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Soviet Suprem

Un petit bonbon Haribof et au goulag !

Quand la France joue la carte de l’Ouest depuis des décennies, le Soviet Suprem, lui, choisi de tourner son regard vers l’Est, et compte bien déclencher la révolution chez ses sympathisants. L’association déjantée de R-Wan du groupe Java et de Toma de La Caravane Passe…

Soviet Suprem - Nico Pulcrano - Longueur d'Ondes

Leur concept est de prendre le soviétisme comme une figure de style pour faire de la musique. La règle est simple : “On s’interdisait beaucoup de choses de par le patronat dans nos autres projets. Là, on ne veut pas de limites, c’est la récré !” Les personnages, créés de toute pièce, sont à la hauteur des principes du Soviet Suprem. R-Wan a deux costumes, un de goulag et un de général. C’est un bon bougre. Il se fait appeler Sylvester Staline. Son camarade, John Lenine, est le mélomane, celui qui se prend la tête, et d’après R-Wan : “Il me mettra un jour au goulag car c’est un traître ! On vit dans une époque où il faut remettre un peu d’ordre. Moi, j’aime le stalinisme. D’ailleurs, j’ai beaucoup d’amour pour la Corée du Nord.”

Rencontre

Toma : “Je travaille de temps en temps avec un ami, DJ Tagada, qui fait de la java des Balkans. C’est un grand fan de R-Wan, il passe sa chanson un peu russe (“À pic”) dans toutes ses soirées. Un jour, il m’a demandé de l’emmener pour toaster. Ce jour-là, R-Wan est devenu Sylvester Staline.”
R-Wan : “Le point commun entre ce que je fais avec Java et ce que fait Toma avec La Caravane Passe, c’est que nous avons tous les deux créé notre propre tradition et notre propre musique traditionnelle. Et puis, dans cette soirée soviétique, on était tous les deux moustachu et on portait une croix communiste. La machine était lancée !”

Propagande

Issus tous les deux de l’Est parisien, ils programment une opération de réorientation de la France. Tournant le dos au hip-hop bling-bling, ils proposent à leur public de changer d’axe et de pivoter vers le renouveau. “Je viens d’une banlieue rouge, Vitry-sur-Seine”, explique R-Wan. “J’ai grandi avec André Lajoinie et Georges Marchais. Et petit à petit, mes parents ont trahi le contrat social pour s’embourgeoiser. Je leur en ai beaucoup voulu. De plus, une partie de ma famille a choisi de s’exiler aux États-Unis. C’est leur choix, mais je n’hésiterai pas à les mettre au goulag, parce que c’est la décadence. Moi, j’ai choisi mon camp.” Toma surenchérit : “Les États-Unis, c’est terminé. Le capitalisme est mort. La crise l’a montré !”

Fuyant la dictature du patronat, ils reprennent pourtant dans leur live des morceaux de leurs projets perso. “Il faut bien donner au peuple un petit sucre de temps en temps”, concède Toma. “Ils ont leur ticket de rationnement, ils ont droit à leur bonbon Haribof ! Il faut savoir vulgariser notre discours. La vulgarisation, c’est la propagande, et puis, un petit “Zinzin Moretto”, ça leur fait plaisir… Nous allons beaucoup développer le show. Il y aura un goulag sur scène. On y mettra les gens du public un peu trop bourrés.”

Hyperactifs

En plus d’être follement créatifs et sans limites, ce sont aussi des hyperactifs de l’écriture. Toma : “Je compose d’abord les musiques chez moi. On en discute, je réajuste. J’ai une belle datcha prolétaire, un petit peu trop prolétaire pour R-Wan, mais moi j’adore. “C’est pas grand, mais il y a de la place”, comme disait Jacques Brel. Donc, on branche deux micros à la maison, on pose un flot improvisé tous les deux dessus afin de trouver la répartition des voix et après, R-Wan prend sa plume et se met au service du Soviet Suprem.” L’intéressé d’jouter : “Suite au morceau de MC Jean Gab’1, “J’temmerde”, nous avons fait un morceau qui s’appelle “J’t’importune” parce que nous sommes polis. On descend toute la chanson française. Il y a aussi une chanson d’amour, “Rongtakaktik” ; elle raconte comment un mec qui s’est fait larguer a tenté de la Bertrand Cantater. On est plein d’amour… Les thématiques des textes, c’est le soviétisme, mais au sens de l’internationalisme. On ne s’interdit rien. L’idée, c’est de propager ça partout.” Toma : “Il y a aussi un morceau sur le Bolchoï. C’est un grand club de danse, un vrai dancing russe, avec des grosses femmes qui dansent au ralenti. Tu as donc deux solutions, soit tu aimes le destroy et tu y vas, soit tu as le jetlag, tu es en décalage horaire, et tu vas au goulag. C’est ça les paroles !”

