement qui a été créé spontanément par les femmes au moment de l’affaire Weinstein et approuve l’initiative Balance ton porc : “Tout ce qui s’est passé à ce moment-là est important. Cette liberté de parole est primordiale. Ce mouvement est un mouvement de libération. C’est une bonne chose que les filles, les femmes disent ce qu’elles ont sur le cœur. Tout cela amène à un progrès évident pour la société, pour les nouveaux rapports femmes / hommes. Lorsque l’on a vu Florence Darel à la télé, la rage qu’elle avait pour balancer tout ce qui lui avait pesé depuis trop longtemps, cela nous a marqué”. Le trio assume pleinement cette mutation avec des rôles parfois inversés entre la femme et l’homme, à l’instar de la pochette de l’album où les deux garçons semblent cabossés par la vie alors que la femme semble être toute puissante. “On a voulu cette pochette car elle interroge sur la place des sexes. Cela nous intéresse de créer le flou autour du genre”. Malgré ce positionnement féministe voulu et assumé, le groupe avoue que tout n’est pas aussi simple dans les interprétations possibles faites par le public. “Les choses peuvent toujours être mal comprises. Par exemple, certains ont trouvé notre morceau “Hit sale” misogyne alors qu’il est tout le contraire. C’est l’histoire de la soumission d’un homme vis-à-vis d’une femme. Il se fait même violer par elle à la fin”. Le groupe souhaite d’ailleurs qu’il y ait différents niveaux de lecture possibles sur ses textes comme avec “J’en ai marre” qui peut être lu comme la déclaration d’une fille annonçant à son mec son ras-le-bol des hommes pour devenir lesbienne ou comme un “J’en ai marre de la dépression”!

Thérapie Taxi

“Cela nous intéresse de créer le flou autour du genre”

Par ses textes et ses positionnements, ils ne sont pas, contrairement à ce que pensent certains, le reflet de la vacuité sociétale actuelle mais bien l’exact contraire. Et ce n’est pas parce que leur musique est aussi faite pour danser, qu’elle n’est pas faite pour penser. Il y a toujours eu dans l’histoire de la pop-music, même lorsqu’elle était conçue pour les night-clubs, une dimension politique. Le disco par exemple a surtout été le plus grand bouleversement sexuel de tous les temps, l’affirmation enfin possible d’une homosexualité revendiquée et assumée et, à travers des textes sur le désir, une volonté d’épanouissement et d’égalité sexuelle. Therapie Taxi se retrouve dans ce positionnement : “On cherche à faire danser les gens. C’est important pour nous. C’est l’un des trucs qui nous animent. Notre but est d’inviter les gens à venir nous voir sur scène. On a écrit un morceau “Musique de club-musique moderne” qui n’est pas sur l’album, mais que l’on joue en live. On aime la house, la techno. Nous voulons créer un état de transe. L’un de nos regrets est de ne pas avoir sur cet album deux ou trois morceaux dans un style “boum-boum” avec juste deux, trois paroles derrière… Après, on ne fera jamais de la dark-techno, c’est sûr”.

Souvent comparé à La Femme, le groupe aime comme eux le décalage et le second degré. Ils revendiquent d’ailleurs une certaine filiation avec ce combo mais plus par la volonté d’un chant en français assumé que par une similitude musicale. “Nous leur sommes redevables d’avoir remis le français au goût du jour. On aime leur univers. “Nous étions deux” est l’un de nos morceaux préférés de tous les temps”. Mais davantage qu’à La Femme, Therapie Taxi rappelle, tant musicalement que par la position qu’ils occupent dans la scène française, le duo frenchy but chic Elli & Jacno. Ils proposent comme eux une délicieuse pop synthétique capable de plaire tant au milieu arty qu’au grand public sans se préoccuper d’avoir une possible image mainstream. Au début des années 80, on pouvait entendre Elli & Jacno tant au Palace que dans les centres commerciaux ; la musique de Therapie Taxi a incontestablement ce même potentiel, un pied chez les branchés, un autre chez Monsieur tout le monde. Et comme chez le duo phare des 80s, il y a ces questionnements sur l’amour, le couple et les références aux drogues… “Et tu tapes ta trace” pour les uns, “Un peu de beauté plastique pour effacer nos cernes. De plaisirs chimiques pour nos cerveaux trop ternes” chez les autres. S’ils deviennent les Elli & Jacno du XXIe siècle, leur pari aura été réussi. C’est tout le malnqu’on leur souhaite.

>> Site de Therapie taxi

Texte : Pierre-Arnaud Jonard

Photos : Christophe Crénel

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