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Du Plomb

De la vie bordel !
Du Plomb © Miguel Sanchez Martin

À peine dix mois après leur première date dans une cave bordelaise, les musiciens se confrontent à une salle, le Krakatoa, d’une capacité de 1200 personnes, dont le public était venu voir Les Tambours du Bronx. Avec ce nouveau projet, Arnaud, ex-Voisins d’en Face, se lance dans le stoner big beat, sans guitare ! Sur une rythmique lourde, le son est produit mais il reste vivant. Leur musicalité est contrastée : un chant aux sonorités trad vs une grosse batterie, une basse distordue et des claviers saturés. Jusqu’au-boutistes, ils affichent leurs idéaux politiques, tel un retour au rock des années 70, avec une radicalité indéniablement assumée.

Entretien avec Arnaud Lalanne, chant-lead, fondateur et clippeur du groupe.

Peux tu nous faire un retour sur cette première grosse date ? Tu as mis le public féminin en transe lors de “Keep on”, était-ce maîtrisé ?

Le Krakatoa, c’était un gros défi pour nous. Qui plus est le public bordelais… avec une réputation assez froide, bras croisés appuyés contre le mur. Et grosse surprise, dès le premier morceau, ça a fonctionné. Avec un balcon plein et des gens qui chantaient avec nous entre les morceaux. Bon, je crois qu’on s’est bien rassuré !

J’ai mis en transe le public féminin ? Ha ? Heu… Je suis stagiaire chanteur et je commence à peine à assumer ce poste. Être sur scène est un sport collectif, je suis pas sûr que tout seul sans Seb, Jérôme et Julien, je dégage la même chose ! J’ai essayé dans la rue, je mets pas grand monde en transe. “Keep on” en tout cas est construit pour amener à la transe, un disco/rock avec des paroles assez répétitives pour enflammer le dance floor !

Du Plomb © Miguel Sanchez Martin

Pourquoi faire du rock sans guitare ? Qu’est ce qui a motivé ce choix ?

La guitare est un instrument tout à fait respectable, je suis fan de grands guitaristes (Brian May, Tom Morello, Aurélien Budynek, Angus Young, Josh Homme). J’en joue moi-même un peu parfois sous la douche, mais trop de gens formidables ont joué de trop belles choses avec. Et en creusant un peu, la guitare basse s’est révélée un remplaçant tout à fait honorable pour lancer des riffs. Un peu comme l’ont fait les Chemical Brothers sur “Block rockin beats”.

Peux tu nous parler des arrangements musicaux ? Claviers saturés / gros son de batterie…

Je suis sorti d’une expérience de groupe où notre clavier disposait d’environ 16 384 sons différents dans sa machine et je trouvais que l’on perdait un temps fou à chercher lequel sonnait le mieux sur telle ou telle partie du morceau.
Je suis tombé sur le side-project de Zach de la Rocha (chanteur de Rage Against The Machine), One Day as a Lion et c’est un Fender Rhodes saturé qui assure l’accompagnement. Un vrai choc sonore, c’est chaud, ample, furieusement vintage. Donc je me suis dit : c’est ce son et uniquement celui-la que l’on va utiliser.
Concernant le son de batterie, tu peux trouver des batteries amples dans One Day as A Lion, chez les Chemical Brothers, chez les Young Gods que j’ai eu la chance de croiser. J’aime les batteries où l’on sent l’acoustique de la pièce, le côté un peu garage, un peu sale, c’est électrisant.

Ton chant a des allures mystiques, pourquoi ce choix ?

Je surkiffe les musiques traditionnelles. Qu’est-ce qui fait qu’un chant tibétain, mongol, afro américain, composé il y a des siècles et à des milliers de kilomètres te prend au ventre et te fait vibrer ? Qu’y a-t-il de commun entre la personne qui l’a composé et toi, qu’y a-t-il de transcendant ? Et quand je parle de musique trad, il y a aussi la musique celte ou gasconne, qui dans leur côté répétitif, peuvent aussi te mettre en transe. Je pense à des groupes comme Dupain ou Fabulous Trobadors. Du coup, pour le chant, je suis allé chercher des harmonies arabisantes, des mantras, et on a fait le pari de mélanger quelque chose de doux, d’aérien, d’entêtant avec une rythmique lourde.

Lorsque tu conçois un morceau, est-ce la même démarche que lorsque tu imagines un plan ou même un film ? Les images guident-elles ta musicalité ?

Certains morceau, oui, clairement. Sur “Break the sun”, qui aborde le nucléaire, on devait provoquer des images fortes, le malaise, la déflagration et la solitude. Certains morceaux sont propices à ce genre de projection mentales. Ce qui les caractérisent sont des moments d’épure, de silence, qui laisse le temps aux images d’éclore. Comme dans “Let it burn”

Vous avez samplé les Tambours du Bronx. Avez-vous d’autres samples significatifs dans votre “box” ? Et pourquoi le choix des samples ?

Les samples font désormais partie de la panoplie musicale de base. Comme les pédales sur une guitare, cela permet de recréer la diversité sonore que tu trouves en studio. Dans notre “box”, on a des clochettes chinoises, des sons de batterie lo-fi et les samples des Tambours du Bronx, aimablement transmis par Dom.

Maintenant j’avoue que les groupes qui usent et abusent des samples me saoulent un peu. Surtout ceux qui lancent une séquence depuis leur laptop avec le batteur collé au clic, ça m’ennuie profondément. C’est bien un tempo qui flotte ! C’est bien un groupe qui s’arrête pour relancer le public ! De la vie bordel !

