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ENTREVUE AVEC CARPENTER BRUT

Quatre ans après Leather teeth, Carpenter Brut revient avec sa suite, l’encore plus jouissif Leather Terror. Un disque qui sonne comme la B.O. imaginaire d’un super slasher des années 80. Entretien avec un génie musical.

Comment as-tu pensé cet album par rapport au précédent, Leather teeth ?

« C’est un retour au sombre. Le précédent était glam parce que le personnage y était étudiant,  un jeune homme en tout cas. Il avait un côté dragueur de lycée qui allait bien avec ce côté glam. Sur ce nouvel album, il est définitivement passé du côté maléfique. Il veut se venger. C’est un peu comme une trilogie au cinéma. Le Star Wars 2, par exemple, est plus sombre que le premier. On rentre dans les années 90 avec ce disque donc il est plus industriel musicalement. Le prochain se situera en 2200. »

Tu écris tes albums comme un synopsis de film ?

« Non je ne vais pas jusque-là. Je pense à des scènes. J’ai une trame, mais très globale. Un scénariste pourrait en faire un film, par contre. Pour les morceaux instrumentaux j’essaie de coller à l’histoire. Les trois derniers morceaux de l’album collent vraiment à l’histoire. »

Dans ce disque, Bret Halford, le personnage principal, est devenu un serial killer ?

« On ne sait pas. Il l’est ou il fantasme qu’il l’est. Je ne veux pas faire une apologie des serial killers. Regarde, c’est pareil avec un film comme Maniac : on ne peut pas avoir de l’empathie pour le personnage principal.»

C’est un album de serial killer au second degré en somme  ?

« Ce que je fais est toujours du second degré. C’est de “l’entertainment”. J’adore Dark Vador, ce n’est pas pour autant que je veux être Dark Vador. »

Il n’y a pas de guitares dans ce disque.

« Je ne suis pas guitariste. Dans l’album d’avant, avec son côté glam, il se devait d’y avoir des soli. Pour celui-là, il était logique, au contraire, qu’il n’y en ait pas. À l’arrière d’un disque de Queen dans les 80’s il y avait écrit :  “il n’y a pas de synthés dans ce disque”. Là, j’ai fait le contraire. »

Il y a un son massif dans cet album…

« Je voulais un son basique et direct donc il fallait jouer sur l’épaisseur du son. J’ai riffé avec mes synthés. C’est un peu comme si tu prenais Hatebreed et que tu enlevais le chant. »

L’influence metal est toujours là 

« Un riff reste un riff. ”Nothing Else Matters” tu peux le jouer au piano, les titres de Ghost tu peux les jouer à la guimbarde. Un bon morceau, c’est un bon morceau. Quand j’ai commencé Carpenter j’écoutais un peu moins de metal. J’en réécoute aujourd’hui mais j’écoute surtout de vieux trucs ou les trucs que j’adore comme Meshuggah qui, coïncidence, sortent leur album le même jour que moi. »

En France c’est très compartimenté la musique. Tu es l’un des rares à faire le pont entre électro et metal.

« Les paroles de “Cannibal Corpse” c’est du second degré. Je m’y retrouve. J’adorais leurs pochettes. Dans la synth-wave il y a pas mal de gens qui écoutent à la fois de l’électro et du metal. Justice jouait bien ”Master of puppets” live. Il y a des passerelles entre les genres. »

Tu as connecté à la fois le public metal et électro. C’est une gageure. 

« C’est une fierté mais ce n’était pas un but à la base. Les métalleux sont ouverts d’esprit. Les mecs de Klone sont fans de PNL. Ils trouvent même qu’un titre de PNL sonne Anathema. »

Dans les guests de l’album il y a pas mal de gens du post metal : Sylvaine, Ulver… 

« J’ai écouté Sylvaine, j’ai accroché. Le mec de Converge fait la batterie sur le dernier morceau de l’album. Il avait dit qu’il adorait Leather theeth et moi j’adore Converge. Un label belge m’avait mis en contact avec Ulver en 2015. J’ai mixé leur dernier album. »

Tous ces artistes sont assez éloignés de ton style synth-wave

« Un bon artiste peut tout faire. Quand Lady Gaga a chanté avec Metallica j’ai trouvé qu’elle s’était bien débrouillé. Ulver fait du black comme de la folk. J’aime moi aussi mélanger les genres. »

Il y a un pur tube sur l’album Lipstick Masquerade

« C’est le seul morceau lumineux de l’album. J’ai imaginé une scène dans laquelle Bret voit une fille qui chante sur scène. Il a un coup de foudre pour elle. Je voulais un morceau qui tranche avec le reste de l’album. On voulait un morceau Madonna dans le feeling. »

Il est dans l’esprit du “Maniac” de Michael Sembello que tu reprenais live. 

« J’adore ça. C’est hyper dur à faire. A la base ce titre de Sembello devait être dans la B.O. de Maniac et au final il a été dans Flashdance. Du coup les paroles en ont été changées.»

Ce sont les B.O. de films qui t’influencent ? 

« Pas tant que cela. Je n’en écoute plus trop. J’ai adoré ”Time”, ce morceau de Hans Zimmer pour Inception mais depuis cela rien ne m’a vraiment fait flasher. Avec Netflix tu n’as plus besoin de te plonger dans des B.O. de toutes façons. »

Cet album a quand même un côté B.O. de slasher des années 80.

« J’avais cette couleur de B.O. sombre. J’avais aussi en tête les B.O. de films comme Top Gun ou Ghostbusters, super variés. J’ai voulu à la fois une B.O. sombre et une B.O. à la Ghostbusters, avec des chansons. »

Tu as cette influence B.O. de slashers. Je n’ai pas l’impression, en revanche, que tu sois très influencé par les Goblins [NdlR : groupe prog italien, auteur de nombreuses B.O. pour Dario Argento] ?

« C’est vrai. Tu as raison, ce n’est pas une influence. J’aime bien les Goblins mais c’est très loin de ce que je fais. Déjà c’est prog et puis j’ai l’impression qu’ils improvisent sur les images. Après, c’est bien barré. »

Le fait que tu aies été ingénieur du son t’aide dans la construction d’un album ? 

« Dans la construction d’un album non mais après cela m’aide, bien sûr. Par exemple j’empile les synthés et cela vient bien sûr de ma formation d’ingé son. »

>>Site

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CARPENTER BRUT

Leather terror

No Quarter Prod/Virgin Records/Universal

Après la trilogie d’EPs qui a lancé sa carrière, Franck Hueso poursuit sa trilogie d’albums entamée en 2018 et son exploration de nouveaux territoires musicaux, au fil des péripéties de Bret Halford, antihéros du faux film dont ces albums forment la BO. Après la pure darksynth des EPs, les teintes flashy du glam metal des 80’s coloraient un premier volet aux allures de slasher movie de la même époque. On y suivait la transformation de l’étudiant Bret Halford, amoureux éconduit puis défiguré par une expérience de chimie, en un monstre assoiffé de vengeance. On le retrouve quelques années plus tard, devenu rock star côté pile, tueur en série côté face. Sombres, étouffants et violents, les morceaux sont cette fois marqués par des sonorités industrielles et l’ensemble, massif et agressif, continue, malgré l’absence de toute guitare, à relier electro et metal. Si « percutant » reste son maître-mot, l’album, en digne BO de film d’horreur, ne manque pas de relief et offre une variété d’ambiances, notamment grâce à de nombreuses et bienvenues collaborations vocales.

À écouter en priorité : “The Widow maker”, “Paradisi gloria”, “Leather terror”.

Jessica BOUCHER-RÉTIF

 

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