Le Monde Möö
(Entreprise)
Vous connaissez la Terre du Milieu et Westeros, royaumes fabuleux où se disputent anneaux d’or et trônes de fer, contrées imaginaires pourtant bien réglées par la loi des hommes et celles tout aussi viriles et implacables de la physique universelle et de son corollaire : la politique. Et bien, « Le Monde Möö », c’est juste l’inverse : une île des enfants perdus, alanguie et changeante, éthérée et liquide, molle et érectile à la fois. C’est un archipel prodigieusement envoûtant où fleurit une pop de fantasmes ambigus, où la sensualité sent le jasmin et l’encens, où les contraires et les surprises prospèrent et s’entrelacent comme une jungle d’opiacées et d’orchidées. Ce très attendu premier album de Moodoïd, devenu quintet depuis peu, n’est pas une simple enfilade de dix chansons, ni même un album-concept. C’est une suite de sensations, de bouffées de parfums et de couleurs qui décrivent un conte initiatique, émerveillé, érotique et mystique. Réalisé et mixé par Nicolas Vernhes (Animal Collective, Dirty Projectors, Dominique A), épaulé pour le seul titre en anglais (« Yes & You ») par Kevin Parker, ce « Monde Möö » se dévore comme un livre pour enfants, plein de changements de rythmes et de transformations, entre Claude Ponti et Antoni Gaudi, Os Mutantes et MGMT. Il se parcourt aussi comme la peau parfumée et fruitée d’un nouvel amour, qui reste à conquérir, sans cesse se révélant et se dérobant sous nos mains. Imprévisible, un peu comme la voix du leader de Moodoïd, Pablo Padovani, ductile et androgyne, tour à tour troublant murmure et chant des sirènes. Rock progressif ou pop psyché ? Les étiquetteurs et autres arbitres des élégances trancheront. On retiendra pour notre part, l’ondoyant « Les garçons veulent de la magie », l’oriental et scintillant « La Lune », l’inquiétant et candide « Bleu est le feu », sans oublier le débridé « Bongo Bongo Club ». Autant de danses incendiaires et chaloupées. Irrésistibles. moodoid.bandcamp.com
Sylvain Dépée
