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Jesuslesfilles


Heureux mouton noir

Nous avons profité de la dernière édition du festival « M pour Montréal » pour rencontrer Martin, le leader de Jesuslesfilles. Son quintette de rock grunge a bellement conclu la vitrine francophone – très pop – organisée par l’événement.

Sitôt installé pour la rencontre, le guitariste / chanteur exprime son plaisir de faire partie de la sélection franco officielle du bref festival, aux côtés de Yann Perreau, Alex Nevsky et Damien Robitaille, entre autres. Conscient que son groupe rock-grunge-garage-post-punk est « une valeur beaucoup moins sûre » pour les dénicheurs de musique québécoise qui assistent à M pour Montréal, il estime que le genre a quand même sa place dans une telle manifestation : « C’est bien de jouer à la toute fin d’un showcase pop. Jesuslesfilles va arriver avec son rock sale et ça va vraiment détonner, c’est sûr ! En même temps, on est rendus aussi sérieux dans notre démarche qu’un autre band de style plus pop. »

Nous sommes la veille du concert à M pour Montréal et Jesuslesfilles présente trois spectacles en deux jours, dont l’un à Joliette, une ville située à 1 heure de Montréal. Martin admet que 2009 aura été une grosse année pour sa bande. Il était bien loin de s’en douter quand, à l’été 2008, il a initié l’aventure… « On fait de la musique parce qu’on a besoin d’en faire et qu’on en a toujours fait. On a été pas mal plus efficaces que ce à quoi je m’attendais. Le band est bon, c’est une belle équipe. Tout le monde apporte quelque chose. »

La « genèse »

Jesuslesfilles, c’est quatre gars et une fille qui ont fait partie (ou font toujours partie) d’autres groupes locaux comme Les Vautours, Kid Sentiment et Le monde dans le feu. « Ça a commencé avec ma guitare, Pascal à la basse et un clavier en guise de drum électronique. J’avais envie d’essayer quelque chose de nouveau, de continuer de jouer de la guitare, mais aussi de chanter », raconte le compositeur et parolier de la formation. « J’ai aussi fait appel à Azure (voix) et à Mathieu (guitare), qui jouaient avec moi dans Sweetheart Sebastian. On a tous les trois été mis à la porte du band en même temps, donc on peut dire que ça tombait bien ! » L’événement leur a permis de consacrer plus de temps à Jesuslesfilles, qui commençait à peine et auquel s’est aussi joint Benoît, le batteur. « On se connaissait déjà, mais on n’avait jamais joué ensemble. Je lui ai dit que ce serait folk-grunge-rock et il a accepté tout de suite. »

Tout le reste s’est enchaîné un peu rapidement. D’abord un tout premier EP enregistré en 2009 avec Joe, le bassiste des Breastfeeders. « Je me sentais privilégié qu’il veuille faire quelque chose avec nous. Il nous a donné un sérieux coup de main. » Puis le groupe a été sélectionné au concours-événement Les Francouvertes, qui s’est déroulé au début de 2010. Cette participation leur a fourni une belle visibilité et la possibilité de jouer sur une plus grande scène que celles des lieux plus underground auxquels ils étaient tous accoutumés. Un exercice pas toujours agréable, mais très utile finalement ! « Dans les concours ou festivals, tu montes sur scène, tu sais que tu t’en vas à l’abattoir et c’est OK ! C’est tout un apprentissage : les grosses scènes, ça se prend vraiment différemment et la première fois, t’es comme gelé. »

Martin estime qu’une bonne partie des occasions qu’ont eues Jesuslesfilles cette année découle de cette participation aux Francouvertes, dont le prix du Festival de musique émergente, qui leur a permis de participer à ce festival d’Abitibi-Témiscamingue et de jouer sur la même scène que We Are Wolves. « On a découvert qu’il y avait un intérêt pour le band. Sérieusement, on ne le savait vraiment pas au départ ! On est quand même un band assez underground et je ne m’attendais pas à autant… pour si peu que c’est. » À travers les performances live, le quintette a continué à composer de nouvelles chansons pour en arriver à une trentaine en deux ans. « J’arrive la plupart du temps avec la musique et les paroles, explique Martin. C’est souvent quelque chose de pas mal fini, qu’on pratique ensemble et alors tout le monde donne ses commentaires. Comme “Martin, il y a des longueurs !” ou encore “Il manque quelque chose ici”… J’ai une partie de chanson, on la jam, je retravaille chez moi et je rapporte ensuite le résultat. »

