Le 9 octobre 2010
Pole Ev@sion, Ambarès-et-Lagrave (33)
Quand on consacre une masterclass au thème de la scénographie numérique, on invite EZ3kiel qui prend le temps d’expliquer le processus créatif de son univers visuel. Dans le cadre de sa mission FEDER numérique, le Pôle Ev@sion à Ambarès-et-Lagrave ne pouvait avoir des invités plus éloquents en ce samedi après-midi. Yann Nguema et Mathieu Fays décortiquent quelques projets réalisés au sein d’EZ3kiel.
Les éléments graphiques et visuels ont forgé l’identité du groupe tourangeau, au même titre que sa musique électro. Partir de la musique pour greffer des images est un axe qui s’est développé naturellement chez eux. Les deux musiciens reviennent rapidement sur les diverses étapes de leur carrière : “Nous avons très tôt essayé de jouer de la musique électro de façon live, et comme beaucoup de groupes allant vers cette démarche à l’époque, on a cherché à remplacer le chanteur par des visuels.” Yann et Mathieu rappellent dans un sourire que leurs premiers pas sur ce plan n’étaient pas probants : “Nous avons longtemps joué sur scène avec des images sur des VHS. On s’est sentis bridés car l’image est fixe, déjà enregistrée. On a alors voulu trouver une alternative, sans pour autant faire de l’improvisation.” En quête d’interactivité, le groupe se creuse les méninges pour trouver des solutions aussi originales que passionnantes.
Le projet “Naphtaline” va être entièrement consacré à ce travail. Une ancienne vidéo du groupe pour le morceau “Le lac des signes” sert de base musicalement et visuellement. “”Le lac des signes” était un hasard mais ça a créé une écriture”, précise Yann. Ce projet complet, basé sur l’image et conçu comme une BO de film, se compose d’un CD et d’un DVD-Rom. Pour mieux comprendre leur travail, Mathieu et Yann lancent le DVD : “Il y a très peu de textes car ça fait appel avant tout à la curiosité des gens ; il faut prendre le temps d’ouvrir les différents tableaux qui constituent la partie interactive de l’objet.” Chaque tableau a sa logique propre et permet d’explorer l’univers des sons de l’album grâce à des objets sonores conçus par les musiciens. Ainsi, Yann a programmé des logiciels pour permettre à l’auditeur de jouer et manipuler les sons tout en admirant les richesses graphiques qui se déploient. Yann insiste : “Il n’y a délibérément pas de mode d’emploi car le but n’est pas de composer une musique mais d’explorer un univers.”
Sur scène, les musiciens appliquent ce principe d’un son relié à une image. Illustration avec le morceau “Break or die” : “Les images ne sont pas enregistrées, c’est interactif, chose que les spectateurs ont parfois du mal à saisir. Mais ce sont bien les batteurs qui contrôlent le mouvement sur l’image. On articule des scénarios et c’est l’image qui nous suit…”
Autre exemple d’effet de scénographie : la scène des Eurockéennes partagée avec Nosfell, est habillée spécialement pour l’occasion avec un jeu sur les draps qui cachent ou renvoient l’image des musiciens et servent à projeter des images.
Le groupe a développé une autre idée d’interaction avec son public grâce à une proposition de L’Hexagone, scène nationale de Meylan : une collaboration avec des chercheurs scientifiques a permis à EZ3kiel d’exploiter les prototypes d’un capteur de type motion pad. Le groupe a choisi de placer le capteur dans un ballon qui tombe dans le public pendant le concert. A chaque fois que le public touche ou lance le ballon, l’action intervient en direct sur la musique.
Yann a d’autre part conçu, au sein d’une résidence de l’Atelier Arts-Science (avec des chercheurs et ingénieurs), des installations numériques interactives : l’exposition “Les mécaniques poétiques d’EZ3kiel” est présentée actuellement au Palais de la Découverte à Paris (et à suivre prochainement au conservatoire de Tremblay, à la maison des métallos à Paris, au Carré Sainte-Anne de Montpellier, au Pôle Ev@sion d’Ambarès-et-Lagrave, à l’Agora d’Evry, et à Tours).
Béatrice Corceiro
Photos : Pierre Wetzel
