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Anakronic

La voix de l’Amérique

Anakronic © Marylène Eytier

Depuis une décennie, l’Anakronic Electro Orchestra mélange l’électronique à la musique klezmer. En invitant la rappeuse Taron Benson, l’excellent groupe toulousain s’offre une parenthèse hip-hop sous un nom raccourci : Anakronic.

Ce qui a changé cette fois, c’est la voix qui conduit la musique instrumentale d’Anakronic Electro Orchestra à devenir Anakronic. “En amenant la parole, Taron Benson a mis une force humaine”, soutient Mikaël Charry, le cerveau de l’AEO. “Jusqu’à présent, on utilisait des samples de voix très trafiqués comme une matière musicale, on était dans l’abstrait. Là, on est vraiment dans le concret, avec une diction qui porte un sens direct. Il nous a fallu travailler notre musique, les arrangements, pour amener Taron dans notre son.” En somme, laisser le rap se mêler à une musique électro-klezmer que le groupe toulousain façonne depuis maintenant une dizaine d’années.

L’histoire de l’AEO est celle d’une rencontre au hasard, et de ses suites heureuses. À la base, il y a Mikaël Charry, un homme aux machines qui découvre, par la grâce d’une master class, la musique des Juifs d’Europe de l’Est. Le dialogue entre la culture électronique du garçon et cette musique instrumentale en plein revival débouche sur un remix du clarinettiste David Krakauer, le pape du renouveau klezmer à New York. Sous le patronage de ce musicien et d’un producteur attentif, Claude Zimmer – qui a aussi permis l’envol de Yael Naim -, l’aventure Anakronic Electro Orkestra peut commencer ; elle prendra, au fil des disques, un joli tour. “Au début du projet, je me suis plus approché de la culture juive, mais nous n’avons eu de cesse de s’en détacher. Pour nous, c’est un sujet d’étude”, confie Mikaël. L’album “Noise in Sepher”, paru en 2013, synthétise la façon dont le groupe toulousain se joue de cette culture pour mieux capter son essence.

Anakronic, une parenthèse hip-hop

La parenthèse Anakronic découle directement de ce disque et déjà d’une première incursion dans le hip-hop, avec la rappeuse new-yorkaise Taron Benson. “C’est un essai, un exercice de style, parce qu’on aime tous le hip-hop. On avait déjà travaillé ensemble sur une chanson de l’album “Noise in Sepher”, on avait adoré sa rage et on s’est dit : “C’était bien quand même, faisons un titre supplémentaire” ! On a commencé à bosser sur un titre, puis sur un EP, et puis c’est devenu un album parce qu’il y avait tout simplement cette envie”, raconte Ludovic Kierasinski, le bassiste et producteur maison de l’AEO. “Le rap, on a tous ça en nous depuis très longtemps,” poursuit Mikaël, sourire au coin des lèvres. “Moi, je suis un gros fan de DJ Shadow, d’Eminem pour le côté mainstream, et de trucs plus old school comme les Beastie Boys. Du hip-hop de blancs, oui, mais on aime aussi le vrai hip-hop, le hip-hop noir.”

Influencée par toute la fusion du milieu des années 90, la “Spoken machine” d’Anakronic est bipolaire. Très électronique quand les BPM s’emballent (“Wild medesin”, “Little princess”, “Armadillo”), elle se fait plus organique et chaleureuse à mi-voix (“Just us”, “Sound level I & II”). Le groupe, qui a en partie enregistré dans les studios new-yorkais Eastside Sound, a une fois de plus bénéficié de collaborations choisies comme le guitariste de Tom Waits, Marc Ribot, le rappeur Pigeon John, et des ingénieurs du son qui ont compté dans l’histoire du rap (Marc Urselli, Chris Gehringer et Brian “Big Bass” Gardner).

Aujourd’hui, alors qu’il défend sur scène cette escapade américaine, l’AEO prépare déjà une suite : un disque avec leur oncle d’Amérique, David Krakauer, que l’on attend avec impatience.

Texte : Bastien Brun
Photos : Marylène Eytier
“Spoken machine” – Jumu / L’Autre Distribution
www.anakronic.com

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