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Lescop en Amérique

Lescop - Photo : Toma Iczkovits

Lescop : du noir et blanc en couleur

Dans le cadre de la tournée nord américaine du Festival Ooh La L.A. , le Rochelais Mathieu Lescop (ex-Asyl) a fait un arrêt à Montréal pour faire découvrir en live son nouvel album paru début octobre. Des critiques dithyrambiques en font le nouveau chouchou de la scène pop, tendance new wave et années 80. Une occasion de « jaser » sur la terrasse de la SAT (Société des Arts Technologiques) où il s’est produit en compagnie de Tomorrow’s World, Housse de Racket  et Citizens !

Qu’est-ce que ça fait de chanter devant un public non-francophone ?

C’est assez marrant ! En Californie c’était l’une des seules fois de ma vie où je chantais devant des gens qui ne comprenaient pas ce que je disais. C’était une approche différente et très agréable. On n’allait pas me juger ou décortiquer mes paroles, bien que je sois fier de mes paroles et que je les revendique, mais c’est une façon d’être plus dans la musicalité. Les américains ne semblent avoir aucun problème avec le fait que je chante en français. La plupart me disait d’ailleurs qu’ils préfèrent entendre ça que des français qui chantent dans un anglais approximatif. C’est plus simple de ne rien comprendre plutôt que de tenter de comprendre !

Es-tu rassuré que ta musique puisse être exportée malgré l’importance des mots dans ce que tu fais ?

C’était pensé comme ça. J’avais la volonté de faire des chansons dans lesquelles tu n’as pas besoin de comprendre les paroles pour les aimer. Il y a un deuxième effet, bien sûr, si tu veux mettre le nez dans les paroles, mais tu peux aussi ne pas le faire. Et ça c’est intéressant. Le public américain est totalement dans cette démarche là. C’est ce qui fait que ce disque peut voyager.

Qu’est-ce qui te vient en premier : la musique ou les paroles ?

D’abord les paroles, ensuite, je perçois une mélodie de base. J’essaie d’avoir une bonne mélodie, simple, parce que je ne suis pas un chanteur à voix, et qui va avec ce que je peux faire. Je fais des démos de manière assez succincte : basse, clavier, pas de batterie. Puis après, avec Gaël mon guitariste, on commence à arranger un peu tout ça en studio. Les paroles viennent vraiment de manière morcelée et instantanée. Je jette des phrases un peu dans le désordre sans me soucier de donner du sens, puis après je fais mon puzzle, j’élimine certaines pièces et j’en assemble d’autres : au final j’arrive à avoir une histoire.

Lescop - Photo : Toma Iczkovits

Parles-nous de ta collaboration avec John Hostile.

Je le connais depuis 10 ans, j’avais déjà travaillé avec lui sur d’autres projets. Je voulais faire quelque chose avec lui depuis longtemps, et c’est lui qui m’a dit : « ça serait mieux de faire ton album solo plutôt que de monter un groupe ». Donc c’est lui qui a lancé concrètement l’idée que je me produise en solo ! C’est comme ça que j’ai trouvé mon partenaire pour le faire. On se comprend très bien. Il sait traduire par des sons ce que je ressens avec des mots. Avec lui, je pouvais me permettre de faire des démos très concises, succinctes, ne pas m’embarrasser à chercher l’esthétique sonore, pour plus travailler l’esthétique des textes.

Ta musique est très cinématographique. Qui t’inspire ?

Le côté très esthétique de Jean-Pierre Melville, les personnages toujours en beaux costumes, qui fument des gitanes, qui roulent dans des supers voitures, c’est des gangsters, ils ont la classe, ils sortent des flingues en pointant leur victime en leur expliquant pendant une heure pourquoi ils vont les tuer. C’est réaliste irréel. J’aime bien ce contraste là. Comme Bruce Lee qui disait : « il faut mettre un peu d’irréel dans son réel et un peu de réel dans son irréel ». J’adore également Jacques Audiard : c’est très organique, très coup de poing, ça tape. C’est l’un des rares cinéastes qui s’autorisent des « happy ends ». Ses films sont assez insupportables, tragiques, le processus est très stressant mais généralement on y trouve une fin plutôt légère et agréable, comme un soulagement. C’est un processus qui est un peu l’inverse par rapport à d’habitude, où la pertinence intellectuelle voudrait que ce soit un processus crescendo vers l’échec et une fin tragique. Je trouve ça humain, il aime ses personnages. J’ai cette même approche dans mes chansons, quand je parle de personnages qui ne sont pas moi, je les aime. J’ai envie de leur faire du bien… j’ai aussi un peu envie de leur faire du mal. [rires]

Il y a une certaine dualité entre ta musique (pop) et tes paroles (plutôt sombres).

Je n’aime pas le ton sur ton, ça ne révèle rien. Il faut travailler par contraste. Je n’aime pas quand on dit que le contraire de blanc, c’est noir. Pourquoi le contraire du blanc ça ne serait pas le vert. En occident, on pense énormément comme ça, en mode binaire. Je pense au contraire que tout est imbriqué. Si on parle des couleurs par exemple, on a des couleurs primaires et le noir et le blanc sont des valeurs. C’est pareil dans la musique au niveau de l’harmonie, dans un do, tu as du mi, tu as du sol. J’essaie de travailler comme ça, de révéler des contrastes pour mieux les imbriquer.

On te compare souvent à Daho. Musicalement, qui t’influence ?

