On the road again
Harmoniciste réputé et de grand talent Jean-Jacques Milteau fête cette année ses cinquante ans de carrière. L’homme a accompagné les plus grands et poursuivi dans le même temps une carrière solo. Il nous offre aujourd’hui un superbe Key To The Highway.
Comme les grands bluesmen à leur époque Milteau avec son nouvel opus nous sert sur un plateau huit reprises et deux originaux. Enfin un original et demi car “New Key To the Highway” est une relecture du classique blues “Key to The Highway” repris en son temps par Freddie King, John Lee Hooker, Eric Clapton ou encore Little Walker. Les reprises que l’on trouve sur ce disque montrent l’éclectisme de l’homme puisqu’elles couvrent un registre musical très large allant de Dylan à Cream en passant par Stephen Stills ou Junior Walker. Blues, soul ou country Milteau se révèle aussi intéressant dans tous les genres qu’il aborde.
Le musicien montre qu’à notre époque d’ultra-modernité où tout peut être joué en digital un instrument aussi petit et à l’image surannée que l’harmonica a encore toute sa place : « Bien sûr que l’harmonica n’est plus utilisé aujourd’hui comme il pouvait l’être autrefois. Le côté je pars avec des potes faire un feu de bois et je joue de l’harmonica c’est un peu vieillot. Je ne pense pas que grand monde fasse cela aujourd’hui. Mais ce qui est intéressant avec cet instrument est qu’il aura malgré tout toujours une place. Déjà parce que c’est l’instrument de musique le moins cher qui soit. Mon harmonica qui est un modèle un peu de luxe ne coûte que soixante euros. On est loin du prix d’une guitare. »
Est-ce la place si petite de l’instrument qui fait que l’harmoniciste ne se met jamais en avant. A l’écoute de cet album Milteau est clairement au service de la musique et son instrument parait presque passé au second plan : « J’aime bien l’idée que l’harmonica accompagne. Il y avait déjà cela chez Dylan ou les Stones. Pour cet album ce qui compte pour moi ce sont les voix, bien plus que mon instrument. »
Cette modestie semble être la marque de fabrique de ce musicien pourtant surdoué qui tout au long de sa carrière s’est mis au service des autres, d’Aznavour à Hallyday, de Barbara à Renaud : « On a apprend énormément à jouer pour d’autres. J’ai fait beaucoup d’accompagnement tout au long de ma carrière. Le solo d’harmonica sur “Laisse Béton” de Renaud c’est moi. Je suis parti pour de longues tournées avec mon harmonica avec Eddy Mitchell par exemple. Cela ne me gêne pas du tout de n’avoir pas mon nom en haut de l’affiche. Il y a quatre ans j’ai collaboré avec Xavier Simonin pour adapter au théâtre le roman de John Steinbeck Les Raisins de la colère. Mon nom était en tout petit sur l’affiche et ce n’était pas du tout un problème. Ce qui m’avait plu c’était le travail effectué sur ce projet. »
Érudit et touche à tout l’homme est un passeur que ce soit avec ses méthodes d’harmonica ou ses émissions sur TSF Jazz. Milteau aime toutes les musiques qui viennent du Sud des Etats-Unis même s’il a, on s’en doute, une petite préférence pour le blues. Lorsqu’on lui demande qui sont ses musiciens préférés dans le genre, lui de nous répondre : « Sonny Boy Williamson même s’il a mauvaise réputation, mauvaise réputation par ailleurs justifiée et Sonny Terry dans un autre registre. »
Entrevue : Pierre-Arnaud JONARD
Photos : Isabel TABELLION
Key to the Highway chez Dixiefrog
Jean Jacques Milteau jouera au New Morning le 21 Mai prochain