Du Plomb © Miguel Sanchez Martin

Peut-on vous classer dans le champ musical du stoner ou est-il trop étriqué pour vous définir totalement ?

Beaucoup de groupes se réclament du stoner, parce que c’est à la mode, et c’est clairement une vague qui nous a redonné l’envie de faire du rock, un peu comme le grunge dans les 90’s. Du Plomb puise au stoner mais aussi à des sources qui lui sont antérieures : le trad, la fusion, le big beat, le metal… C’est l’insoluble problème des étiquettes… Je suis sûr qu’il existe déjà des sous catégories de stoner !

“Rock” comme étiquette, c’est bien, c’est large, ça donne envie de découvrir et c’est moins restrictif et moins effrayant que “stoner big beat”.

On sent dans ton travail, une maturité et quelque chose de contemplatif, pourtant ta musique est “violente” et contrastée, comme tes idées d’ailleurs… Serais-tu dans une période de révolte intérieure ?

Je ne pense pas que mes idées soit violentes, elles sont radicales dans la critique qu’elles expriment. Je suis dans une période de paix intérieure comme jamais. Parce que je pense avoir enclenché une sorte de “traversée du désert”. C’est un journaliste politique que j’admire beaucoup, François Ruffin de Fakir, qui parle de ça. Il raconte que dans sa jeunesse, il était très révolté, très politisé mais sa connaissance des sujets était plutôt limitée. Il a entamé une période où il s’est tu. Et il s’est mis à lire encore et encore, à approfondir, à rencontrer des penseurs et à murir son point de vue… Aujourd’hui, il est tout aussi révolté qu’avant mais il est très loin de l’immaturité de ses propos de jeunesse. Il maîtrise mieux les concepts qu’il aborde et sa critique n’en est que plus fine.
Je suis au début de ça. Une sorte de cheminement, sans emphase, sans emportement, mais en apprenant à analyser et déconstruire les idées reçues. Disons que je suis ceinture blanche en analyse Bourdieusienne.

Par contre, la matière qui est abordé, c’est de la violence pure, de la domination, celle dont on a du mal à identifier les contours et les effets. Et Du Plomb doit refléter ça. Alternance entre calme et chaos.

Du Plomb © Miguel Sanchez Martin

Deux interventions dans l’EP de Frédéric Lordon et de Franck Lepage ? Pourquoi ces choix ? Que défendez-vous ?

Lordon et Lepage sont dans la lignée de cette critique radicale. Que ce soit pour l’économie ou l’éducation populaire, ils transmettent une vision décalée de la version dominante. Sans tomber dans la théorie du complot, de manière objective, ils décrivent des rapports de force, sur les questions syndicales, sur le langage.
Personnellement, je défend juste une démarche qui est de rester l’esprit ouvert et de s’informer auprès d’une presse indépendante comme Le Canard Enchainé, Arrêt sur Image, Fakir, Mediapart, La-Bas si j’y suis et plein d’autres.

Tu es aussi réalisateur, imagines-tu possible de laisser la réalisation de tes clips à un autre œil que le tien ? Peux-tu nous parler du premier clip “Let it burn” ?

C’est très compliqué d’illustrer les chansons de son propre groupe. Je l’ai fait avec ma formation précédente et j’avais vraiment l’impression de passer à côté de quelque chose, de ne rien avoir apporté au morceau. Je suis pour la collaboration et si je rencontre une personne talentueuse prête à échanger, surtout si elle m’apporte des techniques que je ne maitrise pas !

Concernant le clip de “Let it burn, le morceau est à la fois très massif, grâce à l’apport des Bronx, très lent, et très cinématographique. Il porte une espèce de rage sous-jacente. Rien n’est plus beau selon moi que les contrastes. Je suis donc parti sur du symbolisme pur, quelque chose de très féminin et très doux, un cheval, une nymphe, une forêt. Et j’ai parsemé le clip de références presque mythologique, comme la forge et le cracheur de feu. J’ai pas mal été influencé par le travail de Yoann Lemoine.

Dans ma carrière, c’est le premier clip où je mise autant sur le ralenti et où je laisse vivre les images. Avant j’avais plutôt tendance à ne pas vouloir être ennuyeux et donc à tout accélérer. Maintenant ça respire plus, l’émotion peut venir.

On sent quelque chose de viscéral dans votre projet (musical et visuel), je me trompe ?

On essaye de retranscrire quelque chose de profondément humain, dans ce qu’il y a de plus animal… Une frustration, une révolte qui part du tréfonds, de la faire sortir et de lui donner du sens. Sortir d’un concert en étant juste défoulé, c’est bien en soi. Si on a pu sortir des viscères pour atteindre le cerveau et provoquer une réflexion, c’est encore mieux.

Vous ressortez l’EP, pourquoi, comment ?

La première sortie était pour les amis et pour trouver un label pour nous épauler.
Au passage, notre premier disque vendu, c’est un Finlandais qui nous l’a acheté.
Ces gens là ont beaucoup de goût, on oublie trop souvent de le dire !

Concernant le label, mission réussie, ZF Records et la Feppia nous soutiennent, donc maintenant on monte d’un cran et on part attaquer les tourneurs et la presse nationale.
Longueur d’Ondes, en tant qu’organe de presse internationale et militant pour la diversité culturelle, a été le premier à avoir répondu présent ! Que la félicité retombe sur vous et toute la rédaction sur quinze générations !

duplomb.net

Texte : Johanna Turpeau
Photos : Miguel Sanchez Martin

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