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GARLO

Garlo - Photo : Pierre Wetzel

Le vent l’emporte

Depuis quarante ans Garlo vit dans le Bordelais, depuis l’adolescence ses copains l’ont baptisé Garlo, il a gardé ce surnom et en a oublié la signification. Cette rencontre, plus bavarde que prévue, se fait au moment où vient de sortir son album fait en collaboration avec la chanteuse Sainkho de la République de Tuva – sorte de Brigitte Fontaine virtuose du chant diphonique ou chant de gorge – et où son «Vent de guitares 2014» va paraître (en juin). Actualité chargée pour ce plasticien sonore parfois en (douce) colère.

Garlo travaille le plus souvent seul même si ce n’est pas un solitaire. Né au Canada dans la réserve indienne de Wendake, un peu par hasard : «  Mon père travaillait le cuir », il  grandit dans une double culture, sans trop de musique. Ses premiers groupes coexistent avec la fameuse vague des groupes bordelais en « St » (Stilletos, Standards, Strychnine…), dont il ne garde pas un souvenir ému. Il prend alors la basse, parce que c’est le rythme qui l’attire déjà. Ses premiers pas « sérieux » se font avec le groupe catalogué folk, Folle Avoine, qui tourne beaucoup : « Très vite en tournée je me suis rendu compte que je n’avais pas le temps de composer ». Or c’est en studio que s’épanouit Garlo. Il faut que ce qui est en lui sorte coûte que coûte. Il tente malgré tout l’expérience gros label avec deux 45 tours, avec un complice, sous le nom « Joël & Garlo ». Il n’en garde ni frustration, ni plaisir. Mais c’est sans doute de cette période-là que date son goût de l’autonomie, il est en effet le boss de son propre label, BP12, ce qui lui permet de faire ce qu’il veut, quand il veut. Quand on évoque d’illustres « collègues », il ne semble pas feindre l’indifférence, même s’il sent bien quelque part que ce qu’il fait est susceptible de toucher un plus grand nombre. Mi-Christo, mi-Brian Eno donc. Sa colère est à chercher ailleurs.

Va où le vent te mène

Paradoxalement c’est une image que l’on connaît le mieux du musicien Garlo « qui a même été sur TF1 » dit il dans un sourire. Celle de 54 guitares plantées au sommet de la dune du Pyla en octobre 1994 pendant 3 jours. Quatre rangées de 13 guitares ou basses, électriques, acoustiques, alignées comme pour reproduire le manche d’une basse. Ces 52 instruments, tous pourvus d’un micro, étaient joués par le vent grâce à des accords ouverts qui suivaient la composition écrite en amont. Plus 2 guitares que deux musiciens pouvaient guider.

Garlo aime le studio, mais force est de constater qu’il y est enfermé. Un jour, ce touche-à-tout du beau son entend parler des harpes Eoliennes. N’étant pas harpiste il décide de façon innocente au départ  de « voir » comment le vent fait sonner une guitare ; il se prend bien vite au jeu. A l’écouter raconter cette incroyable performance on ressent de l’excitation, de la fatigue et surtout un enchaînement de circonstances qui ont abouti à cette création sonore, proche du land-art.
On imagine aisément les heures et les heures de mixages en studio pour aboutir à ce « Vent de guitares ». Toute cette matière sonore « qui peut rendre fou » constitue maintenant ses bases et depuis sur plusieurs de ses albums il replace « ses » vents à la façon de nappes de synthés. Garlo n’a pas toujours joué avec le vent, même si en 1999 un centre commercial japonais lui commande une création autour du vent qu’il baptise alors « Kazé» (« Vent » en japonais). L’installation fut faîte en forme de point d’interrogation et fut suivie d’une exposition et d’un concert. Au Japon il fait alors la Une des journaux, et des hélicoptères de chaîne de télévisions nationales se tiraient la bourre pour avoir le meilleur angle de vue.

Garlo - Photo : Pierre WetzelA la découverte de la “Earth Music”

Ces projets discographiques sont de longue haleine et se construisent en parallèle. Ainsi « 99  haïkus » voit le jour en 2011 il met en musique 99 courts poèmes, en japonais et en français. Pourquoi 99 ? « Parce que c’est le maximum d’index qu’accepte un CD ». Simple non ? L’autre grande étape de la vie musicale de ce créatif fut sa rencontre avec les Indiens Navajos et Sioux. Il affirme que son lieu de naissance n’y est pour rien, on se permet de douter. Parti seul en 1999, il ramène des sons et des chants de son long périple, dont une complicité évidente avec le flutiste Zuni, Fernando Cellicion. Deux « chanteurs de guérisons », sorte de chamans, sont l’ossature de son album « Earth Link » paru en 2000. Il réfute – à juste titre – l’étiquette ô combien marketing de « world music » pour lui préférer l’appellation Earth music qu’il définit ainsi : « Nous sommes tous différents. Nous ne faisons pas la même musique. Mais nous la faisons dans le même esprit ». C’est sur cet album que figure aussi l’inclassable morceau « People » où il fait chanter 200 terriens. Du participatif avant l’heure, du partage tout court.
Garlo chante, pas forcément très bien, mais il préfère le faire lui-même, il chante ses colères, s’avoue écologiste, mais un écologiste énervé. Il a crée le morceau « USO » suite aux mensonges après Fukushima. Si ces textes peuvent apparaître naïfs, ils ont le mérite d’être directs, sans fioritures et parlants. « On te demande pas de penser On te demande pas d’imaginer… On te demande pas d’être heureux Tout ce qu’on te demande c’est d’acheter ».

Le vent nouveau

Le 15 juin prochain, Garlo retourne au vent. Sur les 14 titres de son « Vent de Guitares 2014 » figurent à chaque fois une ligne IPBTW (comprendre : instruments joués par le vent). Il se sert en effet de ses sons de vent comme des nappes de synthés : « Le vent, c’est du rythme, même si on l’entend pas, j’en rajoute pour comprendre ce rythme particulier. ». L’idée neuve de cet album pour éviter toute répétition est de faire appel à des « preneurs de vent » qui via le site  peuvent envoyer leurs sons afin que Garlo les intègrent au projet. Il va encore plus loin puisque le jour de la sortie de l’album, sera mis en ligne l’album avec un fader qui permettra à l’internaute de faire son propre mix, y compris ne laisser que le vent. On y trouvera aussi toutes les contributions envoyées qui enrichiront la bibliothèque sonore. « Vent de guitares 2014 » sera donc un album et un site en marche. Garlo a lui-même été prendre du vent au sommet d’un château cathare.

Le titre « Sur la dune » résume sa démarche et son rapport avec le vent en faisant un rappel de ce qu’il a vécu au sommet de la plus haute dune d’Europe : « Dans le vent, la vibration ; dans la vibration, le son ; dans le son, la musique ; dans la musique,  l’émotion ; dans l’émotion l’infini… »
Idéaliste revendiqué, Garlo, n’est pas naïf, plutôt rêveur malgré lui, et surtout, alors qu’il pourrait facilement décliner son vent partout, n’est pas un concept, mais un musicien de chair et d’os. Et s’il n’y avait pas eu de vent ? « Ben on aurait fait avec ».

Olivier Bas
Photos : Pierre Wetzel

Garlo - Photo : Pierre Wetzel

 

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