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BOREAL WOOD

 

Les yeux grands fermés

Boreal Wood incarnerait-il aujourd’hui un songe musical propice à l’époque ? Car la naissance même de ce groupe toulonnais (formé d’Anthony et Eliz) ressemble à un rêve kubrickien.

Boreal Wood - Entrevue sur Longueur d'Ondes

Anthony : « Avec Eliz, au début, notre complicité tournait autour de la photographie, en particulier celle de lieux abandonnés. C’est une fois paumés dans une forêt dense, presque mystique et très “boréale” aux abords de Berlin, que nous est venue le déclic, une mélodie chantonnée, comme pour nous rassurer ; puis nous avons décidé de s’essayer ensemble à la composition dès notre retour. » Ardu à situer, le duo, lors de son premier EP (le troublant 26), semblait néanmoins appartenir à une lignée after-punk en pleine négociation avec le label Sarah Records. Quelque part, parlant de ses influences, Anthony confirme en s’amusant probablement des clichés : « Daho et Gainsbourg, en France. Aux UK, les prémices de la dream pop des 90’s, avec tous les groupes surfant sur la vague post-Joy Division et dans le sillon des Cocteau Twins. ». Soit. A cela s’ajoutait, façon lifting révélateur, un remix de « Bleu comme toi », l’une des chansons passerelles (entre la pop française et l’indie-rock JMC) dont Etienne Daho conserve toujours le secret.

 

 

Pourtant, avec F.L.A.R.E.S (nouvel EP six titres), le mystère s’épaissit, toute trace généalogique tendant à l’évaporation. Boreal Wood navigue dans un autre monde, le sien. Difficile également de relier cette musique aux différents artistes issus du label Toolong Records (les excellents El Botcho et Twin Apple). Il s’agit sans doute guère d’un hasard si Anthony et Eliz ont confié la production de leurs travaux à rien moins que Robin Guthrie (cerveau des Cocteau Twins), apôtre d’une musique survolant les époques sans ne jamais s’y insérer ; une musique souvent observatrice, toujours contemporaine – à l’image des Boreal.

Anthony explique le choix de Guthrie : « Avec Eliz nous cherchions un producteur qui pût apporter cette couleur que nous ne pouvions atteindre, bien qu’étant très perfectionnistes tous les deux. Il fallait choisir une direction, un parti pris, emprunter un chemin différent de ceux que nous avions foulés auparavant avec nos projets respectifs. Nous avons donc préparé une audacieuse liste de noms que nous aurions aimée voir figurer sur le disque. Nos amis d’Hifiklub venant à l’époque de travailler avec Alain Johannes et Lee Ranaldo, nous étions persuadés que les musiciens toulonnais avaient tous leur bonne étoile et qu’il nous fallait caresser une telle ambition. Finalement, au bout de quelques jours, Robin Guthrie s’est imposé comme le seul nom à garder sur la liste. Pour moi qui n’étais pas un connaisseur de la discographie des Cocteau, Robin représentait, en revanche, le père de la dream pop, du shoegaze, des pedalboards de guitare à rallonge et aussi l’un des initiateurs d’une formule musicale très actuelle qui est celle du duo ou trio jouant sur des séquences. En cela, je me suis vraiment identifié à Guthrie, au point de ne vouloir que lui en tant qu’invité. »

Boreal Wood -

Encore fallait-il convaincre l’intéressé : « Après avoir réussi à trouver son mail auprès de mon ami Frédéric Landini (MIDI Festival), qui l’avait programmé en solo sept ans auparavant, et sachant qu’il vivait en Bretagne depuis une quinzaine d’années, je lui ai envoyé un mail. J’ai reçu une réponse au moment où je n’en attendais plus… trois mois plus tard ! A partir de là, tout s’accéléra : les premiers retours (“J’aime beaucoup votre démo”), la rencontre à Paris la semaine suivante ; puis beaucoup d’échanges jusqu’à l’enregistrement dans le Sud, au studio Coxinhell, six mois après. Et avec le temps, l’évolution vers une belle amitié. »

 

 

Robin Guthrie étant dorénavant associé aux deux premiers maxis de Boreal Wood, nous pensions le groupe en train d’esquisser les contours d’un véritable LP. Une supposition aussi légitime qu’erronée, 26 et F.LA.R.E.S s’apparentant à une carte de visite indépendante du grand saut : « En fait, poursuit Anthony, ce deuxième EP représente une phase importante et unique : cette aventure avec Guthrie, qu’il convenait de sceller telle quelle. Attendre de nouveaux morceaux pour enregistrer un album nous aurait fait perdre cette énergie.

Ces derniers mois, nous avons rassemblé une dizaine d’ébauches avec Eliz pour un futur album. En nombre de morceaux, cela représente l’équivalent de ce que nous avions auparavant écrit en deux années. Il semble que nous nous sommes surtout mieux présentés à nous-mêmes et que ces deux EP ont permis de poser des fondations solides au projet. » Voilà qui est rare : un groupe prenant soin de présenter son univers, sans chercher l’urgence du long format, afin que l’auditeur puisse s’y familiariser, comme dans une bulle (car, effectivement, les deux EP de Boreal Wood se déguste en toute quiétude, loin de l’actuelle frénésie contemporaine voulant qu’un album divulgue ses secrets en deux ou trois écoutes).

Pour conclure, manière d’éclaircir le mystère Boreal Wood, on demande à Anthony ses actuels coups de cœur musicaux. Sa réponse était pourtant évidente : « J’ai redécouvert Wild Nothing que j’écoute en boucle, puis l’hiver me donne toujours l’occasion d’écoutes nostalgiques dans tout ce qui a pu me bercer jusqu’ici. A côté de ma platine, parmi les quelques vinyles ressortis pour la semaine, il y a un Sparklehorse, un Lali Puna, un New Order, un Cure et un Bowie. »

F.L.A.R.E.S / Toolong Records
Site : https://borealwood.bandcamp.com
 

JEAN THOORIS
Photos : Laura Stojanov

 

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