Une belle table

En septembre 2010, Jesuslesfilles fait paraître « Une belle table », un premier album bien accueilli, qui rassemble 11 compositions enregistrées à nouveau par Joe et mixées par Jean-Michel Coutu. Sur ces titres dominés par des guitares qui aiment les dissonances et des percussions loin d’être timides, les textes sont chantés par Martin et Azure, qui superposent leur voix. « J’aime quand il y a deux voix ensemble. Je donne toujours l’exemple de Jean Leloup, même si je ne compare pas du tout ma voix à la sienne. Je trouve intéressant qu’il mette pratiquement tout le temps deux voix en même temps : ça complète, ça remplit… »

L’album est très bref (28 minutes), mais a l’effet d’un joli pied de nez au indie rock léché qui se propage à Montréal depuis des années. Le son assez brouillon de l’ensemble, bien intentionnel, n’empêche pas d’y déceler un fort sens de la mélodie. Qui a dit qu’il fallait être racoleur pour être accrocheur? « Mes trois chansons préférées en show sont “Tes yeux”, à cause de la guitare au début, “Mon chandail de golfeur”, parce que le drum rentre dedans sans arrêt, et “Mercredi”, à cause des harmonies vocales et de la distorsion », réfléchit celui qui les a composées, en fredonnant au passage des extraits pour illustrer ses explications.

Sérigraphiée par Sel & Vinaigre (soit des membres du groupe local ami Méta Gruau, la très belle pochette du disque autoproduit a même été assemblée par Jesuslesfilles. « On l’a reçue en pièces détachées. On avait une vraie petite usine à domicile ! » Martin montre comment faire : « Tu prends l’exacto, tu coupes ici, tu fais ton pli, tu mets la colle, tu prends un rouleau à pâte, tu laisses pendant une semaine pour que ça colle bien avec le poids, et voilà ! » Une entreprise maison qui a jusqu’à maintenant bien porté fruit. Peu de temps après la parution, Jesuslesfilles participait à Mini M, la version mensuelle de la grande vitrine annuelle M pour Montréal. Une réussite qui leur a permis, tout récemment, d’être vus à l’événement principal, un véritable festival des relations publiques musicales. Vraiment pas mal pour un groupe qui n’est signé sur aucun label.

Et la suite?

Jesuslesfilles risque de ne pas se reposer davantage en 2011. « On travaille déjà sur un “split cassette” avec les Peelies, dans le but de sortir ça au printemps. Ce sera cinq chansons et on en a déjà une couple de faites. » Il faut dire que le groupe offre déjà en live quelques chansons qui ne figurent pas sur « Une belle table », et que la démarche de composition semble fonctionner en continu.

« J’ai déjà hâte au prochain album, peut-être pour septembre prochain. J’ai envie que ce soit encore plus simple : enregistrer analogue, vraiment passer le moins possible par ordinateur, brancher tout directement. » Devant un tel enthousiasme, on y croit vraiment. « Je veux aller chercher la distorsion et le reverb avant. Avoir un son complètement pur, un vrai son de guitare plus brut, plus sec, à la Joy Division. T’entends vraiment la guitare où elle est. »

Une signature, peut-être ? « Pour l’instant, on est bien contents. Je suis sûr qu’il y a plusieurs shows qu’on n’aurait pas pu faire si on était signés. » Martin explique comment Benoît, le batteur du groupe, est en quelque sorte devenu l’agent par défaut de Jesuslesfilles. « Je suis bien content de la façon dont on réussit à s’occuper de nous-mêmes tout seuls. Et si un jour on est signés, tant mieux, parce qu’un bon défrichage sera déjà fait. On y va une chose à la fois… et en attendant, on fait du rock, c’est tout ! »

www.jesuslesfilles.com

Marie-Hélène Mello

Photo : Véronique Messier

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