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ROVER

Rover  - Photo : Julien Mignot

Dans la famille de la pop chantée en anglais, on demande le gentil géant. Il y a trois ans,  Rover faisait une entrée remarquée avec un Aqualast inspiré par David Bowie et toute l’époque glam. Depuis, Timothée Régnier n’a pas appuyé sur pause et Let it Glow, son nouvel album, est un bon prolongement de tout cela. De R à… R, abécéd’R de Rover.

R comme rove. Rover, c’est une voiture qui a de la gueule mais c’est aussi le dérivé du verbe anglais to rove. Errer. Si Timothée Regnier a opté pour ce nom de scène, ce n’est pas tout à fait un hasard. Fils d’un cadre d’Air France, ce (très) grand garçon a passé son enfance en voyage et son adolescence à New-York où il a notamment fréquenté le lycée français en même temps que certains membres des Strokes. Après avoir un temps rêvé de rugby, c’est à Beyrouth, au Liban, que l’ancien pilier – près de deux mètres et une carrure de déménageur – forme son groupe, The  New Government, avec son grand frère Jérémie, « grand connaisseur de tous les groupes des années 60 ». Exclu de ce pays en raison d’un problème de visa, Timothée devient Rover. Il y a trois ans, son premier  album Aqualast, qui convoquait les fantômes du glam rock des années 70, signait ses grands débuts. Il a obtenu un disque d’or (plus de 50 000 exemplaires vendus) et fait partie des nominés aux Victoires de la Musique 2013.

Rover - Photo : -Julien Mignot

O comme « ombres ». De son propre aveu, il n’a pas attendu une journée pour se remettre à composer à la suite d’une tournée étalée sur deux bonnes années et pas moins de trois passages d’affilée aux Francofolies de La Rochelle. « Durant les derniers mois, j’avais déjà des idées qui venaient, ça me titillait. Sur la route, j’emmagasine beaucoup de choses, des émotions qui ressortent ensuite en session de travail. Pour écrire, il me faut m’isoler, il faut que je sois avec des gens en qui j’ai confiance. De toute façon, dès que je n’ai pas de contraintes d’emploi du temps, je suis un solitaire. Le silence me plaît, être face à soi-même, le travail… » Deuxième disque de Rover bien dans la continuité de cette pop romantique qui l’a fait connaître, Let it Glow met en lumière la part d’ombre qu’aurait chacun de nous. Il poursuit : « C’est peut-être tardif par rapport à certaines personnes, mais j’ai fait récemment le constat que, ce qui me plaît le plus chez les gens, ce sont les défauts qu’ils essaient de cacher. C’est pareil avec une femme, une guitare, une voiture, une chanson, n’importe quoi… »

 

https://www.youtube.com/watch?v=ltBF1mqEnW4&feature=youtu.be

 

V comme vintage.  Sans être tout à fait nostalgique, Rover aime tout ce qui touche aux années 60 et au glam, ce rock du début des seventies jouant sur l’ambiguïté sexuelle. « Vintage » dans ses goûts musicaux, ce garçon de 36 ans l’est aussi dans le choix de son matériel. Enregistré sur la console qui a servi pour le disque Melody Nelson,  Let it Glow  est habité des sonorités du chef d’œuvre de Gainsbourg, à l’image de sa chanson titre. A ceux qui verraient dans sa musique une simple « revival », Rover répond : «  Beaucoup de monde est surpris et me dit : “Oh, votre voix, ça fait très Bowie !“ Ce n’est pas grave ! La nouveauté, c’est le filtre émotionnel dans lequel on fait passer ses influences. David Bowie s’est inspiré de Bob Dylan, qui a lui-même largement repris Woody Guthrie. Lennon existe parce qu’Elvis a existé. Toute sa vie, il a couru après l’envie d’avoir l’air cool comme Elvis juste parce qu’il est resté marqué par un film qu’il a vu à Liverpool. Si c’est pas beau ça, c’est génial ! Ils étaient fans, ils avaient tous 8 ans ces gens-là et moi, je veux avoir 8 ans toute ma vie. » Son carré magique ? David Bowie, Lou Reed,  les Beatles, et… Harry Nilsson.

 

E comme expérimental. Sur Aqualast, la pop rencontrait un côté dansant, pour ce nouvel album, c’est un côté bruitiste qui monte au fil des pistes. Explications : « Les accidents, les outils comme les pianos arrangés, tordre les guitares, tout ça me fascine. Quand je vivais à Beyrouth, j’ai côtoyé des musiciens qui faisaient de la musique improvisée, j’apprenais auprès d’eux mais souvent, ces gens sont anti-formats, anti-musique pop, anti-refrains, or, moi j’aime ça. Je me suis donc demandé : “Pourquoi ne pas réconcilier ces deux monde ?“ » Avec des combinaisons de pédales d’effets et sa seule guitare, Mister Regnier a retrouvé le son des orgues seventies, le cri des baleines. La production de Let it Glow se veut brute, avec le moins d’artifices possibles au mixage. Quant à l’utilisation de bande, Timothée appuie : « La bande à vide produit de la matière, c’est n’est pas le vide numérique, il y a un souffle. Cette excroissance de la bande analogique me fascine. Je peux mettre « play » et écouter ce « ccchhhhh » toute la nuit. C’est extraordinaire, ça détend ! »

 

 

R comme rouge. Let it glow, comme laisser étinceler, laisser rougeoyer. Ce rouge est la couleur qui accompagne souvent Rover dans la vie, mais aussi le marqueur d’une passion sincère. « Si je dois faire des disques tout seul après ça et que ça fédère trente personnes honnêtes dans leur écoute, mon plaisir est là. Il se trouve que le premier album a touché plus de trente personnes, c’est donc qu’il y a une justice. Il ne s’agit pas d’être Michael Jackson mais je crois qu’on peut vivre de sa musique en faisant des disques qui sont en cohérence avec soi-même », affirme-t-il. Let it glow n’est pas loin non plus de ce Let it go et c’est volontaire. Laisser aller… Avec ce bon album évoquant entre les lignes une odyssée spatiale, Rover aimerait bien défier une époque où « tout va très vite » et dans « laquelle on a envie d’écarter les murs » tant il flotte pour lui un côté « figé, glacé ».

Bastien Brun
Photos : Julien Mignot

Let it glow (Cinq7 / Wagram)
Rover sera à l’Olympia le 24 mars 2016.

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