[Hésitation] …En même temps, le mec qui chante en français et qui n’est pas influencer par Daho, je ne sais pas ce qu’il fait ! [rires] Daho, Polnareff, Brel, tout ce qui est intense m’inspire. Ce qui ne m’influence pas justement, c’est tout un courant de chanteurs en France, qui commence à s’essouffler un peu, qui parlent de choses complètement banales de la vie comme les repas entre copains, les téléphones portables. Si c’est pour faire ça, j’aurais tendance à dire que ce n’est pas la peine d’écrire des chansons ! J’ai besoin qu’on m’emmène dans un univers un peu plus complexe, intéressant, j’ai besoin de sentir de la dualité, du trouble chez l’auteur. Pour écrire j’ai aussi besoin de ressentir des choses comme ça pour les verbaliser, pour les mettre sur papier, pour qu’elles soient plus faciles à vivre. Au lieu de lutter contre ta complexité, ça te permet de l’apprivoiser, de mieux vivre avec, dans faire une force plutôt qu’une faiblesse.

Qu’est-ce qu’il y a dans ton Ipod en ce moment ?

Jef Barbara, Django Django, Connan Mockasin. J’aime bien les gars un peu bizarres, extraterrestres. J’aime les gens qui rayonnent, qui ont une certaine intensité, même si c’est des rayons gamma, il faut qu’il y ait un rayonnement. Il y a aussi La Femme  : eux ils arrivent dans une pièce, tout de suite c’est le bordel. J’aime les gens comme ça, avec qui il se passe quelque chose.

Lescop - Photo : Toma IczkovitsAs-tu des envies de collaborations avec d’autres artistes ?

J’aime bien le fait de tisser ma toile, cultiver ma famille, d’avoir un réseau qui m’est propre. Ce n’est pas une volonté de ne pas me mélanger. Sur l’album, il y a une collaboration (Dorothée de Koon). Et puis finalement c’est  une collaboration entre le guitariste Gaël Étienne, John Hostile qui a produit le disque et Adrien Viot qui a coécrit « Tokyo la nuit », c’est mon réseau à moi.

L’album est sous l’étiquette Pop Noire, un nouveau label créé par John Hostile et toi.

Je ne voulais pas me compromettre avec un gros label. Je n’ai pas de problème à signer avec un gros label tant que je peux faire ce que je veux. Pop Noire est un terreau qui nous a permis de faire pousser nos plantes et après de les vendre. Je voulais maitriser le contenu, c’est pour ça que j’ai fait l’album avec John chez Pop Noire et après en licence chez Mercury, parce que ce sont des gens avec qui je m’entends très bien et qui me donnent des moyens mais c’était important que le contenu de départ vienne de nous. On l’a fait sans pression commerciale, de notre côté, on a démarché avec un produit qui était déjà fini. Ça évite la perte de temps ou la mauvaise compréhension.

Est-ce que tu t’attendais à avoir un retour aussi positif de la part des critiques sur ton album ?

Depuis que j’ai écris ma première chanson à 14 ans, je m’attendais à ça ! C’est juste que c’est la première fois que ça marche [rires]. J’ai toujours fait des chansons pour les partager avec les gens. J’ai toujours eu envie que ça fonctionne. C’est agréable quand tu as un peu de reconnaissance. J’avais dit ça très bien dans une interview une fois : « je suis agréablement surpris de ne pas être surpris ! ». Si je ne me disais pas que c’était des supers chansons, je ne les sortirais pas. Tout ce que j’ai sorti, c’est parce que j’étais convaincu que c’était bon. Alors forcément, tu te dis que les gens vont aimer.

Quelles sont tes impressions de Montréal ?

C’est la première fois que je viens à Montréal. Je suis super content d’être là, d’être dans un endroit francophone mais tellement différent de moi, de nous les français. C’est un monde à part. Tu n’as presque que la langue en commun. Les gens ici, se sont des canadiens, enfin des québécois, mais ils sont plongés dans le continent nord américain. Ce n’est pas du tout la même façon de voir les choses. Ils sont beaucoup plus positifs, enthousiastes, les français sont plus râleurs. Ce métier est formidable car il te permet de voyager en bossant, pour des bonnes raisons. J’aime bien aller dans un endroit pour bosser, pour rencontrer des gens. Je suis vraiment content d’être à Montréal et je compte bien y revenir !

Yolaine Maudet
Photos : Toma-Iczkovits

 

 

Lescop - Couverture Album“Lescop”
(Pop Noire)

L’album éponyme de Lescop n’est pas sa première tentative, puisqu’il avait préparé le terrain avec le EP « La Forêt » très remarqué au printemps dernier. Le jeune trentenaire nous propose une pop sombre par ses textes audacieux tantôt oniriques, tantôt réels, et sa musique simple mais classieuse. Un petit côté dandy mystérieux émane du personnage comme de ses compositions qui en font tout le charme. Le premier single « La Forêt » nous plonge d’ailleurs dans une histoire de règlement de compte amoureux à coup… de fusil au milieu d’une forêt. Pas étonnant que Lescop soit un grand admirateur de Melville ! Réalisé en collaboration avec John Hostile du duo John et Jehn, les 11 titres ne sont pas sans nous rappeler Daho (pour la voix grave), Taxi Girl ou encore Daniel Darc. Sorti sous l’étiquette Pop Noire spécialement créé par les deux amis, ce petit bijou risque fort d’exploser et Lescop de devenir le nouveau chouchou de la pop tendance à la française. Un album très chic à conserver !

http://www.popnoire.com/lescop_fr

Yolaine Maudet

 

 

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