 

Ils sont parfois surnommés les “Beastie Boys des Balkans” et, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ils assument totalement ce titre. Cependant, leur délire va bien plus loin que ce nom aux consonances anglophones. La chose s’est imposée à eux, le groupe sera le Soviet Suprem. “Il y a des Noirs aux États-Unis qui se sont appelés les Wu-Tang Clan pour faire de la musique Shaolin”, lâche Toma. “Donc nous, en tant que Parigots, on va faire du rap soviétique. Quand il y avait des problèmes ou des jugements à rendre en URSS, on réunissait le Soviet suprême. On s’est dit : c’est ça notre projet !” R-Wan précise : “Nous sommes issus de la France des clochers et nous aimons cette France, on a envie de la revigorer. On ne va pas se laisser emmerder par Marine Le Pen ! Le camarade Mélenchon, lui par contre, aura sa datcha, on va réquisitionner celle de Guillaume Canet !”

En attendant l’album courant 2014, rendez-vous le 24 octobre pour la “Soirée détonante” de Longueur d’Ondes au Pan Piper, à Paris (11e).

Johanna Turpeau
Photo Nicolas Pulcrano

 

 

Réponse de la Pravda !!!

Cher Longueur d’Ondes,

Le Comité Central du parti vient de lire votre article sur le Soviet et regrette infiniment que vous ne soyez pas préalablement passé par le bureau de la censure. Il semble que nos représentants sur place n’aient pas su vous expliquer clairement notre programme. Vos écrits et votre journal représentent de facto un véritable danger pour notre révolution. Nous proclamons donc sa fermeture immédiate et demandons votre retrait de carte de presse ainsi que votre incarcération dans un camp de travail.

Voici les chefs d’accusation qui ont été retenus contre vous :

1) Vous n’avez pas retenu la photo officielle qu’on voulait vous imposer, vous n’avez pas utilisé la typographie cyrillique et vous avez insidieusement placé un symbole du grand capital sur votre photo.
2) ) Vous écrivez « déclencher la révolution chez ses sympathisants. » Mais nous voulons déclencher la révolution bien au delà ! Mondiale, Internationale ! Sinon, ce n’est pas une révolution !
3) Dans la citation « On s’interdisait beaucoup de choses de par le patronat dans nos projets » nous voulions dire : « C’est le patronat qui nous interdisait beaucoup de choses et non nous-mêmes ».
4) « R.Wan est un bon bougre » Le bougre est un mot du XIème siècle qui désigne l’hérétique, le débauché et provient du mot « bulgare ». Nous ne pouvons pas en tant que révolutionnaires nous laisser dévoyer par le luxe et le stupre et vous laisser utiliser un mot péjoratif pour désigner nos concitoyens bulgares. Le mot « camarade » aurait été beaucoup plus approprié.
5) Quand nous disons « On descend la chanson française » en fait, nous ne la descendons pas, nous souhaitons juste sélectionner les chanteurs et orienter leurs textes pour qu’ils véhiculent les valeurs de l’empire soviétique : la jeunesse, le sport et la choucroute au saumon.
6) Nous n’avons pas créé « notre propre tradition ». Nous nous servons des musiques traditionnelles pour diffuser notre propagande dans l’inconscient des gens afin de les manipuler.
7) Plutôt que terminer l’article sur notre phrase : « Le camarade Mélenchon aura sa datcha, nous allons réquisitionner celle de Guillaume Canet » il aurait fallu un message d’espoir qui tende à l’International ! Il se trouve que vous avez réalisé cette entrevue lors d’un festival qui se trouvait à proximité d’Arcachon. La datcha de Guillaume Canet avait dès lors été réquisitionnée pour le Soviet. La datcha du camarade Jean-Luc, elle, se trouve en Roumanie au bord de la mer noire.

En conséquence et par les pouvoirs qui nous sont conférés, nouv vous condamnons à 4 ans de goulag. Durant cette période vous devrez lire le Capital dans son intégralité, écouter de la variété chinoise à burne, regarder « Les petits mouchoirs » en boucle et interviewer tous les jours Jean-Luc Mélenchon. Bonne chance camarade, vous en aurez besoin…

Camaradement,
Le Soviet.

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