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ANNA AARON

Anna Aaron - Photo : Sabine Burger_w

La fille au piano électronique

Cette chanteuse timide se révèle complètement avec “Neuro”, un deuxième album inspiré par la littérature de science-fiction. Avec ses expériences physiques, miss Aaron passe les frontières de la Suisse et s’impose comme l’une des filles les plus talentueuses du moment, une jeune femme que l’on risque de suivre encore longtemps.

Pour écrire son deuxième disque, dont le nom est inspiré du livre “Neuromancien” de William Gibson, Anna Aaron s’est immergée dans les livres de science-fiction. Elle a fait de cette plongée une expérience à part entière et en a retiré des atmosphères bien particulières. “Je cherchais l’ambiance d’une ville, une grande ville, avec des lumières au néon, alors, je me suis dit que cette littérature était une bonne source, parce qu’elle a toujours un environnement très urbain, très moderne, très ‘futuristique’ “, glisse-t-elle dans un français mâtiné d’anglicismes.

Originaire de Bâle, en Suisse allemande, cette jeune chanteuse timide a largement commencé à se faire entendre chez elle. Après un premier disque, “Dogs in spirit”, dans lequel elle avait notamment exploré “le rapport à la peau”, on l’a ensuite remarquée aux côtés du jazzman Erik Truffaz. Au sein du Erik Truffaz Quartet, déjà habitué aux escapades pop, elle remplaçait une autre fille, Sophie Hunger, et posait sa voix grave sur les orchestrations aériennes de monsieur T. Aujourd’hui, Anna Aaron s’inscrit dans cette lignée de chanteuses suisses dont le talent s’exporte.

“En Suisse, on apprend toutes les langues à l’école, j’ai appris le français et puis, je l’ai oublié”, raconte-t-elle. “Mais pour moi, c’est aussi naturel d’aller en France qu’en Allemagne. Tout mon groupe est originaire de la région de Lausanne, et je parle français avec eux. Je ne me verrais pas parler en anglais, comme c’est souvent le cas dans notre pays.”

Le rythme comme colonne vertébrale

Aussi réservée que sa compatriote Sophie Hunger apparaît expansive, Anna Aaron est “une fille au piano électronique”. Rappelant Kate Bush et ces chanteuses qui convoquent les anges avec leur voix, elle a en commun avec elles ce goût des expériences sonores. Passant aisément d’un grave profond à un aigu cristallin, elle semble faire à peu près ce qu’elle veut de son joli timbre et lorsqu’on lui cite la chanteuse britannique, elle répond : “J’adore Kate Bush, je l’admire beaucoup. J’aime les musiciens qui ont le courage de pousser leurs limites, qui cherchent de nouveaux territoires et ne restent pas dans des zones agréables pour eux. C’est aussi ce que j’essaie de faire.”

L’album “Neuro” est un résumé de ce travail de recherche débuté dans la “bulle sainte” que la jeune femme s’est construite à l’écart de “toutes les interférences”. Enregistré en grande partie à Londres dans le studio du producteur David Kosten (Bat for Lashes), ce disque fuit les facilités d’une association piano-voix et amène Anna vers un travail de groupe. Il y a donc du piano, des claviers trafiqués, bien sûr, mais aussi des guitares rauques, des boucles et des batteries, qui confèrent à ces chansons aériennes un côté animal. “Les gens se concentrent surtout sur la musique et les paroles, mais un truc très important pour moi, c’est le rythme. Le rythme, c’est la base, le squelette, c’est la colonne vertébrale d’une chanson”, insiste la jeune femme.

Le digital et l’humain

Le cœur de “Neuro” tient donc dans ce corps qu’Anna Aaron interroge en permanence et qui demeure chez elle comme la chair de tout. “Beaucoup de chansons portent sur l’interaction de l’homme avec le monde digital”, poursuit-elle. “Ce qui est étrange dans “Neuromancien”, c’est que les gens entrent dans le “magic”, ce qui pourrait être Internet aujourd’hui, grâce à leurs nerfs. C’est vraiment un contact physique, alors que pour nous, la toile, c’est quelque chose d’invisible, de virtuel.”

Malgré tout, cette jeune femme qui se retranche derrière un nom de scène, “se refuse à partir dans des thématiques difficiles ou intellectuelles.” Elle souhaite simplement “que les gens puissent retrouver leurs émotions” dans ses paroles en anglais et ses concerts. “Je me réjouis beaucoup de jouer ces morceaux live”, ajoute-t-elle. “J’espère que je vais réussir à créer une atmosphère sur scène qui permettra aux gens d’appréhender mon concert de manière physique, parce que j’ai l’impression qu’aujourd’hui, tout est tellement superficiel… En tant qu’humains, nous avons vraiment besoin de retrouver une expérience physique, sensorielle.”

Bastien Brun
Photos : Sabine Burger

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